AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,71

sur 61 notes
5
4 avis
4
7 avis
3
3 avis
2
2 avis
1
0 avis
Dès son plus jeune âge, Assia Djebar prend conscience de la différence de statut entre les filles de colons français et les jeunes algériennes.

À l'adolescence, tout en respectant les traditions musulmanes, elle aspire à la liberté des jeunes françaises qu'elle côtoie en pension et déplore qu'elle, une fille d'apparence européenne sans l'être, doive dans la rue réfréner tous ses gestes. La lecture des grands auteurs ne va pas améliorer ce sentiment d'injustice.

Par la suite la brillante élève qui intègre normale sup et deviendra la première auteure nord africaine admise à l'Académie française, tout en étant soucieuse toute sa vie du sort réservé aux femmes, revient constamment sur la valeur des traditions transmises par son père. Une position entre deux cultures qui l'amène plusieurs fois au bord du gouffre.

Un très beau témoignage, bien écrit, très structuré, quelquefois même au détriment de la spontanéité, qui éclaire sur la position difficile des femmes algériennes éduquées, déchirées entre la respect des traditions et la volonté de s'en affranchir.
Commenter  J’apprécie          655
"Ce récit est-il le roman d'un amour crevé ? Ou la romance à peine agitée d'une jeune fille, j'allais dire "rangée"- simplement non libérée- du sud de quelque Méditerranée ? (p. 419)

Un récit autobiographique d'Assia Djebar...prise dans un milieu familial constitué de deux cultures, difficilement conciliables : un père algérien, instituteur et une mère, "européenne"...Un couple très uni, mais n'échappant aux contraintes, conditionnements sociaux, aux préjugés d'une société patriarcale !

La petite fille, Assia, adore ses deux parents, vénère totalement son
père, tout en se rendant très vite compte des différences et inégalités
insupportables entre les filles"indigènes" et les françaises !...

On ressent aussi très fort, en dépit de deux amies présentes dans la vie de ( l'auteure)- petite fille, successivement,une grande solitude de l'enfant tiraillée entre les filles "européennes" et "les musulmanes",; déchirement entre les deux mondes, les deux cultures, les deux langues... !

La figure omnisciente de ce texte très personnel reste la personnalité
du Père, omniprésent...qui induit parallèlement le problème de la
séparation des sexes en Algérie, et les comportements masculins, trop fréquemment, à la limite du "pathologique" envers leurs "soeurs,leurs femmes "!...

Lucidité précoce accentuée par la passion aussi précoce pour la poésie,
les livres...le Savoir ,qui ouvrent les "vannes " et les horizons...

Rappelons qu'Assia Djebar sera la première étudiante algérienne à intégrer
l'Ecole Normale de Sèvres, en 1955, et la première femme du Maghreb
à entrer à L Académie Française, en 2015... La Langue française aura été un fil conducteur et constructeur, en commençant par avoir un coup de
coeur lorsqu'une de ses professeurs de français "déclame" des vers de
Baudelaire [ sic. Beau de l'Air !!!]

"(…) Je pressentis dès cette année de sixième, dès ce premier poème lancé vers moi par madame Blasi en don de lumière – par son phrasé, sa théâtralisation, sa liturgie -, oui, je compris qu'au-dessus de nous planait un autre univers, que je pourrais l'approcher par les livres à dévorer,
par la poésie encore plus sûrement – du moins, quand, inopinément, tel un vol d'oiseau à l'horizon, elle se laisse entrevoir. Moi qui allais être une interne farouchement solitaire, cet espace-là devenait soudain un éther miraculeux – zone de nidification de tous les rêves, les miens comme ceux
de tant d'autres…"

Des évocations de souvenirs de la très petite enfance de l'auteure jusqu'à ses débuts à l'Université, en 1953... sans chronologie stricte... Des analyses très captivantes sur la langue française, et la langue arabe, avec ce que chacune apporte de spécificité et de musique particulières..

Livre choisi et débuté en 2016 - Relecture complète février 2019
Commenter  J’apprécie          520
Dans ce roman autobiographique, Assia Djebar s'attarde à ses souvenirs d'enfance. C'était mignon, l'évocation de la vie en à Alger, au temps de la colonie. du haut de ses cinq ans, elle découvre ses premières lettres, les livres qui constituent rapidement une passion pour elle (c'est une époque remplie d'émerveillements, peu importe le pays ou la culture), puis le monde des adultes qui l'entourent. Celui de sa mère, plus intérieur, et celui de son père, instituteur. Deux figures qu'elle vénère. Puis, elle grandit, elle va au pensionnat. Les amies, la majorité étant des Françaises, les confidences entre fillettes, le regard jeté sur le monde des Européens. Presque un monde étranger. Puis, le reflet de son propre monde à travers le regard des Européens. Elle prend conscience des différences entre ces deux univers et des injustices qui en découlaient. Donc, très tôt, c'est comme si elle s'était construite deux identités, l'une arabe et l'autre française. Cette évocation de la vie de jeune fille était bien mais, après une centaine de pages, je me suis demandé si le bouquin n'allait constituer qu'une succession de jolis moments enfantins, aussi mignons soient-ils, aussi bien écrits soient-ils.

Heureusement, une histoire d'amour pointe à l'horizon. Un garçon montre son intérêt, une correspondance s'ensuit, puis quelques rencontres. Rien de déplacé, évidemment. Les deux jeunes gens ne font que parler, mais même cela est mal vu et pourrait causer des complications. Assia Djebar arrivait à me faire sentir la joie mêlée d'anxiété à chacune de ses rencontres, des lettres reçues, et tous les subterfuges nécessaires pour éloigner les soupçons. Cette idylle naissante arrive à temps, évite que le roman ne s'enlise dans la nostalgie. Elle fait basculer le roman dans quelque chose de plus mature. Elle expose surtout le dilemme qui attendait les femmes éduquées (plus exposées aux libertés des Européennes, à la mode), tiraillées entre la volonté de s'affranchir et les traditions. Cette contradiction laisse sa marque et on peut la percevoir dans plusieurs des autres romans (et les prises de positions) de l'autrice qui, éventuellement, choisit la liberté, le combat des femmes pour l'égalité. En effet, Djebar se permet d'explorer les sentiments amoureux qui la tenaillaient et cela rend son témoignage très pertinent et encore d'actualité, plus de cinquante ans plus tard. Cependant, il faut noter que ce roman fut écrit tard dans la vie de l'autrice, avec la plume claire, concise et (trop?) habile d'une académicienne auquel échappait un peu la spontanéité d'une lycéenne amoureuse.
Commenter  J’apprécie          390
Difficile de trouver son identité lorsqu'on est écartelé entre deux cultures. On connaît dans notre société actuelle les difficultés identitaires des jeunes issus de l'immigration considérés comme étrangers sur leur propre sol natal, et considérés comme français dans le pays d'origine de leurs parents. Comment trouver sa place dans un tel cas de figure ? Alors que pourtant la double culture devrait être une force et une richesse, elle devient finalement un handicap et un motif de rejet.

Dans ce roman d'Assia Djebar, son dernier jusqu'à maintenant, l'auteur nous retrace ses souvenirs. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une autobiographie mais plutôt d'une somme de moments qui ont marqué son enfance et son adolescence. Roman très intimiste donc dans lequel j'ai cru voir le pendant algérien du problème identitaire de cette génération dont j'ai parlé en introduction.
Nous sommes sous l'Algérie coloniale, peu avant la guerre. Fatima ( véritable prénom de l'auteur) est fille d'instituteur. A ce titre, elle est en rapport étroit avec la population européenne. Elle fréquente l'école des maîtres français, joue avec les enfants des colons. A la maison, on parle essentiellement la langue française. Malgré ça, l'empreinte de la tradition s'exprime à travers sa famille, les femmes voilées qu'elle croise dans la rue et au hammam, sa mère qui porte le haik ce grand voile blanc dont se couvraient les algériennes de l'époque. Mais c'est surtout le caractère rigoriste de son père qui la marquera le plus et un événement en particulier. Alors qu'elle essayait, en compagnie d'un petit garçon européen, d'apprendre à faire du vélo, son père la surprend et la fait rentrer sur le champ. Il lui reproche alors sévèrement d'avoir montré ses cuisses. Fatima n'avait que 6 ans …

A partir de cet instant, l'insouciance d'une petite fille fait place à la crainte et à l'incompréhension. Pourtant le père de Fatima n'est pas si strict et traditionnel que ça. Elle peut sortir sans le voile, elle peut porter des jupes. Elle peut se rendre à son internat sans chaperon. En revanche, pas question de se vêtir d'une robe laissant les épaules et le dos dénudés. Fatima ne comprend pas pourquoi ces françaises peuvent ainsi se promener en toute liberté, sans surveillance et en tenue légère et que les algériennes soient, elles, emprisonnées dans leurs voiles et dans leurs maisons. Pourquoi les algériens respectent ces mêmes françaises mais insultent l'algérienne qui ose se tenir comme elles ?
Fatima ne supporte pas cette injustice. Petit à petit, elle transgresse, fréquente des garçons en cachette, la crainte dans le coeur (« Si mon père le sait, je me tue »), une crainte telle qu'elle va jusqu'à commettre un acte désespéré.

Cette contradiction entre deux cultures, entre deux statuts de la femme, va marquer durablement Assia Djebar et imprègnera toute son oeuvre.

J'ai beaucoup apprécié cette lecture.
- Par cette image qu'elle donne de la vie quotidienne sous l'Algérie coloniale du point de vue d'une petite fille puis d'une ado, bref à un âge où on se construit, où ce qui nous entoure forge notre personnalité.
- Par le style très travaillé de l'auteur. Un style plein de mouvement et de rythme, tout en variations tantôt lent tantôt puissant. Un style qui joue aussi avec les sonorités. J'ai vraiment été charmée par la plume d'Assia Djebar.

Roman catharsis, roman thérapie, Nulle part dans la maison de mon père est le témoignage d'une enfance passée dans la contradiction et l'affrontement entre deux tendances qui s'opposent et se déchirent. Ce roman est aussi l'expression d'un mal être, d'un étouffement dont les responsables sont des hommes, le père d'abord, figure omniprésente, puis le futur mari. On sent leur ombre planer tout au long de la lecture à l'image de cette société patriarcale qui laisse si peu de place à la femme. Un roman qui éclaire l'oeuvre de l'auteur et sa prise de position dans le combat des femmes pour l'égalité. C'était d'ailleurs ce fait qui m'avait tenue à l'écart des romans d'Assia Djebar mais cette lecture m'aura fait comprendre l'origine de ces idées.



Lien : http://booksandfruits.over-b..
Commenter  J’apprécie          211
Voilà un roman autobiographique qui de l'aveu de l'auteur n'en est pas un ...
"Ce livre n'est pas une autobiographie, parce que pour moi une autobiographie est une accumulation de multiples notations sur le passé à partir desquelles l'écrivain peut relater ce que fut sa vie. Pour ma part, j'ai tiré de mon enfance et de mon adolescence uniquement les éléments qui me permettent de comprendre le sens de cette pulsion de mort qui a fondé ma vie d'adulte. Il s'agit plutôt d'une auto-analyse.
Voilà ce qui s'était passé. Mon fiancé m'avait humiliée. Il avait tenu des propos déplacés, insultants. Je n'étais pas habituée à recevoir des ordres, ni de mon père ni de quiconque. C'est pourquoi j'ai vécu l'attitude tyrannique de mon fiancé comme une agression. J'ai alors couru comme une folle à travers les rues d'Alger. Je voulais m'anéantir là où la mer rencontre le ciel…"
Nous sommes donc invités à suivre le cheminement périlleux et courageux d'une femme, qui à 70 ans tente de percer l'ultime secret qui l'a propulsée dans l'écriture.
Et nous sommes sidérés devant cette révélation qui semble venir au lecteur en même temps qu'à l'auteur : ce chemin de femme auteur, professeur, académicienne, cinéaste, est la route tracée par une pulsion de mort, qui fut mise en acte à seize ans, pour tout de suite être occultée et enfouie et n'accepter de ressurgir qu'au seuil de la vieillesse, afin de devenir soudain objet d'écriture où enfin, le "je" se livre.
Je n'ai qu'une pensée après la lecture de ce texte dense, fort, poétique et extrêmement travaillé : j'ose croire que cette quête de vérité sur soi, menée avec une belle intransigeance, et qui a produit tant de larmes et de sanglots au travail a fini par consoler Assia (Celle qui console), Djebar (l'intransigeante).
Je ne peux m'empêcher de me demander si cet exercice n'est pas finalement un nouveau jeu en forme de pari de Fatima-Zohra Imalayène, écrivant une "autobiographie" comme pour mieux donner chair, sang et larmes à son pseudonyme, son double.
La littérature est définitivement matière à mystère, où jeu, mensonges, rêves et fantasmes s'entremêlent pour nous donner le loisir de rêver que nous allons enfin comprendre et maîtriser quelque chose de cette vie qui s'échappe sans qu'on ait l'impression de la vivre.
Malgré ce titre dont je n'arrive pas à percer l'énigme, ce "nulle part" dans un lieu tellement défini et omniprésent, "la maison de mon père", Assia Djebar a trouvé sa terre, et y a planté son drapeau : j'aime à l'imaginer blanc comme le voile qui recouvrait sa jeune mère quand toute petite fille, elle l'accompagnait dans le rues du village. Cet étendard de voile de satin blanc flotte bien ancré dans un espace où le ciel rejoint la mer, une île de mots choisis en quête de vérité, et qui appartient au continent littéraire.
http://sylvie-lectures.blogspot.com/2008/06/nulle-part-dans-la-maison-de-mon-pre.html
Commenter  J’apprécie          160
Un roman, une autobiographie, une chronique de l'Algérie quand elle était française, c'est tout cela à la fois.
Zohra, fillette de Cherchell, qui redevient ici la Fière Césarée romaine , qui n'est pas encore Assia mais qui est déjà « l'esquisse d'un moi effacé » dévoile ce qu'elle aurait pu être , ce qu'elle aurait voulu être, celle qu'elle devint enfin, une femme qui ne sera jamais, quoiqu'elle ait pu dire ou penser , totalement libérée de l'emprise des traditions intégristes , des préjugés, du poids du carcan familial , écartelée, déchirée entre deux sociétés, deux cultures , deux mondes celui des interdits paternels - "père gardien, père-censeur, père intransigeant", du puritanisme religieux, des pressions exacerbées par la société traditionaliste où déjà les toutes petites filles ne peuvent pas dévoiler leurs gambettes , et celui qu'offre la culture occidentale, le collège , le lycée ...
A ma connaissance il n'existe encore pas de biographie complète sur Fatima-Zohra Imalayène qui choisit le pseudonyme d' Assia Djebar. Un travail sérieux sur cette écrivaine talentueuse laisserait apparaître de nombreuses contradictions tout au long de sa vie, étayant cette fracture
Commenter  J’apprécie          140
L'histoire d'une enfance, et d'une jeunesse, dans l'Algérie encore "française". Assia Djebar conte, avec ses mots choisis savamment, parfois à la limite de l'affectation, les tourments et les joies d'une âme très tôt révoltée. Loin d'un pamphlet contre les tabous d'une culture ancestrale rabaissant la femme à l'état d'une "chose" dont on dénie l'accès à toute forme de spiritualité, " Nulle part dans la maison de mon père" se veut le récit d'une libération intérieure, acquise avant tout grâce au savoir. Des écrits arabes préislamiques aux philosophes et poètes de l'Occident moderne, la culture écrite a donné à l'auteure les moyens de se défendre et de forger pas à pas sa personnalité, contre vents et marées. Hélas, le plaisir de la lecture est en partie gâché, lorsqu'on avance vers le dénouement du récit, par le ressassement sans fin des états d'âme de cette toute jeune fille victime d'un instant d'égarement. La réflexion qui suit sur le travail d'écriture, et de mémoire, comme pour se justifier à elle-même d'avoir écrit sur sa propre vie, amoindrit le plaisir que l'on a pris à suivre pas à pas le personnage dans ses années d'éveil à la vie.
Commenter  J’apprécie          60
auto analyse avec d'intéressants passages mais aussi des longueurs, des répétitions. l'auteure campe l'Algérie mille fois contée : le calvaire des femmes enfermées, battues parfois. La chape de plomb perpétrée par certains pères, La douleur des colonisés.
triste tableau connu ; Assia Djebar écrit là un livre thérapie pour elle - même : qu'en retire le lecteur ?
Commenter  J’apprécie          60

Peut-on prendre congé de son existence, dire adieu à sa propre personne, à son passé ? C'est la voie apparemment décrite par Assia Djebar dans un roman, autobiographique : « Nulle part dans la maison de mon père ».

Ce père, instituteur, seul indigène de son village ayant accédé à cette fonction, est immensément sévère, rigoriste. Il élève l'héroïne en l'entourant d''une protection qui entraîne, bien vite, l'apparition de toutes sortes d'interdits : vestimentaires, relationnels .Le puritanisme est de rigueur.
Pourtant, l'héroïne du récit parvient à échapper, un peu, à cette atmosphère familiale pesante ; elle est admise dans un internat, y fait la connaissance de camarades musulmanes comme elle, et de pensionnaires européennes .Elle y découvre les joies de la lecture, de la complicité intellectuelle avec Mag, Jacqueline, Farida. Elle goûte à la liberté de mouvement, ayant la faculté de retourner dans son village à chaque fine de semaine.

Cette jeune femme est torturée par toutes sortes d'interrogations : l'émancipation intellectuelle va-t-elle de pair avec l'émancipation des moeurs, si étroitement contrôlés dans cette Algérie coloniale ? Que représente son père, censeur omniprésent dans sa conscience d'enfant, dans sa vie : un protecteur ou un castrateur impitoyable ?
Les rencontres faites par l'héroïne sont toutes significatives et exercent une influence sur le cours de sa vie : la directrice de l'école , à laquelle s'opposent un groupe d'élèves musulmanes à propos de la composition d'un repas servi à la cantine de l'établissement , jugé discriminatoire pour les musulmanes .Le récit laisse découvrir, à de nombreuses reprises, les divisions et déchirures de l'Algérie française :

« Ainsi la partition coloniale restait-elle pérenne :monde coupé en deux parties étrangères l'une à l'autre, comme une orange pas encore épluchée que l'on tranche n'importe où , sans raison ! Je ne me vois donc jamais franchir le seuil familial d'une de mes condisciples européens, même si, comme avec la jolie Jacqueline du dortoir, les chuchotements échangés entre nous se prolongeaient tard, souvent dans la nuit. »


Ce chemin vers la vérité personnelle est douloureux, il passe ainsi par une tentative de suicide que l'héroïne comment en plein centre d'Alger à l'automne 1953, douze mois avant le début de la guerre d'Algérie, période sur laquelle l'auteur reste silencieuse. Cette dernière entrevoit une explication à ce geste : échapper à cette sujétion morale engendrée par ce patriarche, n'en plus pouvoir de n'être « nulle part dans la maison de son père ».

Beau livre , pudique, qui nous rappelle à bon escient que la marche vers l'émancipation est complexe, douloureuse, qu'elle prend du temps pour s'enraciner , vraiment , dans nos existences ,que l'on ne doit pas oublier d'où l'on vient .Assurément , Assia Djebar vient de loin, et sa description de la longue marche vers la liberté est d'autant plus magistrale .

Lien : http://www.bretstephan.com
Commenter  J’apprécie          50
Un bouquin acheté il y a quelques années déjà, et que j'ai fini par entamer avec une profonde curiosité due à la renommée de son auteur, entrée à l'Académie française en 2005.

L'académique se ressent dès les premières lignes : Nulle part dans la maison de mon père est en effet extrêmement bien écrit, offrant de fugaces passages érudits sur l'Algérie coloniale, la poésie préislamique, les berbères et les tribus...en bref un monde algérien infiniment plus complexe et plus riche que celui que l'on nous donne à voir aujourd'hui.

Cet ouvrage, autobiographique, est cependant curieux dans son procédé : chaque chapitre est en effet dédié à un évènement, un moment particulier de la jeune Assia, de l'éveil des sens au hammam à la joie de l'internat, en passant par les délices d'Alger...mais cet évènement est souvent raconté deux fois, voire même trois, sous un angle différent, et l'on ne parvient plus à faire la différence entre ce qui relève du vécu, du désiré, de l'oublié, ou de l'imaginé reconstruit par une enfant. C'est profondément troublant, et parfois un peu lourd à lire.

L'écriture est, je l'ai déjà mentionné, académique, érudite : retrouverait-on de la rigueur du père dans la plume de sa fille ? A mon sens, plutôt que le père ou la fille, la véritable figure du roman, et que l'on regrette de voir si effacée, c'est bien la mère d'Assia Djebar, qui ouvre au lecteur les portes d'une vie féminine riche et joyeuse, contrastant avec l'intolérance d'un père pourtant si instruit.
Finalement, je trouve que la vraie force de ce roman est ce qu'il donne à voir de la complexité de la société algérienne sous la colonisation, plus que le récit autobiographique de l'auteur. Une belle découverte plus qu'un coup de coeur.
Commenter  J’apprécie          40




Lecteurs (219) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1721 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..