Cette relecture commencée depuis février a été particulièrement laborieuse, non pas à cause du texte, mais des circonstances. J'avais gardé le souvenir de textes qui m'avaient particulièrement touchés à mon adolescence et bien sûr en mémoire les textes mis en musique par
Léo Ferré et
Jean Ferrat. D'ailleurs il m'a été assez difficile de lire les longs textes d'où sont extraites les chansons de Ferré et Ferrat, leur version est trop prégnante par rapport aux originaux, plus longs. Mais cela ne concerne que très peu de poésies (moins d'une dizaine) sur l'ensemble de cet ouvrage. J'ai surtout été trop bouleversée par tous ses textes qui évoquent la première guerre mondiale, l'entre-deux-guerres, la seconde guerre mondiale, la résistance, le rapport Kroutchev et les désillusions, bref, une bonne partie du XXème siècle. Et que c'est dur à évoquer à l'aune d'aujourd'hui … J'ai cependant apprécié à nouveau, et probablement plus qu'à la première lecture, les qualités poétiques de ces textes, le choix de formes poétiques à la fois très structurées, et pourtant si peu habituelles. Parfois
Aragon a choisi le quintil (5 vers avec des rimes aabba ou abaab) qui était fréquent au Moyen-Âge et dans les ballades, un peu déséquilibré, avec un air d'inachevé qui va bien à des textes un peu nostalgique ou mélancolique, pleins de désillusions. A d'autres moments il utilise des vers à la métrique inhabituelle (vers de 16 syllabes) qui sont si longs que cela peut se rapprocher de la poésie en prose. C'est bien parce qu'
Aragon sait si bien faire partager la traversée du siècle et de ses épreuves, son sentiment d'échec que j'ai eu du mal à aller jusqu'au bout de ma relecture, même si les derniers
poèmes ( Prose du bonheur et d'
Elsa) sont parmi les plus beaux
poèmes d'amour en langue française et expriment l'espoir malgré tout et le refus de renoncer (après tout, le roman n'est pas achevé…) Un monument de la poésie française, mais peut-être n'est-ce pas le bon moment pour le lire, ou, au contraire,...