Michel Adanson, véritable botaniste et naturaliste français ayant vécu au XVIIIème siècle et ayant ramené de ses explorations sénégalaises, au cours d'un voyage ayant duré plusieurs années, nombre plantes et espèces d'oiseaux pour les acclimater à la France, est le point de départ du roman de
David Diop. Mais la fiction remplace vite la réalité et l'Histoire, le romancier imaginant à son protagoniste un voyage beaucoup plus romanesque.
Alors qu'il vient de s'éteindre et de laisser un héritage à sa fille, Aglaé, celle-ci découvre un carnet qu'il avait gardé secret pour elle, qui conte son aventure, plus personnelle, du Sénégal, pendant laquelle les recherches botaniques pour mener à bien son projet d'Histoire Naturelle du pays africain, vont devenir, finalement, bien secondaires…
Dans ce roman qui se fait le transcripteur de cette histoire marginale de Michel Adanson, l'hommage au siècle des Lumières est prégnant, s'en inspirant tant en termes de fond que de forme.
En effet, c'est par un récit à tiroirs remarquablement imbriqués, laissant la part belle à une polyphonie narrative parfaitement menée, alternant les histoires des divers personnages, que se déroule l'intrigue principale : de la découverte du carnet par Aglaé, à la quête de son père pour retrouver une jeune femme légendaire qui aurait réussi à échapper à ses négriers avant d'arriver sur l'île de Gorée, île symbole du commerce triangulaire de l'époque, en passant par l'histoire de cette jeune femme, ou encore par celle des compagnons d'Adanson qui l'accompagnent dans cette quête… l'ensemble narratif est riche, mais se tient de bout en bout, et ne nous mène pas forcément là où l'on attend de prime abord.
Richesse de la plume de
David Diop également, qui est, elle aussi, empreinte de la langue du XVIIIème, tout en rigueur et en densité classiques, tout en évocations sensibles et naturelles, très rousseauistes, de l'amour, des sensations et sentiments qu'il provoque sur le jeune botaniste, tout en ironie voltairienne et montesquienne, plus politique, qui dénonce notamment l'esclavage. Richesse enfin de cette même plume en ce qu'elle combine cette inspiration classique, qui prône le triomphe de la raison, à une inspiration animiste, davantage tournée vers les croyances et la culture sénégalaises, syncrétisant les expériences d'Adanson et de Maram, celle à l'origine de sa quête et qu'il finira par retrouver, en un amour, soudain, poétique, terriblement bouleversant.
Toute cette richesse, narrative comme stylistique, est rendue particulièrement perceptible par la lecture qu'en propose
Féodor Atkine, qui manie les multiples voix narratives, temporalités, lieux… avec brio pour en conserver toutes les nuances. Ce fut vraiment, pendant ces nombreuses heures d'écoute, un régal pour les oreilles, du début à la fin.
Je remercie les éditions Audiolib et NetGalley de m'en avoir permis la découverte.