LA PETITE GERTRUDE
Aujourd'hui n'est pas mi-carême
Ni mardi gras
Pourtant la petite Gertrude met des bas bleus
Elle met des bas bleus sur ses jambes
Sont-elles jolies ?
La soie est-elle assez fine ?
Elle met des bas bleus aujourd'hui
Elle n'en mettra pas demain
Car elle n'en a qu'une paire de couleur
Et nous devons penser, lui faire l'honneur de croire
Qu'une femme comme elle change de bas
Comme de chemise.
CHANSON DU JOUR
ET DE LA SUIVANTE NUIT
Ils se rencontrent à minuit
Ils s'embrassent en silence
Ils s'étreignent jusqu'au matin
Tout le jour passe et la suivante nuit
Et le jour suivant tout pareil
Le jour au jour et la nuit à la nuit
Ils échangent les fleurs d'amour
Ils échangent les herbes odorantes
L'estragon du rêve et le cerfeuil de la tendresse
Tout le jour passe et la suivante nuit
Et le jour suivant tout pareil
Le jour au jour et la nuit à la nuit
(.....)
Et puis ils dorment avec fureur
Les lèvres ensanglantées lui du sang d'elle
Elle de son sang à lui
(...)
Frémissant tout le jour et la suivante nuit
Et le jour suivant tout pareil
Le jour au jour et la nuit à la nuit.
LA LAIDE AU BOIS DORMANT
Si vous alliez à la chasse en automne
Vous rencontreriez sûrement dans la forêt
Un cerf un lièvre et un faisan
Cela vous entraînerait loin sûrement
au château de la laide au bois dormant
Si vous alliez à la chasse en automne
Vous éveilleriez la laide au bois dormant
Si laide qu'elle ne rêverait pas
Si vous alliez à la chasse en automne
Vous diriez à la laide au bois dormant
"Tu es bien laide si laide que nous partons"
Et croyez-vous qu'elle en mourrait ?
Mais non bien sûr elle n'en mourrait pas
Elle répondrait que ce n'est pas vrai
Tout de go, de but en blanc
Et qui sait peut être aurait elle un amant
Dix cent mille amants
à ne plus pouvoir dormir
Tout cela arriverait sûrement
Si vous alliez à la chasse en automne
Ô cerfs ! ô lièvres ! ô faisans !
MA SIRENE
Ma sirène est bleue comme les veines où elle nage
Pour l'instant elle dort sur la nacre
Et sur l'océan que je crée pour elle
Elle peut visiter les grottes magiques et les îles saugrenues
Là des oiseaux très bêtes
conversent avec des crocodiles qui n'en finissent plus
Et les oiseaux très bêtes volent au-dessus de la sirène bleue
Les crocodiles retournent à leur boire
Et l'île n'en revient pas
ne revient pas d'où elle se trouve
où ma sirène et moi nous l'avons oubliée
Ma sirène a des étoiles très belles dans son ciel
Des étoiles blondes aux yeux noirs
Des étoiles rousses aux dents étincelantes
et des étoiles brunes aux beaux seins
Chaque nuit trois par trois
alternant la couleur de leurs cheveux
Ces étoiles visitent ma sirène
Cela fait beaucoup d'allées et venues dans le ciel
Mais le ciel de ma sirène n'est pas un ciel ordinaire
Ma sirène a sept bateaux sur son océan
Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi
Samedi et Dimanche
Les uns à vapeur les autres à voiles
Les uns rapides les autres lents
Mais tous beaux mais tous charmants
avec des marins connaissant leur métier
Ma sirène a des savons de toutes formes et de
toutes couleurs
C'est pour laver sa jolie peau
Ma sirène a beaucoup de savons
L'un pour les mains
L'autre pour les pieds
Un pour hier
Un pour demain
Un pour chacun des yeux
Et celui-là pour sa queue d'écailles
Et cet autre pour les cheveux
Et encore un pour son ventre
Et encore un pour ses reins.
Ma sirène ne chante que pour moi
J'ai beau dire à mes amis de l'écouter
Personne ne l'entend jamais
Excepté un, un seul
Mais bien qu'il ait l'air sincère
Je me méfie car il peut être menteur.
SOIR
Jadis un coeur battait dans cette poitrine
Il ne battait que pour elle
Le coeur bat toujours mais on ne sait plus pourquoi
Celui-là a clos ses lèvres à jamais
Il ne dit plus Il ne dira jamais plus
le mot amour
Peut-être le coeur bat-il toujours pour elle
Il bat sûrement encore pour elle
Mais il bat dans le silence
Ce doit être une triste nuit
Que la nuit de celui-là
Qui écoute battre son coeur
Il l'écoute il bat comme aux grands jours
Comme aux jours délicieux
Comme aux jours d'illusion
Mais l'amour n'a plus le droit de se révéler
Par la parole de ce veilleur acharné
Obstiné à aimer et à souffrir
Et si elle aussi a un coeur
Un soir elle viendra à pas de loup
Fermer ces yeux qui fixent une image dans l'obscurité
Et mettre sur le silence de cet amour
Le silence immense et sifflant du sommeil
Mais alors elle apparaîtra dans un rêve
Et tout sera à recommencer.
CONTE DE FEE
Il était un grand nombre de fois
Un homme qui aimait une femme
Il était un grand nombre de fois
Une femme qui aimait un homme
Il était un grand nombre de fois
Une femme et un homme
Qui n'aimaient pas celui et celle qui les aimaient
Il était une fois
Une seule fois peut être
Une femme et un homme qui s'aimaient.
IL A SU TOUCHER MON COEUR
L'autre soir j'ai rencontré
Un séduisant jeune homme
Et nous avons folâtré
Et dégusté la pomme
Dans le lit que j'étais bien !
Car le lit c'était le sien.
Il avait su toucher mon coeur
Tout en fièvre
Et j'aimais déjà la saveur
De ses lèvres
Au bout d'un petit instant
Un instant
Qui dura longtemps
Mais qui me parut trop rapide
Il me quitta d'un air languide
Pour aller se laver les mains
Tout près dans la sall'de bains
Peu après il est rentré
Tout rempli de courage
Et il a recommencé
Plein de coeur à l'ouvrage
Car douze fois dans la nuit
La même chose il refit.
Il avait su toucher mon coeur
Tout en fièvre
Et je garde encor la saveur
De ses lèvres
Mais le lendemain matin
Du festin
Sur le traversin
Je vis qu'il y avait trois têtes
Et je compris toute la fête
C'était tour à tour deux jumeaux
Qui s'étaient donné le mot.
J'ai gardé ces deux chameaux
Ne sachant lequel prendre.
(p.218)
FRERES MIRONTONS
Pour le rond, pour le dix et pour la terre jaune,
Une chiée a la dent, mais j'ai l'estomme en vrac
A les imaginer, deux par deux, cul à trac
La dossière et le zob à la mode d'Ancône.
Tel empapahouta chez nous demande aumône
Aux louchébems ou aux sergots ou même aux macs,
Tels autres sont mordus pour des girons, des jacks
Pour un télégraphiste, enfin pour un beau môme,
Les frères mirontons n'en demandent pas tant,
La ficelle, elle seule, émeut leur palpitant,
Par discipline ils se font donc dorer la rose.
Passe encor de se faire emmancher par un dur
Ou d'aller au petit d'un mignon, d'un pas mûr,
Mais pour l'oberleutnant se défoncer la prose !
(p.78)
DEMI REVE
abougazelle élaromire
Elaroseille a la mijelle
a la mirate a la taraise
Mirabazelle élagémi
Rosetaraise et coeurmira
Talatara miralabou
Elaseta coeurgemirol
a laubeaucoeur bauzeillabel
Il est huit heures il est romil
Il est bonjour au coeur de lune
Le ciel alors lagélami
Lagélasou lagésommeil
Lagébonneil Lagésonjour.
PAS VU CA
Pas vu la comète
Pas vu la belle étoile
Pas vu tout ça
Pas vu la mer en flacon
Pas vu la montagne à l'envers
Pas vu tout ça
Mais vu deux beaux yeux
Vu une belle bouche éclatante
Vu bien mieux que ça.