Le nouveau roman graphique, une fois n'est pas coutume, ne s'appuie pas sur les souvenirs du dessinateur, scénariste. En effet, il raconte le rapt de l'humanitaire Christophe André enlevé en Tchétchènie en 1997, les 111 jours de sa captivité jusqu'à son évasion. Delisle prend son temps pour montrer les différentes phases ressentis par l'otage. On éprouve nous aussi une sorte d'écrasement, d'étouffement devant la répétition de ses journées, ces semaines passées sans aucune information. Et paradoxalement c'est peut-être sur cet aspect là que le bât blesse, en tout cas qu'une forme d'ennui gagne le lecteur. C'est forcément voulu par Delisle mais ce roman graphique (432 pages) aurait peut-être gagné à être plus resserré. Les 60 dernières pages racontant l'évasion de C. Henry apportent enfin le rythme qui fait parfois défaut. Cela n'enlève rien à la qualité de l'oeuvre bien évidemment et au talent de l'artiste.
Guy Delisle, le célébrissisime auteur québécois installé en France depuis plusieurs années, connu notamment pour ses fameuses chroniques de Jérusalem, un récit inédit, à la fois candide et amusé, sur son année passée dans un Jérusalem occupé, a laissé de côté sa vie personnelle ainsi que ses très amusantes aventures de papa pour sa nouvelle BD particulièrement ambitieuse et audacieuse.
Guy Delisle revient en librairie en cette rentrée 2016 avec un vrai événement littéraire, S'enfuir. Récit d'un otage, qui est une plongée radicale dans la tête d'un otage.
Ce roman graphique dense et profond relate la terrible expérience de Christophe André- rien à avoir avec le psychologue médiatique-, membre d'une ONG kidnappé lors de sa première mission humanitaire dans le Caucase, en 1997, et ses trois mois de captivité et 111 jours qui suivront, nimbés de doutes, d'humiliation et d'espoir.
L'illustrateur québécois s'est lié d'amitié avec Christophe André il y a de nombreuses années, et a voulu rendre compte dans un roman graphique de toute la souffrance subie par l'otage, qui restera enfermé sans personne à qui parler, et rien à faire à part regarder une vieille ampoule et une porte qui reste fermée 99% du temps.
Au départ, enfermé dans une pièce avec une fenêtre obstruée, une ampoule au plafond et un matelas, notre travailleuyr humanitaire- kidnappé pour son première mission, ne pensait en avoir que pour quelques jours avant d'être libéré. Mais le temps passe, rythmé par les mêmes micro-événements ..
Pour ne pas perdre la notion du temps (il essaie de se repérer aux bruits et aux moindres détails), il égrène le calendrier dans sa tête, voyant défiler semaine après semaine : en effet, se rappeler de la date du jour, se repérer dans le calendrier, c'est éviter de ne pas sombrer, exister au milieu d'un monde dont on l'a coupé.
L'album de Delisle est particulièrement réussi pour sonder l'intérieur du cerveau de Christophe André;champ de réflexion permanent qui guette la moindre information du dehors pour tenter de comprendre ce qui lui arrive et si une éventuelle issue est possible.
Avec une distanciation et une profondeur analytique qui force l'admiration, Christophe André se raconte les batailles napoléoniennes pour ne pas péter un câble, un peu comme Kaufmann récitait les cépages bordelais lors de sa détention.
Guy Delisle réussit formidablement au cours de ces 400 pages à allier à la force du dessin et du texte, il montre avec une sensibilité remarquable tout ce que ressent cet otage et créé un suspense au fil des pages.
L'illustrateur parvient parfaitement à s'effacer derrière son interlocuteur, pour mieux raconter en détail sa captivité avec une précision et une justesse qui sidèrent et forcent l'admiration.
La répétition du décor et l'alternance des jours / nuits fait sortir le vide et l'attente invivable permet l'exploit de l'auteur de ne jamais lâcher l'attention du lecteur et la finesse du récit et de la narration font de ce S'enfuir, récit d'un otage" de Guy Delisle un des incontournables de la Bande Dessinée de cette rentrée mais aussi de cette décennie.
Une nuit, alors que Christophe André travaille depuis trois mois en Tchétchénie dans l'humanitaire, est enlevé puis menotté dans une chambre. Un peu surprise qu'il soit aussi passif au début. Il ne crie pas, ne se débat pas, ne pose pas de question. Jours et nuits se ressemblent. Aucun ne parle français ni anglais. C'est là qu'intervient le talent de Guy Delisle avec cette sensation de rentrer dans la peau de l'otage qui espère, qui se fait violence pour ne pas entrer dans le syndrome de Stockholm, de ne pas perdre la notion du temps et de la mémoire. Imaginez être en prison sans savoir pourquoi ni la durée. Planches bicolores aux dessins simples et efficaces.
En 1997, Christophe André mène sa première mission humanitaire en Tchétchénie pour le compte de Médecin sans frontière. Dans la nuit du 1er au 2 juillet, des hommes s'infiltrent dans le bâtiment dans lequel il loge à Nazran et l'embarquent avec eux. C'est alors que commence sa vie d'otage qui durera près de quatre mois au terme desquels il parviendra finalement à échapper à ses ravisseurs. Ce sont les 111 jours de captivité que nous relate Guy Delisle dans son dernier roman graphique, un ouvrage imposant à la lecture duquel on ne ressort pas indemne. le pari de l'auteur était osé, raconter jour après jour le quotidien de cet otage passant l'essentiel de ses journées seul, attaché à un radiateur, n'ayant, à priori, rien de captivant. On se prend pourtant très vite au jeu grâce à l'empathie immédiate qu'on éprouve pour le personnage, un homme ordinaire qui ne comprend pas ce qu'il lui arrive, qui a peur, qui cherche à se rassurer, à s'occuper, à ne pas devenir fou. En nous plongeant dans la tête du protagoniste, l'auteur nous incite à nous mettre à notre tour à la place de cet otage et à réfléchir à la façon dont nous réagirions dans une situation similaire. Serait-on par exemple capable de maintenir, par fierté, une attitude indifférente à l'égard de nos geôliers ? Saurions-nous saisir la première opportunité pour nous échapper ? Arriverions-nous à rester sain d'esprit ?
On suit avec un mélange d'appréhension et d'impatience le décompte des jours, curieux de savoir quelle attitude le personnage va adopter face à telle ou telle situation, avec toujours cette obsédante question en tête : et nous, qu'aurions-nous fait dans les mêmes circonstances ? Quelques moments cruciaux mis à part, le quotidien de Christophe André se réduit cela dit pendant la majorité de l'ouvrage à une longue attente, sans qu'aucun événement notable ne vienne troubler son ennui. Un sentiment que le lecteur, bien qu'en en étant témoin, n'éprouve cela dit à aucun moment lui-même tant la tension née de l'attente et de l'espoir reste perceptible, même dans les moments les plus anodins. Les planches se succèdent donc et se ressemblent, avec parfois quelques éléments supplémentaires témoignant d'un infime changement. le décor est tellement minimaliste que seuls de subtiles jeux de couleurs permettent de temps à autre de nous informer des jours et des nuits qui passent. Pendant tout ce temps, ce sont les pensées du personnage qui nous occupent : ses questionnements, ses moments de désespoir ou d'euphorie, et surtout ses stratégies pour échapper à l'ennui et rester lui-même (stricte décompte des jours, jeu sur les batailles napoléoniennes qui le passionnent depuis longtemps, une petite touche d'humour par-ci par-là...).
Avec ce récit d'otage, Guy Delisle nous plonge jour après jour dans le calvaire vécu par Christophe André, sans chercher à nous épargner l'impatience et la tension due à l'attente interminable endurée par l'otage. le résultat aurait pu être ennuyeux au possible mais pousse au contraire le lecteur à l'introspection et à l'empathie envers tout ceux qui, en ce moment même et partout dans le monde, doivent endurer cette épreuve.
On ne s'imagine pas bien ce que peut ressentir un otage, la peur que peut éprouver une personne qui a été enlevée en pleine nuit alors qu'elle dormait, qui ne sait ni où on l'emmène, ni ce qu'on va lui faire.
Avec cette bande dessinée, l'auteur nous montre le quotidien d'un homme enfermé dans une pièce vide, attaché à un radiateur, sans personne à qui parler, sans rien à faire pour passer le temps, qui attend les repas parce que cela rythme les heures, parce que le moindre bruit est prétexte à briser la monotonie, de jour comme de nuit.
Il nous révèle la fatigue, la peur, la faim, l'envie de se soulager, toutes ces sensations banales mais qui revêtent une importance capitale quand on ne sait pas si demain on sera toujours vivant.
Il nous montre l'attente, l'angoisse, l'espoir, la terreur parfois, avec des dessins épurés et une économie de mots assez incroyable.
Je suis au fond du gouffre. Comment pourrais-je regarder dans les yeux mes amis, mes compagnons de travail avec cette somme que je leur aurais fait perdre ? ! Sortir d'ici, oui, plus que jamais. Mais pas à n'importe quel prix... pas à n'importe quel prix.
Etre otage, c'est pire qu'être en prison. Au moins, en prison, tu sais pourquoi tu es enfermé. Alors qu'otage, c'est juste de la malchance. Au mauvais endroit, au mauvais moment.
Être otage, c’est pire qu’être en prison.
Au moins, en prison, tu sais pourquoi tu es enfermé.
En prison, tu connais le jour où tu vas sortir, la date précise…
Alors qu’ici je peux juste compter
les jours qui sont passés sans savoir
quand ça va s’arrêter.
Ça me paraît tellement irréel de savoir que la vie continue dans toute sa banalité alors que je suis enfermé ici, menotté au sol.
Ne pas perdre le décompte des jours. Le temps, c’est la seule chose dont je sois certain. Je ne sais pas où je suis… Je ne sais pas pourquoi je suis ici… Je n’ai aucune idée de ce qui se passe à l’extérieur… Ça ne m’avance à rien d’y penser. 10 juillet, jeudi, le 10 juillet. Tout ce que j’ai comme repères, c’est le jour et la date. 10 juillet
De quel nationalité est Guy Delisle ?