Je n'arrive pas à déterminer si j'ai aimé ce livre ou non. Ca fait déjà un petit moment que je me suis dit "Faut que tu fasses une critique" mais je n'arrivais pas à comprendre mon sentiment (et, aujourd'hui encore, c'est très flou).
Ce livre est une critique de la société de consommation. Quelques passages m'ont particulièrement plu comme "Mais comment effacer l'obésité de la présence humaine sur terre, celle qui engloutit et dévaste et ne cesse de s'épandre ? Pauvres oiseaux, papillons et éléphants ! Tous logés à la même enseigne. Ce qui n 'était au départ qu'un élargissement mineur est devenu une expansion accélérée, effrénée, qui ne laissera bientôt plus le moindre espace aux autres espèces. Ma présence les ramène aussi à la culpabilité atavique d'avoir tout foutu en l'air.".
Ananda Devi ne cesse de jouer entre l'obésité morbide de son personnage principale et l'obésité morbide de l'espèce humaine, entre la faim de cette jeune fille et la consommation effrénée et sans but de nos sociétés néolibérales. Encore, encore, encore, toujours plus ! Pourquoi ? On ne sait pas. Et cette volonté de gavage m'a vraiment écoeurée dans ce livre, que ce soit lorsque l'héroïnes se goinfre ou lorsque c'est la société qui se goinfre, au détriment d'autrui, au détriment de l'environnement, à son propre détriment.
Néanmoins,
Manger l'autre n'est pas que ça. L'ouvrage traite avant tout de la vie de son héroïne, cette jeune fille obèse que ses camarades de classe filment à son insu et agressent verbalement. Il est question de l'Oeil, incarné par les réseaux sociaux et internet de façon plus générale, mais aussi de l'oeil que les autres posent sur elle. Il est question d'une mère absente et d'un père... scandaleusement irresponsable. Il est question de souffrance et de passion, de volonté d'exister mais d'une chute vers la mort inéluctable.
Aussi, je voudrais simplement alerter sur un point. Personnellement, lorsque le résumé du livre me disait "Par le plus grand des hasards, elle rencontre l'amour.", je ne m'attendais pas du tout à ça. Il est question de relations entre une adolescente de seize ans et un adulte. Et ça m'a mise très mal à l'aise, cette question de "Elle est obèse et ne va sans doute jamais connaître ni l'amour ni la sexualité" VS "Cet homme lui offre des moments de grâce mais ça reste un adulte qui couche avec une mineure". Très glaçant.
C'est un livre particulièrement déroutant pour moi, quelque chose de grinçant, de cru et qui m'a heurtée profondément. Quand je regarde le livre, je grimace. Est-ce que ça veut dire qu'
Ananda Devi a atteint son but ? Peut-être. Si je n'aime pas le livre pour les émotions négatives qu'il a fait naître en moi (je pense que c'est ça qui me dérange, ce heurt), il m'a beaucoup fait réfléchir et réagir, si bien que je ne peux que le recommander. Mais armez-vous avant de partir à son assaut.