Se tromper est le privilège naturel de l'homme par rapport à tous les autres organismes. Cela conduit à la vérité! Je suis homme parce que je déraisonne. On n'est jamais arrivé à une vérité sans avoir quatorze fois erré et peut-être cent quarante fois, et c'est d'ailleurs encore honorable.
L'infamie de l'homme se fait à tout.
Mais la misère, Monsieur, la misère est un vice. Dans la pauvreté, vous pouvez conserver la noblesse innée de votre coeur ; dans la misère, personne n'en est jamais capable.
– Je fais… dit Raskolnikov durement et de mauvaise grâce.
– Quoi ?
– Un travail…
– Quel travail ?
– Je réfléchis, répondit-il sérieusement après un silence.
Cinq minutes s’écoulèrent. Il marchait toujours sans parler et sans la regarder. Enfin, il vint vers elle. Ses yeux brillaient. Il lui mit ses deux mains sur les épaules et regarda son visageéploré. Son regard était sec, enflammé, aigu ; ses lèvres tremblaient par à-coups… Soudain, il se baissa jusqu’à terre, d’un mouvement vif, et embrassa son pied. Sonia se recula, terrifiée, comme s’il était devenu fou. Et, en effet, il la regardait comme un fou.
– Qu’avez-vous fait là ? Devant moi !… murmura-t-elle en blêmissant.
Son cou se serra douloureusement.
Il se redressa immédiatement.
– Ce n’est pas devant toi que je me suis incliné ; je me suis incliné devant toute la souffrance humaine.
Qu'elle me batte, qu'elle me soulage !
Après tout, un juge d'instruction n'est qu'un homme et, par conséquent, accessible aux passions.
Les rousses ont les idées grandes en général
Voici : à mon avis, si les découvertes de Kepler et de Newton, par suite de certains événements, n’avaient pu être connues de l’humanité que par le sacrifice d’une, de dix, de cent… vies humaines qui auraient empêché cette découverte ou s’y seraient opposées, Newton aurait eu le droit et même le devoir… d’écarter ces dix ou ces cent hommes pour faire connaître ses découvertes à l’humanité. De là ne découle nullement que Newton aurait eu le droit de tuer qui bon lui semble, les gens qu’il croisait en rue, ou bien de voler chaque jour au marché. […] les hommes, suivant une loi de la nature, se divisent, en général, en deux catégories : la catégorie inférieure (les ordinaires) pour ainsi dire, la masse qui sert uniquement à engendrer des êtres identiques à eux-mêmes et l’autre catégorie, celle, en somme, des vrais hommes, c’est-à-dire de ceux qui ont le don ou le talent de dire, dans leur milieu, une parole nouvelle. Les subdivisions sont évidemment infinies, mais les traits distinctifs des deux catégories sont assez nets : la première catégorie, c’est-à-dire la masse en général, est constituée par des gens de nature conservatrice, posée, qui vivent dans la soumission et qui aiment à être soumis. À mon avis, ils ont le devoir d’être soumis parce que c’est leur mission et il n’y a rien là d’avilissant pour eux. Dans la seconde catégorie, tous sortent de la légalité, ce sont des destructeurs, ou du moins ils sont enclins à détruire, suivant leurs capacités.
On aurait pas pu découvrir une trace de poussière dans tout l'appartement. "Pareille propreté n'existe que chez de méchantes vieilles veuves", continua à part soi Raskolnikov...