On ne se la cachera pas, l'album a un charme rétro très assumé.
La référence aux jardins d'enfants, les costumes marins des petits personnages que l'on disait "enfants sages", la petite fille qui joue au cerceau et le prénom de notre petit bonhomme qui commettra la bêtise de l'histoire, Henri, tout nous ramène à un autre temps, jusqu'au style graphique qui feraient presque ressembler nos jeunes héros à des poupées de porcelaine avec leur visage poupin.
Le traitement semi-épais rappelant le pastel sec donne un retour esthétique entre la fresque murale et l'oeuvre de peinture.
Les jeunes lecteurs ne pourront toutefois pas être plus perturbés qu'un adulte sur un art qu'ils connaissent à peine? Ils pourraient donc même en être charmé.
D'ailleurs, l'auteur
Gerard Dubois leur réserve une belle surprise qui fera voler le caractère passé en éclat.
La touche de modernité géniale et éclatante.
Les personnages vont passer de l'autre côté, traverser la page, lorsque Henri aura accidentellement shooter au ballon la page de texte bien rangée en vis-à-vis.
N'y avait-il pas un adulte pour les sommer d'aller jouer plus loin avec leur ballon?
Un enfant avec un ballon est un enfant n'écoutant que son plaisir.
Malicieusement, nous rions du texte éclaté et dispersé au sol, tandis que les enfants tentent de récupérer leur ballon, aussi difficilement que si il avait atterri dans le jardin d'une voisine.
Le petit Henri ne se laisse pas impressionner par le trou qu'il a creusé dans la page et s'engouffre dedans pour partir en quête du ballon et bien entendu, reprendre la partie, on le suppose bien.
Tandis que les autres font la bouche ronde et se montrent quelque peu mal à l aise avec l'intrusion, la petite fille prend la suite d'Henri et de nouvelles perspectives s'ouvrent pour le texte et l'image.
Nous sommes dans un sas inattendu, entre notre réalité de lecteurs et celle de l'histoire, où se sont déversés les éléments chamboulés par l'attaque du ballon.
Cela devient un récit imaginaire d'une grande originalité et les deux enfants vont se mettre à explorer.
Nous pourrions supposer en effet qu'un enfant qui joue reste un enfant potentiellement dangereux pour les choses trop précieuses qui peuvent l'entourer et ce sont des monceaux inconsidérables de texte qui accueilleront les enfants, formant des montagnes.
Gerard Dubois détourne le texte, il devient décoratif et l'espace blanc se transforme en un incroyable terrain de jeu. Les jeunes lecteurs se familiarisant avec la lecture pourront être inspiré ici d'un caractère ludique et familier nouveaux dans l'écriture.
Pierre aura tout gagné à son audace, vous le verrez.
Petit veinard.