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232 pages
éditions colbert (31/05/1927)
5/5   1 notes
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Il est rare, mais toujours gratifiant, de tomber sur un roman fantastique français du premier tiers du XXème siècle. Jugé très audacieux et trop anglo-saxon par essence, le genre fantastique n'était guère apprécié des éditeurs, même s'il y a toujours eu en France des amateurs de cette littérature. La marginalité dans laquelle était confinée toute littérature fantastique inspirait des écrivains qui s'affranchissaient instinctivement des codes littéraires propres à ce genre, ce qui les amenait à publier des oeuvres extrêmement personnelles, souvent d'une très grande originalité.
Charles Derennes n'est pas un inconnu, mais à l'époque où il écrivit ce récit (1917), isolé dans un village des Landes, fraîchement revenu du front où il avait été mobilisé comme infirmier, il n'était qu'un jeune écrivain régionaliste, ayant beaucoup écrit de poèmes et de courts récits sur les terres de Guyenne et de Gascogne, sur leur histoire et sur leurs légendes folkloriques. C'est en 1924 que sa carrière prit un tournant tout à fait nouveau, car il obtint le prix Fémina pour « Émile et les Autres ».
« La Petite Faunesse » est donc une obscure oeuvre de jeunesse, dont l'édition originale fut très confidentielle. C'est grâce à sa réédition par les éditions Colbert, entre 1927 et 1943 (au moins 9 réimpressions), que ce roman fut tiré momentanément de l'oubli. Anecdote amusante, il fut publié dans une collection éphémère, "Plaisir d'Élite", qui ne rassembla que deux romans inspirés du même thème, dans des formats réduits, « La Petite Faunesse » de Charles Derennes et « le Dernier Faune » de Jean d'Agraives, très réussi également, quoique plus moderne.
« La Petite Faunesse » tient en effet sans doute plus du conte folklorique empreint de surnaturel que du roman fantastique selon les codes du genre. le roman se déroule au XIXème siècle, dans le village imaginaire de Castelcourrilh-en-Quercy, sur les bords du Lot.
Le Quercy est une ancienne région de France située aux alentours de Cahors, et chevauchant les départements du Lot et du Tarn-et-Garonne. Au XIXème siècle, c'est une région encore très boisée, forestière, rurale et particulièrement sauvage.
Chaque année à Castelcourrilh, tout ce que le village peut compter comme hommes solides participe à la grande chasse collective organisée par le marquis Sulpice d'Escorral (un nom vraisemblablement inspiré d'une très ancienne famille noble du Quercy, les Hébrard de Saint-Sulpice). Cette chasse est d'autant plus joyeuse et féroce que le marquis marie sa fille unique, Ève, au jeune marquis Michel de Roquebusane, le narrateur de cette histoire, et cette union, que chacun reconnaît comme émouvante, donne aux villageois des envies de défoulements.
Qu'on ne se laisse cependant pas émouvoir par ces titres nobiliaires et ces noms à particules : sur cette terre sauvage, ces descendants de grandes familles ne diffèrent des paysans que par le degré de leur fortune. Ce sont tous, dans ce roman, des rustres modelés par la nature sauvage et impérieuse, jamais totalement domptée, du Quercy.
La preuve en est que, loin d'adopter les plus chastes convenances qu'exigent le protocole et les bonnes manières, Ève n'a pas très envie d'attendre la date du mariage pour découvrir les joies du sexe. Il est vrai que Michel et Ève sont très épris l'un de l'autre, et que leurs pères eux-mêmes les incitent volontiers à goûter en cachette aux premiers tripotages - à condition néanmoins que personne d'autre ne soit au courant.
Cette chasse de plusieurs jours est donc l'occasion pour les deux amants de s'éclipser discrètement, afin de parcourir les environs de Castelcourrilh, à la recherche d'endroits discrets, remises de foin, cabanes abandonnées, où se donner rendez-vous une fois la nuit tombée pour jouer à la bête à deux dos.
N'en faisons pas mystère, les deux tiers de ce roman narrent à la fois les moeurs, coutumes et légendes, tournant autour de la chasse annuelle de Castelcourrilh, et les flirts poussés et finalement aussi romantiques que sensuels des deux tourtereaux. Charles Derennes plonge son lecteur dans cette ruralité ancestrale où se renouvelle continuellement le miracle de l'amour et le destin fatal de la mort. Il n'a pas l'intention de raconter une intrigue complexe. Tout est donc très joyeux, très coquin, mais aussi très statique.
C'est en choisissant pour leurs étreintes les ruines d'un domaine antique appelé Clarecrose que Michel et Ève sont confrontés à une présence surnaturelle, celle d'un être immatériel qui pousse des rires glaçants en plein coeur de la nuit. Quelques jours plus tard, possédé d'une étrange façon, Michel rêve toutes les nuits qu'il revient à Clarecrose, et qu'il y fait l'amour avec une faunesse qui a les traits d'une jeune paysanne du village, nommée Noëlle, qu'il connaît de vue mais à laquelle il n'avait jamais vraiment prêté attention. Michel culpabilise un peu de ces rêves adultères, mais après tout, les rêves ne sont que des rêves, et ils s'imposent à notre inconscient, ils appartiennent au mystère de notre imaginaire intime, et on ne peut les appeler ou les chasser à notre guise...
Michel se satisfait de cette conclusion, qui accorde si bien le réel et l'onirique, jusqu'à ce qu'il se réveille un matin dans les bras de Noëlle, au milieu des ruines de Clarecrose. La jeune femme lui révèle qu'elle appartient en réalité à la race des faunes, et qu'elle l'a choisi pour compagnon. Peu importe qu'il soit fiancé ou bientôt marié à Ève, Noëlle le fera toujours revenir à Clarecrose quand elle le voudra, et il ne sera pas capable de résister. Bien que l'expérience ne lui soit pas fondamentalement désagréable, Michel de Roquebusane se sent fortement empressé par la hantise passionnée que lui voue Noëlle, et il finit par confesser à Ève la possession dont il est victime. À eux deux, ils vont tenter de combattre Noëlle, mais cette guerre des coeurs et des sens débouchera sur une double et sanglante tragédie, à laquelle se mêleront des nemrods enivrés, habités d'une frénésie antique, et avides d'ajouter une petit faunesse à leur tableau de chasse...
Sur le plan thématique, « La Petite Faunesse » repose sur une sorte de légende rurale qui se situe dans l'esprit des contes folkloriques rapportés par Claude Seignolle, mais dont paradoxalement, la narration est nettement plus atypique, entretenant à la fois un certain esprit paganiste et gaulois, qui s'aventure volontiers dans un érotisme audacieux pour l'époque, tout en se complaisant parallèlement dans une violence primitive et païenne. Il y a aussi dans ce roman quelques scènes de chasse et de mises à mort qui sont d'une dérangeante crudité, et qui surprennent pour l'époque. Les allusions sexuelles, si elles ne sont jamais grossières, n'en sont pas moins très explicites. Des scènes comiques, mais d'un humour cependant très noir, contribuent à donner de ces habitants du Quercy une image décadente et très antique, conforme à la dissipation des moeurs prêtée à l'Antiquité par les moralistes chrétiens.
De ce fait, « La Petite Faunesse », sous ses airs folkloriques, se révèle un roman étonnamment subversif pour son temps, faisant l'éloge d'un paganisme antique terré dans le Quercy, qui assumerait sa barbarie atavique, et résisterait vigoureusement à la morale chrétienne et à la civilisation moderne. Il faut peut-être y voir aussi un pendant ou un reflet de ce que Derennes a pu vivre sur le champ de bataille, la guerre étant elle aussi, à sa manière, une barbarie antique.
Toujours est-il qu'en dépit d'une narration à la langueur volontaire, qui peut sembler parfois soporifique, « La Petite Faunesse » est un roman original et atypique, qui aurait sa place dans n'importe quel cabinet de curiosités, et séduira sans trop de mal les amateurs de littérature fantastique et de curiosités folkloriques teintées de paganisme. C'est aussi, sans nul doute, l'un des romans les plus insolites qui ait jamais été consacrés à la région du Quercy.
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