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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Rentrée littéraire 2021 # 16

Cette exofiction très inspirée est centrée sur la personnalité du naturaliste Michel Adanson et plus particulièrement sur un épisode de sa vie : son exploration de 1749 à 1754 du Sénégal lorsqu'il aspirait à devenir membre de l'Académie royale des sciences de Paris. de ce voyage, il rapportera plus de 300 plantes vivaces qu'il acclimatera au Jardin du roi à Versailles ainsi que 33 espèces d'oiseaux ; puis rédigera une Histoire naturelle du Sénégal. Mais ce n'est pas la fiche wikipédia qui intéresse David Diop. Son récit s'envole vers la fiction en imaginant un compte-rendu secret et intime du voyage au Sénégal, reçu en héritage par la fille d'Adanson ( la botaniste Aglaé ) où il révèle être parti à la poursuite d'une jeune esclave en fuite et en être tombé éperdument amoureux.

Tout est réussi dans ce roman. A commencer par la confrontation des idéaux des Lumières à la réalité de l'esclavage. Les tribulations du tout jeune Adanson au Sénégal ont des accents voltairiens, notamment lorsqu'il dit «  il fallait donc que nous continuions à manger du sucre imprégné de leur sang », allusion nette au « c'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe » de l'épisode du Nègre du Surinam. Il découvre le Sénégal à hauteur d'homme, tous les sens en éveil, sans préjugé. Il juge utile d'apprendre le wolof pour échanger avec les autochtones car « leur langue est la clef qui m'a permis de comprendre que les Nègres ont cultivé d'autres richesses que celles que nous poursuivons juchés sur nos bateaux ». Aux côtés du prince Niak, seulement douze ans mais d'une formidable sagesse, il s'ouvre à l'autre, à l'universalisme et se découvre abolitionnisme ardent, comprenant que la supposée infériorité des Africains n'est qu'un leurre pour légitimer leur traite.

Le talent de conteur de David Diop fait le reste, entraînant le lecteur dans un roman d'aventures fort plaisant, porté par une plume vraiment superbe qui, sans plagier le style dix-huitièmiste, enveloppe de ses phrases amples et travaillées. On est très loin de la prose incandescente, hallucinée et poétique, tellurique même jusqu'à son oralité, de Frère d'âme. Ce changement m'a d'ailleurs surprise, me disant, que c'était certes très beau mais tout de même très classique, tant par la forme que le fond.

Et c'est là que David Diop s'extrait de ce faux classicisme avec le fabuleux personnage de Maram, l'esclave en fuite, qui a joué l'ensorcelante arlésienne durant une grande partie du roman. Et lorsqu'elle est là, son récit ( superbe mise en abyme ) illumine tout le roman, on comprend la passion amoureuse qui terrasse Adanson, Orphée à la poursuite de son Eurydice. A ses côtés, Adanson parvient à mettre de côté Descartes en acceptant les « rabs », l'esprit surnaturel animal de chaque être humain, en l'occurence l'incroyable boa noir et jaune de Maram par lequel sa vengeance s'abattra.

Et c'est là que tout le roman se pare de modernité. Dans cette histoire d'amour aux accents fantastiques qui renverse les certitudes et fait écho à une autre histoire d'amour, celle d'un père pour sa fille. Ce carnet qu'il offre à sa fille est un magnifique cadeau car il va permettre à Aglaé de découvrir son père. Ce père qu'elle ne connaît que par ses absences ou son obsession à écrire une grande oeuvre encyclopédique ( jamais publiée, vaincue par Linné ) est désormais prêt à abattre les paravents dressés autour de lui dans une mise à nu sans pudeur, juste pour la laisser découvrir l'homme qu'il était depuis son initiation africaine à la violence et la souffrance de la porte du voyage sans retour. le plus beau des héritages.

Un excellent moment de lecture même si je n'ai pas autant vibré que pour le superbe et percutant Frère d'âme, un de mes gros coups de coeur de ces dernières années.
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Après «Frère d'âme», lauréat du prix Goncourt des lycéens en 2018, David Diop nous ouvre « La porte du voyage sans retour », surnom donné à l'île de Gorée, d'où partirent des millions d'esclaves africains au temps de la traite des Noirs.

Le récit débute cependant à Paris, en 1806, en compagnie d'Aglaé, dont le père, célèbre botaniste, vient de mourir. Héritant de nombreux objets hétéroclites, elle parvient à mettre la main sur des cahiers dissimulés par son père dans un meuble en acajou, révélant ce qu'il lui est véritablement arrivé lors de son périple au Sénégal. Parti y étudier la flore locale et rêvant de devenir mondialement connu en rédigeant sa grande encyclopédie universelle des plantes, il y trouvera surtout un amour impossible et beaucoup de souffrances…

Inspiré de la vie du botaniste Michel Adanson, « La porte du voyage sans retour » raconte l'histoire d'un homme tout d'abord intrigué par l'histoire du fantôme d'une jeune Africaine promise à l'esclavage, puis tombant éperdument amoureux de cette femme aussi mystérieuse qu'envoutante, pour finalement faire basculer cette quête sentimentale en une révolte contre le sort réservé aux Noirs. le tout emmené par des personnages hauts en couleur, du jeune Ndiak, qui sert de guide au botaniste, à Maram, qui incarne non seulement toute la beauté et l'exotisme de ce magnifique pays, mais également ses injustices et ses peines…

À travers les révélations post-mortem de ce vieux botaniste, David Diop livre non seulement l'héritage d'un père incompris à sa fille, mais surtout une histoire d'amour aussi merveilleuse que tragique, ainsi qu'une dénonciation de l'exploitation coloniale et de la traite des noirs. le tout porté par la superbe plume de David Diop et parfumé par les splendeurs de l'Afrique, mélangeant croyances, proverbes, folklore et coutumes, allant même jusqu'à donner des allures de conte à cette bouleversante aventure africaine…
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Au milieu du XVIIIe siècle, le naturaliste Michel Andanson choisit, pour ses explorations, de se rendre dans une région d'Afrique alors encore très mal connue des Européens : le Sénégal. Il y passa cinq ans, comme modeste commis de la Compagnie des Indes, et en ramena quantité d'observations géographiques et ethnologiques, ainsi que d'importantes collections botaniques et ornithologiques. Ruiné par l'insuccès de ses publications à son retour de voyage, il élabora avec Jussieu une nouvelle méthode de classification des végétaux, et se lança dans un gigantesque projet d'encyclopédie, qui ne fut jamais publiée. Il mourut dans le dénuement, léguant à sa fille Aglaé sa passion pour les plantes et une montagne de manuscrits. Et aussi - mais là c'est l'imagination de David Diop qui prend le relais -, des carnets relatant une version beaucoup plus intime de son expérience sénégalaise.


Ressuscitant le botaniste sous les traits d'un jeune homme ouvert et curieux, que ses explorations amènent à remettre peu à peu en cause les préjugés raciaux de ses semblables, au fur et à mesure qu'il se familiarise avec la langue, les traditions et les croyances, enfin le rapport au monde des Sénégalais, l'auteur nous entraîne dans un fascinant et dépaysant récit d'aventures, bientôt tendu par le mystère d'une disparition et d'une quête. Car, nous voilà bientôt sur les traces d'une jeune Africaine, évadée aux abords de l'île de Gorée, alors que, promise à l'esclavage, elle devait, comme des millions d'autres au temps de la traite des Noirs, y franchir « la porte du voyage sans retour ». Fasciné par la légende qui s'est aussitôt emparée du destin de cette fille devenue héroïne pour les uns, gibier pour les autres, notre narrateur laisse un temps de côté la flore pour s'intéresser à cette Maram, sans se douter que les développements romanesques de cette aventure le marqueront à jamais.


Romanesque, l'histoire de Michel et de Maram l'est absolument. C'est en vérité pour n'en revêtir qu'avec plus de force une dimension résolument symbolique et éminemment poétique. Ce jeune Français, qui, animé par l'esprit des Lumières, s'avère capable de raisonner à contre-courant des préjugés de son époque pour apprendre à connaître et à respecter un autre mode de rapport au monde, et qui, pourtant, échoue, comme Orphée, à sauver Eurydice de la mort et des Enfers, et, de retour en France, s'empresse d'oublier le changement de mentalité entamé lors de son voyage pour épouser à nouveau sans réserve les plus purs principes matérialistes, illustre tristement ce que les liens entre l'Europe et l'Afrique auraient pu devenir, loin de toute relation d'assujettissement, si l'appât du gain avait cessé un temps de les dénaturer.


Finalement rattrapé par l'inanité de ses ambitions et de ses tentatives encyclopédiques de maîtriser le monde, le personnage principal prend conscience, sur le tard, de ses erreurs et de ses ambiguïtés. Trop tard, hélas, pour les victimes de l'esclavage, et pour le mal et la souffrance terriblement infligés. Mais pour mettre en mots, transmettre la mémoire, et, peut-être, espérer, un jour, un avenir plus humain entre Afrique et Occident.

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Voici l'évocation puissante, kaléidoscope d'émotions contradictoires, odyssée bouleversante ou comment qualifier ce récit historique déroulant avec méticulosité le périple africain d'un jeune botaniste exceptionnel: Michel Adanson , découvreur de quantité de plantes jusqu'alors inconnues lors d'un voyage effectué au Sénégal pour étudier la flore locale , de 1750 à 1753.
Il transmettra à sa fille Aglaé, elle même amoureuse des plantes ,telle une confidente muette, après sa mort, la totalité de ses aventures , dans des cahiers découverts par hasard dans un tiroir à double fond , au creux d'un grand portefeuille en maroquin rouge foncé : un manuscrit tenu secret par l'homme de sciences destiné à sa fille , transmission d'un héritage d'un père à sa fille, mémoire partagée., tentative d'établir une encyclopédie universelle du vivant .

Aglaé , toute petite, s'était dit , pleine d'amertume , que les plantes étaient bien l'unique famille de son père .
Or il n'en était rien : le voyage ne fut pas que scientifique , l'homme de science s'initia petit à petit au fil de la route à la langue Wolof pour comprendre ce peuple , échanger avec lui , en découvrant un paysage magnifique , le Wolof fut la clef qui lui permit de comprendre que «  Les Nègres ont cultivé d'autres richesses que celle que nous poursuivons , juchés sur nos bateaux , ces richesses sont immatérielles » .

Le narrateur , MICHEL ADANSON découvre des plantes au Sénégal , mais surtout des hommes , à travers leurs récits, leurs bons mots, leurs contes transmis de génération en génération par leurs historiens - chanteurs , les griots .

Il découvre surtout l'horreur de l'esclavage , la souffrance souvent muette, d'hommes, de femmes , d'enfants transportés et capturés comme de vulgaires marchandises de l'autre côté de l'océan.: ces bateaux qui les transportaient par millions aux Amériques au nom du goût insatiable des Blancs , réduits en esclavage au nom d'une prétendue infériorité naturelle ,à laquelle pourtant ce siècle des Lumières ne croit plus …


Michel Adanson découvrira la plus belle des fleurs africaines : Maram, belle , jeune , qui le mènera du Nord au sud du Sénégal jusqu'à l'île de Gorée, lieu d'embarquement d, Africains captifs sur des navires négriers , île connue pour ses portes sans retour .Maram sera la victime des malheurs de la terre Africaine, tentative de viol, corruption, terrible et dramatique violence de la traite des noirs.

La plume de cet auteur dont j'avais apprécié le précédent roman est voluptueuse , ample , colorée , exotique , incisive , baroque parfois .

Une très belle langue ciselée , qui nous embarque dans un périple d'un autre temps , ressemblant à un beau voyage poétique, à l'humanité et à la chaleur indéniables !
Grâce au talent de conteur de l'auteur !

Livre saisissant et remarquable de la rentrée , peut - être promis
à un bel avenir !

Je remercie les éditions du Seuil et Masse Critique pour l'envoi de cette nouveauté .
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Michel Adanson, sur le point de mourir, se rapproche de sa fille et espère secrètement qu'elle mettra la main sur son cahier retraçant son périple au Sénégal. S'il n'est pas passé à la postérité grâce à la botanique, le vieil homme espère au moins délivrer ses secrets à sa fille.

Ce roman nous plonge dans le Sénégal du milieu du XVIII ème. Les autochtones sont soumis au joug de la France et l'esclavage bat son plein, faisant de Gorée le symbole de cette ignominie.
Finalement, s'il est bien abordé, le thème de la traite des noirs n'est pas aussi central que je l'aurais cru.
Ce livre , après avoir doucement commencé et un peu perdu le lecteur plein de certitudes que j'étais en l'abordant, nous emmène dans les croyances, les rites, les luttes entre différents royaume du Sénégal. L'animisme n'est pas loin, le soleil brule les peaux, la vengeance se prépare, la faune effraie.
Bien entendu, c'est aussi un plaidoyer contre l'occident et la colonisation , l'esclavage atteignant peut être le paroxysme de l'horreur .
Le choix de l'auteur de plonger un personnage humain, désintéressé et ouvert à toutes les cultures rend finalement son propos encore plus poignant, le contraste avec les autres Français étant ainsi accentué.

Enfin , comme dans frère d'âme, David Diop étincelle son oeuvre d'une écriture envoutante.
Un grand merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour leur confiance.
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Il faut un Sénégalais pour faire revivre la mémoire du botaniste Michel Adanson, parti dans une des dernières « possessions » françaises- les iles de Saint Louis et de Gorée- après les tractations infructueuses de Louis XV, le mal aimé sauf au fond des alcôves.
Le siècle des Lumières veut classer, Linné en tête, qui prétend même classer les botanistes en genres : les professionnels ( lui), les amateurs ( Jean Jacques Rousseau) et les voyageurs. Dont serait Michel Adanson, nommé par la Compagnie des Indes à Saint Louis, appelée Concession du Sénégal, où il restera six ans.
Déjà botaniste , il avait décrit 4000 espèces de plantes, et il rapportera du Sénégal 300 plantes vivantes, qu'il acclimatera au Jardin du Roi, des coquillages, des dessins, des herbiers, des échantillons de plantes diverses, dont le baobab, qu'il a été le premier à décrire. Il écrira « Familles de plantes » en 1763, et préparera une encyclopédie de 23 volumes.
Tout cela, nous dit David Diop va de pair avec l'idée des « bizarreries de la nature, si encline à enfreindre ses propres lois sous une uniformité de façade », donc difficile à classer.
Il évoque aussi les dissensions, les jalousies et les coups bas de ce milieu de la science naissante, et la mort d'Adanson dans la misère.
Mais l'autre intérêt du livre réside dans l ‘exposé de l'interaction entre l'homme et la nature au pays : les hommes doivent réciter des prières avant de couper les arbres, pour éloigner les mauvais génies des villages pris sur la brousse.
Ils parlent aux arbres, et leur demandent pardon avant de les abattre. Avant de tuer un gibier, un rituel de conciliation s'impose, en l'absence de quoi les forces occultes de la nature se vengent.
Les génies, les rabs, protègent, comme nos fées, et la croyance en leur pouvoir sauve parfois des vies, comme Maram, échappée d'un viol incestueux, et à la fois la plie au destin de cet esprit qui la possède. D'où son peu de résistance à se faire capturer parla suite. Rien ne peut lui arriver, croit-elle. Or, si.

Et David Diop nous décrit, dans la bouche d'Adanson écrivant à sa fille Aglaé les « remugles de douleurs inconsolables, sédiments de cris de femmes démentes, d'enfants volés à leur mère, frères pleurant leurs soeurs, suicides silencieux », ainsi que les petits de 4 et 8 ans, embarqués sur une pirogue après passage de la porte sans retour.

Il y a malheureusement plusieurs portes sans retour. Dans le livre de David Diop, il s'agit de celle de l'Ile de Gorée. Aux alentours des forts du Ghana, Cape Coast, une autre …. Au Bénin, à Ouidah, une autre, montrée dans le film Cobra Verde, souvenir personnel : un petit garçon, fils de nos amis, a compris le sens de la porte donnant sur la mer, et sanglotait .Nous sanglotions aussi, les mots étaient inutiles.
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La porte du voyage sans retour est le nom donné à l'île de Gorée par laquelle transitèrent des centaines de milliers d'humains vendus comme esclaves à l'époque du commerce triangulaire. N'ayant jamais entendu parler de ce lieu terrible, j'ai d'abord cru qu'il était question de la mort. Et il se trouve que l'homme que l'on rencontre en ouvrant ce roman est en train de mourir.

« Je me suis effondré sur moi-même comme un arbre rongé de l'intérieur par des termites. Il ne s'agit pas seulement de l'effondrement physique auquel tu as assisté ces derniers mois de ma vie. Bien avant que ne se rompe spontanément mon fémur, autre chose s'était brisé en moi. Je sais à quel moment précis : tu en découvriras les circonstances si tu acceptes la lecture de mes cahiers. »

Quels sont ces souvenirs que le naturaliste Michel Adanson souhaite si ardemment léguer à sa fille Aglaé ? Pourquoi ont-ils si peu à voir avec le récit de son voyage au Sénégal qu'il avait publié à son retour ? La spirale de ses souvenirs nous entraîne, dans un enchâssement de récits, toujours plus loin dans le temps et l'espace. La France du début du XIXème siècle, l'époque d'Aglaé, cède rapidement la place, dans les mots écrits par Adanson, à l'île de Goré une cinquantaine d'années plus tôt, puis l'on s'enfonce plus loin encore dans la brousse en découvrant le récit oral des faits à l'origine d'une légende, celle d'une « revenante » parvenue à échapper aux esclavagistes, mais introuvable.

« J'ai fait ce voyage au Sénégal pour découvrir des plantes et j'y ai rencontré des hommes. »

Adanson entreprend son expédition plein d'ambition et de curiosité pour la flore sénégalaise ; rien ne se passera comme prévu. Car ce voyage est un choc qui pulvérise les évidences intégrées par cet homme des Lumières : convaincu de l'inculture, de la sauvagerie et de la servilité des « Nègres », il découvre la richesse de la langue wolof et, avec elle, une poésie, des valeurs, des savoirs médicinaux et une philosophie insoupçonnées. Bref, une humanité qui fait vaciller ses certitudes et son regard sur les sociétés européennes jusqu'à l'insupportable.

La sincérité de cet homme au crépuscule de sa vie, son regard lucide sur sa naïveté et ses passions de jeunesse interpellent. J'ai été fascinée dès les premières pages. Chemin faisant, le récit a pris un tour onirique qui m'a parfois donné l'impression de perdre prise. L'écriture n'en reste pas moins très belle, classique et ciselée, très visuelle et même poétique.

Une jolie découverte en cette rentrée littéraire !
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Michel Adanson ne jetait rien, et ce sont des dizaines d'objets hétéroclites dont Aglaé sa fille vient d'hériter. Un meuble bas en acajou marqueté, un petit déclic, un mécanisme secret découvrant une étagère sur laquelle se trouve un maroquin rouge contenant des cahiers sur lesquels Aglaé reconnaît l'écriture fine, serrée et régulière de son père. L'occasion de découvrir enfin ce père, qui n'avait pas une minute à consacrer à sa famille, trop occupé par la rédaction de son interminable encyclopédie universelle d'histoire naturelle. Aglaé ne le lui avait jamais pardonné pas cette indifférence.

Dans ces cahiers, Michel Adanson raconte ce qui lui est réellement arrivé au Sénégal, il n'avait que 23 ans, il souhaitait se faire un nom dans la botanique. Il a fait ce voyage pour découvrir des plantes il y a rencontré des hommes et des souffrances.

Ce livre est un roman d'aventure et d'amour porté par une belle écriture, très riche et pleine de sensibilité. Ce récit du voyage d'Adanson pour retrouver une jeune femme noire, accompagné du malicieux Ndiak, le fils du roi de Waalo âgé de 12 ans seulement, est l'occasion pour David Diop de nous conter les croyances, les proverbes, les coutumes, les traditions, la musique, les danses de ces royaumes dont les rois, en perpétuelle guerre, essayent d'agrandir sans fin leur territoire. C'est aussi un plaidoyer contre l'esclavage, pour la reconnaissance de l'égalité et de l'intelligence des noirs.

Comme toujours dans les récits d'auteurs d'origine africaine, le merveilleux se mélange à la réalité pour le plus grand plaisir du lecteur.
Un grand merci aux éditions du seuil et à Babelio pour leur confiance.



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Le narrateur s'est rendu au Sénégal à l'âge de vingt-trois ans. Très vite, il entend parler d'une jeune femme, Maram Seck, sans doute enlevée par des esclavagistes, et qui se serait échappée, sans qu'on sache ce qu'elle est devenue. Pour une raison mystérieuse, Michel Adanson, jusque-là uniquement amoureux de la flore et de la faune, se met en tête de retrouver la jeune femme.
Est-ce que La porte du voyage sans retour m'a particulièrement touchée ? Non. Est-ce que j'ai appris quelque chose ? Non plus. Est-ce que ça en fait un mauvais livre ? Pas davantage. Un bon livre, certes, mais qui n'apporte pas grand-chose au lecteur et surtout pas d'émotion.
Le livre est extrêmement bien écrit même si le mot Nègre, abondamment utilisé m'a souvent fait sursauter. L'auteur a pourtant raison de l'utiliser puisque c'était le mot qu'employaient les Européens de l'époque et qu'il évoque encore aujourd'hui la façon dont les blancs les ont traités.
J'ai eu du mal à croire que Michel Adanson devient une de ces « improbables consciences » et qu'il a vu, même par amour, les choses différemment de ses compatriotes de l'époque.
À vous de juger

Lien : https://dequoilire.com/la-po..
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Voilà un très joli conte qui se déroule entre Sénégal et France au 18ème siècle.

Michel Adanson est un botaniste qui, en 1750, part au Sénégal pour étudier la flore locale. Ce botaniste a réellement existé, et sa fiche Wikipédia nous apprend qu'il était un naturaliste français d'ascendance écossaise, qu'il a exploré des régions peu connues des Européens à l'époque, comme le Sénégal ou les Açores et qu'il fut auteur d'un mémoire célèbre sur le baobab, et qu'enfin il apporta de nombreuses contributions à la zoologie, à la géographie, à l'ethnographie et aux recherches sur l'électricité.

Mais l'histoire qui nous est racontée ici par David Diop est bien plus romancée. le procédé narratif est un grand flash back grâce auquel on découvrira tout d'abord le personnage à Paris, de retour d'Afrique, pris par une frénésie de travail qui le fait délaisser sa femme et sa fille Aglaé, personnage central de la première partie du récit.
Puis le père meurt et la fille, par fidélité à son père, s'adonne également à la botanique. Ayant hérité des meubles de son père, elle découvre un petit secrétaire ouvragé, contenant un dessin en relief : une fleur d'hibiscus. En appuyant sur cette fleur en relief Aglaé libère un mécanisme révélant un double fond du tiroir, lequel renferme un cahier de grandes feuilles…

C'est le début d'un grand récit que son père Michel adresse à sa fille pour lui expliquer sa tristesse et son désespoir au retour d'un séjour au Sénégal riche en aventures.
Emerveillé par la nature sénégalaise, le botaniste apprend rapidement la langue Wolof pour échanger avec la population locale. Il se lie notamment d'amitié avec le prince Ndiak, qui n'a que douze ans quand commence pour eux deux une aventure qui les conduit à parcourir toute une partie du pays jusqu'à la fameuse Ile de Gorée, bien connu des historiens.

Michel Adanson voyage officiellement pour découvrir la flore locale, et avec le prétexte d'espionner les petits rois locaux pour voir s'ils sont favorables à la concession française implantée sur place. Mais Michel cache un secret qu'il révèlera au cours de son voyage à pied à son ami Ndiak : il a entendu parler de la légende consacrée à la belle Maram, une femme d'une grande beauté, qui aurait été emmenée comme esclave en Amérique, et qui en serait mystérieusement revenue et vivrait sur l'île de Gorée – un retour tout à fait improbable au vu des conditions de l'esclavage de l'époque.

On ne révèlera pas toutes les finesses de l'histoire – on dira juste aux futurs lecteurs qu'il faut qu'il poursuive le récit jusqu'au bout puisque le botaniste découvrira une femme serpent qui pourrait être Maram, dont il tombera éperdument amoureux, mais avec qui il partagera le même supplice qu'Orphée ayant recherché Eurydice aux enfers.

D'enfer il en est bien question, puisque bien sûr David Diop nous livre au passage quelques très belles pages sur ce scandaleux procédé que les Européens ont pratiqué pendant des années pour s'enrichir. Cette « porte du voyage sans retour » était bien celle qui faisait le lien entre l'île de Gorée, où une multitude de malheureux étaient enfermés en prison, et les bateaux qui partaient pour l'Amérique, d'où personne ne revenait jamais.

Il rendra aussi hommage aux coutumes locales, et à toutes ces croyances animistes que les populations locales adoptaient : une communion entre l'homme et la nature qui nous fait tellement défaut aujourd'hui …

Et si c'étaient eux qui avaient raison ? Ne faudrait-il par parler à un arbre avant de le couper ? Pratiquer un rite avant de tuer le gibier ? Respecter certains animaux, contrairement à ce que fait le botaniste, déchainant la malchance qui va pleuvoir sur lui ? Et qu'en est-il de ce « rab », ce génie que chacun possède, sorte d'ange gardien qui protège celui à qui il est associé, et qui surgit au bon moment ?
Nos esprits rationalistes, forgés à la philosophie de Descartes, passent peut-être à côté de l'essentiel – c'est peut-être le message caché de David Diop.

C'est dans tous les cas un récit plein de finesse et de dépaysement, qui nous rappelle que les peuples dit autochtones, qu'on a si souvent méprisés et pillés, sont peut-être plus avancés que ces hommes blancs dont le comportement encore aujourd'hui pose question au pays dit de la liberté – dans celui-ci c'est dans la mort que les deux personnages principaux trouveront enfin l'île qui leur permettra de se rejoindre enfin.
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