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L'AUBE SANGLANTE



Extrait 1

C'est un noir pays plat foré de puits, qui fume
Par ses lourds hauts fourneaux, par ses larges corons,
Ses trains dont les sifflets vrillent de trous la brume
Et cassent le ciel bas que l'air houilleux corrompt.

Les murs d'usine seuls font l'ombre dans la plaine.
Rien ne se reflète au flot huileux des canaux,
Et les sombres mineurs que descendent les bennes
Pour astres n'ont jamais connu que les fanaux.

Leurs yeux à peine ont vu dans un brouillard l'aurore,
Feu de forge rougir le mur de l'horizon.
L'herbe au poil hérissé, noir, où ne vient éclore
Nulle fleur, meurt au sol, sous un ciel sans saison.

Aveugles, sous la terre, au fond des galeries,
Par les fissures du roc où fuit le filon,
Ils plongent, rampent, nus, saignant, les chairs meurtries,
Cyclopes éternels, la lampe rouge au front.
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L'AUBE SANGLANTE



Extrait 2

Seul l'écho mat que fait dans l'air rare la pioche
Comme un tic-tac d'horloge au loin coupe la nuit,
Et le labeur plus long se compte sous la roche
Par l'eau qui tombe goutte à goutte au fond du puits.

Ah ! le travail là-haut souriant et superbe
Sous le baiser puissant et libre du soleil,
Et l'amoncellement croulant du blé par gerbes
Sous le paisible effort des bras nus et vermeils !

Oh ! la fraîcheur glissante et la courbe du fleuve
Offrant au ciel son grand miroir étincelant,
Qui reflète, ébloui, la beauté toujours neuve
De la rive immobile et de l'arbre tremblant !

Seul le grisou parfois réalise leur rêve,
Quand le sol s'ouvre au loin, profond comme les cieux,
Et sous la voûte, dans une vision brève,
La mort allume enfin un soleil dans leurs yeux.
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