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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Escale à Papeete !
C'est la rentrée… et qu'est-ce qu'on fait ? On fait semblant de s'intéresser aux photos de vacances ratées de ses amis, à coups d'hypocrites mais courtoises onomatopées. Même les selfies de Thomas Pesquet m'ennuient.
Les récits de voyage de Patrick Deville échappent à mon accablement. C'est le guide idéal pour découvrir l'âme d'une contrée exotique en suivant les pas d'aventuriers explorateurs, d'écrivains voyageurs, de militaires baroudeurs, de botanistes collectionneurs, de peintres cavaleurs ou d'inconnus qui demandent l'heure. Cherchez l'intrus farceur.
A l'hôtel quatre étoiles avec piscine à bulles, champagne à bulles et transats pour buller, l'auteur préfère bizarrement une cabane près de Papeete où il installe sa moustiquaire et sa bibliothèque tahitienne qui alimentera son projet littéraire, ses rêves, ses souvenirs et quatre pages de la postface. Tant pis pour la clim, les cours de zumba, les cocktails et les buffets à volonté. Patrick préfère cette forme de camping.
Fenua, qui sonne mieux que Polynésie, nom de maladie, est une terre aussi émiettée qu'un crumble, avec ses atolls qui gagnent à être vus et pas seulement par des opticiens, Mururoa c'est de la bombe, Tahiti douche ou bains de mer turquoise avec des vahinés… C'est gonflé, j'arrête les clichés.
La carte postale du poète érudit est belle. Quand elle a le cachet de Stevenson, Melville, London, Loti, Segalen ou Maugham, on a vite les yeux qui rêvent. Qui brillent aussi, devant les peintures de Gauguin en goguette, personnage central du livre, forcément fou, insupportable et attachant. Ces bonshommes n'étaient pas des saints, mais je préfère ce genre d'évangiles. L'auteur débusque très bien l'humain dans le génie.
Mais la grande histoire manque souvent de poésie et le roman nous conte aussi la voracité des empires coloniaux, le destin de tahitiens plus ou moins volontaires envoyés à Paris, la genèse discrétionnaire des essais nucléaires.
Comme à son habitude, Deville, le mal nommé, parle aussi de lui, de ses recherches, de ses découvertes et de ses rencontres, toujours à la recherche d'authenticité.
Je referme ce roman comme les précédents, en ayant la sensation d'avoir visité non pas des îles mais des imaginaires. Un guide figuratif.
J'ai été un peu moins intéressé par la dernière partie, trop actuelle dans ses considérations économiques et politicienne pour me passionner.
Enfin, si les décors changent, la construction fragmentée des livres de Patrick Deville est un peu toujours la même et commence un peu à me lasser plus qu'à me délasser. A croire que l'histoire se répète… universelle.
Il ne me reste plus qu'à débarquer, un collier de fleurs autour du cou.
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Kaléidoscope polynésien

Patrick Deville poursuit son tour du monde en nous livrant avec Fenua un portrait kaléidoscopique de la Polynésie. Comme toujours le panorama est riche, l'érudition époustouflante. Larguez les amarres!

Nous avions quitté Patrick Deville en 2019 avec Amazonia qui retraçait son voyage sur le grand fleuve latino-américain en compagnie de son fils et qui formait le septième volume de son grand projet littéraire baptisé «Abracadabra». Il nous revient aujourd'hui du côté de la Polynésie avec son huitième volume. le romancier s'est cette fois installé dans une cabane non loin de Papeete, d'où il explore le Fenua (le terme qui désigne "le pays" pour les Polynésiens) et qui rassemble ce chapelet d'îles. Mais comme à son habitude, les choses vues viennent en complément des témoignages recueillis et de ses lectures – de celles de son enfance et son adolescence à celles d'aujourd'hui – et comme à chaque fois, on a l'impression que rien ne lui échappe.
Le chapitre d'ouverture nous décrit le premier cliché de Tahiti pris le 15 août 1860 par Gustave Viaud, médecin de marine, qui avait emprunté le même trajet que Bougainville et dont le journal livre de précieuses informations sur ce petit coin de terre au bout du monde.
Il raconte sa découverte de l'île et son voyage retour avec Ahutoru, un autochtone. Cook fera la même démarche avec un dénommé Omaï. «Ces deux-là furent aussi les hommes du premier contact, Ahutoru présenté au roi Louis XV et Omaï au roi George II. Ils surent se plier aux usages de cour, furent admirés l'un et l'autre pour leur parfaite maitrise des cérémonials, leur goût du protocole, devant ces nobles emperruqués et poudrés, accoutrés de fraises et jabots, retrouvant avec aisance l'habitude des rituels et la hiérarchie complexe de leur propre société, la révérence aux grands prêtres, leurs cérémonies sur le marae de remise des plumes rouges aux chefs, les ari'i, la confection des parures et de la ceinture royale du maro'ura symbole du pouvoir.»
Deux hommes qui symbolisent aussi la rivalité entre la France et l'Angleterre dans la course aux découvertes et à l'agrandissement de leurs empires respectifs. Ainsi Bougainville n'arrivera-t-il à Tahiti qu'en second, mais finira par emporter le morceau avec l'ambition de faire de Tahiti «un laboratoire philosophique». Car ce petit monde qui vit en autarcie intéresse botanistes, astronomes, dessinateurs, peintres, cartographes et géologues.
Patrick Deville ne va oublier aucune de ces disciplines, nous offrant le bel herbier des plantes du Pacifique sud, les observations des scientifiques avant de se concentrer sur les arts. La littérature, depuis le journal de bord du capitaine «qu'il peaufine ensuite pour faire oeuvre littéraire. Ces récits seront lus par les penseurs de l'état de nature.» en passant par Jack London, Hermann Melville, Somerset Maugham et Robert Louis Stevenson jusqu'aux Français Pierre Loti, Victor Segalen ou encore Alain Gerbault. Mais c'est bien davantage autour des beaux-arts et plus particulièrement de Gauguin que le romancier a choisi de consacrer une grande partie de son livre. On le suit jour par jour et on partage avec lui ses tourments, mais aussi ses moments de bonheur avec sa nouvelle compagne: «Chaque jour au petit lever du soleil la lumière était radieuse dans mon logis. L'or du visage de Tehamana inondait tout l'alentour et tous deux dans un ruisseau voisin nous allions naturellement, simplement, comme au Paradis, nous rafraîchir.» L'artiste est inspiré et peint ses magnifiques toiles. «Il cherche à coups de brosse les grands aplats et l'affrontement des couleurs, un paréo bleu et un drap jaune de chrome devant un fond violet pourpre semé de fleurs étincelantes. Et lorsqu'il pose les pinceaux, il écrit Cahier pour Aline, sa fille». En fait, il fait sienne la phrase de Segalen: «Je puis dire n'avoir rien vu du pays et de ses Maoris avant d'avoir parcouru et presque vécu les croquis de Gauguin.»
Après nous avoir régalé avec les écrivains et les peintres, voici les cinéastes qui débarquent. du rêve un peu fou et sacrilège de Murnau qui réalise là son dernier film, Tabou, au mégalomane Marlon Brando qui emploie deux mille Polynésiens et va jusqu'à acheter l'atoll de Tetiaroa.
Une exploration qui va se terminer par un panorama économico-politique. Car Patrick Deville ne peut oublier les manoeuvres des colons et des néo-colons qui en 1963 créent le CEP, le Centre d'Expérimentation du Pacifique, et vont polluer durablement le site avec les essais nucléaires. L'occasion de replacer, quelques semaines après la visite d'Emmanuel Macron, cette poussière d'étoiles au coeur de l'actualité.


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Fenua, je l'ai appris dans ce très beau livre, n'est autre que le nom local des archipels de la Polynésie. Il signifie "le pays".

Patrick Deville, comme à son habitude, est parti explorer ces îles dispersées comme des confettis sur la vaste étendue du Pacifique, sur les traces de ses plus célèbres figures.

Le voyage sera chronologique, de l'arrivée de Bougainville à Tahiti à l'actualité politique contemporaine. Pour cela il a emporté avec lui une véritable bibliothèque, dont il donne le détail à la fin. Les journées se passeront entre lectures annotées de ces ouvrages et, dans la mesure du possible, visites des lieux de vie de ces fantômes du passé.

De Julien Viaud (Pierre Loti) à Paul Gauguin, de Stevenson à Jack London, de Segalen à un inconnu qu'était pour moi Alain Gerbault, les pistes et les époques se croisent. Pour autant Patrick Deville ne perd pas de vue l'enfant fou de cartes et de voyages qu'il était.

Superbement écrit ce livre sensible se laisse aborder lentement. Il demande du temps et de la réflexion. La plupart de ces hommes (peu ou pas de femmes dans ce récit...) n'ont pas trouvé le havre de paix qu'ils souhaitaient, comme il fallait s'y attendre. Mais le désir de partir loin était décidément le plus fort...

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Après avoir vadrouillé en Afrique, en Amérique et en Asie, l'auteur poursuit sa flânerie-exploration du vaste monde en Polynésie.
Comme toujours sa vadrouille n'est pas seulement géographique, elle est pour l'essentiel historique, littéraire et artistique. de Tahiti aux Marquises, Patrick Deville met ses pas dans ceux de Gauguin, Segalen, Loti, Alain Gerbault, Stevenson et bien d'autres. Pour ce faire, visiblement, sa pile de livres lui est bien plus utile que des chaussures de marche.
Le voyage n'est pas seulement « historique » : le problème de la colonisation et d'une éventuelle indépendance de la région, celui des relations avec la métropole et le traumatisme des essais nucléaires sont largement évoqués.
Voilà une passionnante découverte géographique et culturelle de la Polynésie.
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