Après un essai qui a bouleversé ma vision des choses puis une lecture qui m'a perturbée, j'avais envie d'un bouquin qui soit un peu différent. Un ouvrage plus personnel, peut-être plus « littéraire ». Et comme je connais
Virginie Despentes et que j'ai beaucoup aimé certains de ses romans, j'ai pensé que me tourner vers son
King Kong Théorie était une solution parfaite.
Pourtant, je ne voyais pas seulement la lecture de
King Kong Théorie comme un moyen de « respirer » un peu après les deux premières chroniques de ce challenge. Je connais la plume de madame Despentes, corrosive, vulgaire, décousue et puissante. de quoi être un bon réceptacle de la colère accumulée…
Tu me connais ami-lecteur, j'ai parfois la fâcheuse tendance à ne pas beaucoup me renseigner sur ce que je m'apprête à lire… Je pense que ça a été le cas ici. Je m'attendais à une harangue féministe, pas à un récit aussi auto-biographique. Car
Virginie Despentes nous parle d'elle, de la manière dont elle est devenue celle que l'on croit connaître un peu grâce à ses livres et par le prisme des médias. Soyons francs, elle a eu une vie complexe… Victime d'un viol à 17 ans, prostitution occasionnelle jeune adulte puis auteure à la fois polémique et à succès.
le récit de sa vie, porteur de sens quand on a conscience de l'importance des combats féministes, m'aurait suffi. Sauf que
King Kong Théorie est plus que cela. C'est aussi une longue réflexion sur la place de la femme, le sexe, le viol, la prostitution, la virilité, le mariage,… Bref, malgré ses quelques 145 pages, le bouquin est foisonnant. Finalement qu'importe ce à quoi je m'attendais au départ, la question est de savoir ce que j'en ai pensé au final…
Les débuts ont été prometteurs. Non, plus que cela, les premiers paragraphes m'ont enthousiasmée, quand elle précise qu'elle s'adresse à toutes les femmes qui ne correspondent pas à l'idéal – inexistant – de féminité fantasmé par notre société – et le patriarcat -. Quand est arrivé son témoignage sur le viol qu'elle a subi, alors qu'elle faisait de l'auto-stop avec une amie, j'ai été vraiment touchée. Quant à la suite… Toute sa réflexion sur le viol m'a paru finalement plutôt égocentrée. Pas dans le sens où elle part de son vécu, cela nourrit sa pensée mais dans le sens où elle ne parle que d'une forme particulière de viol. Celui de l'extérieur, par un ou des inconnus. Ou presque inconnus. Et quand elle évoque le fait – véritable – que l'on apprend aux filles à ne pas se défendre et à ne pas user de violence, elle semble sous-entendre que l'inverse changerait la donne. Sauf que le viol qu'elle a subi ne ressemble pas à la majorité des cas. Selon l'enquête « Violence et rapports de genre » (VIRAGE) menée par l'INED – que l'on peut retrouver ici – sur les 94 000 femmes de 18 à 75 ans victimes de viols et/ou de tentatives de viol, dans 91 % des cas, les agressions avaient été perpétrées par une personne connue. Et dans 47 % des cas c'est le conjoint ou l'ex-conjoint qui est l'auteur des faits. Tout cela pour dire que les réflexions de
Virginie Despentes ne prennent pas vraiment en compte cette réalité. Si les femmes ont des difficultés à riposter physiquement ce n'est pas seulement parce qu'elles n'ont pas appris à le faire mais aussi parce que le contexte complique encore la situation. Bref, j'ai été déçue que l'auteure ne porte pas un regard plus large sur la question du viol même si, à la vérité, elle offre aussi de nombreuses pistes.
Là où
King Kong Théorie m'a permis de me remettre en question c'est sur la question de la prostitution. J'avais une opinion confuse sur cette dernière et l'ouvrage m'a poussé à prendre du recul, à ne pas penser en terme de moral – ou même de juger ce commerce en lui-même – mais bien de porter ma réflexion sur les conditions qui peuvent faire de la prostitution une activité inhumaine – proxénétisme, marginalisation,...-. Bref, un passage passionnant et inconfortable.
Hélas, un aspect ma posé un vrai problème, j'ai trouvé certaines positions plus que discutables…
Virginie Despentes semble scinder les femmes en deux grandes catégories. Les femmes libres et les femmes mariées. Parce que, pour elle, le « mariage est une violence faite aux femmes ». Elle met d'ailleurs en parallèle mariage et prostitution, expliquant que dans le premier la femme s'engage à effectuer certaines corvées pour le confort de l'homme. Dont le sexe. Enfin, elle semble faire passer la classe sociale avant le genre puisqu'elle sous-entend qu'une femme d'une haute classe sociale sera protégée et évoque Paris Hilton pour exemple. Comme si la jeune femme ne s'en était pas pris plein dans la tronche…
Finalement, pour moi, King King Théorie aura été plus un bouquin anti-capitaliste que féministe.
Virginie Despentes semble avoir plus dans sa ligne de mire le système capitaliste que le patriarcat. Surtout, elle semble être dans le rejet pur et simple, sans nuance et sans vision globale. Je ne prétends pas que
King Kong Théorie n'est pas un ouvrage intéressant ou « coup de poing », juste que ce n'est pas une réflexion. C'est un cri de colère, un acte de révolte, pas une pensée.
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