Citations sur Le monolinguisme de l'autre, ou, La prothèse d'origine (54)
Parce qu'il n'y a pas de propriété naturelle de la langue, celle-ci ne donne lieu qu'à de la rage appropriatrice, à de la jalousie sans appropriation. La langue parle cette jalousie, la langue n'est que la jalousie déliée. Elle prend sa revanche au cœur de la loi. De la loi qu'elle est elle-même, d'ailleurs, la langue, et folle. Folle d'elle-même. Folle à lier.
On ne peut parler d'une langue que dans cette langue. Fût-ce à la mettre hors d'elle-même.
Ma langue, la seule que je m'entende parler et m'entende à parler, c'est la langue de l'autre. Comme le « manque », cette « aliénation » à demeure paraît constitutive. Mais elle n'est ni un manque ni une aliénation, elle ne manque de rien qui la précède ou la suive, elle n'aliène aucune ipséité, aucune propriété, aucun soi qui ait jamais pu représenter sa veille.
Ce monolinguisme, pour moi, c'est moi. […] hors de lui je ne serais pas moi-même. Il me constitue, il me dicte jusqu'à l'ipséité de tout, il me prescrit, aussi, une solitude monacale, comme si des voeux m'avaient lié avant même que j'apprenne à parler. Ce solipsisme intarissable, c'est moi avant moi.