Pour des cendres, Pierre monte sur la Croix.
"Revanche de cendres", le 8ème chapitre, marquait une fin de cycle. Rome venait de se consumer lors du terrible incendie causé accidentellement par Lucius Murena.
Dans ce 9ème volume "Les Epines", on découvre les desseins de Neron qui veut reconstruire une ville à sa mesure et trouver un coupable à offrir à son peuple. Poussé par son cruel conseiller, il va accepter de sacrifier les chrétiens. Les croix de Tau vont "pousser" sur les ruines de Rome.
Contrairement à beaucoup qui "donnent tout" pour le dessin de couverture et se contentent du minimum à l'intérieur, le dessinateur
Philippe Delaby ne triche pas pour attirer le chaland. Les 46 pages sont toutes splendides. le trait est fin, précis, d'une lisibilité constante. Découpage, perspectives, rendu des mouvements...On frôle la perfection.
Le plus grand dessinateur actuel ? Peut être bien.
De son côté, le scénariste
Jean Dufaux continue à jouer -respectueusement- avec
L Histoire, tout en gardant à son récit, beaucoup de rythme, ce qui manquait un peu dans les volumes précédents. Les caractères de ses personnages sont fouillés, leurs faiblesses (les doutes de Neron, l'humaine lâcheté du Centurion Rufalo, la haine qui consume Murena...), comme leur grandeur (le courage de Pierre, la bravoure de Balba...), sont exposées avec beaucoup d'intelligence et de crédibilité.
Après
Jérémy Petiqueux, c'est maintenant Sebastien Gérard qui assure la mise en couleurs pour un résultat tout aussi remarquable. Aucun souci de continuité n'entache donc la série.
Que dire de plus, sinon que Murena fait partie de ces séries qui font parfois la grandeur de la bande dessinée et qu'elle est absolument indispensable.
Reste à évoquer maintenant l'incroyable pataquès autour des scènes de sexe qui auraient du figurer dans cet album (et notamment un trio avec instrument qu'on devine page 34). Dargaud a refusé et après concertation, un compromis a été trouvé : la scène entière accompagnée d'un cahier sur la sexualité romaine, sortira en novembre, sur un tirage spécial de ce 9ème volume.
Je trouve cet épisode ridicule.
Dans cette édition "censurée", on a droit à un peu de nu (très joli), on devine que la dame joue bien du buccin, qu'il n'y a pas que les croix qui se dressent dans Rome et que la servante va utiliser ce qui n'était pas encore un canard.
Murena est une série historique, qui comporte des scènes assez violentes et aussi, parfois du sexe, mais le tout dans des proportions telles que jusqu'à présent, on pouvait laisser traîner la BD chez soi, sous les yeux des enfants. En novembre, on est censé faire quoi ? Et pourquoi ne pas signaler cette option à l'acheteur du mois de juin : on est à court de stickers chez Dargaud ? Ou mieux, pourquoi n'avoir pas proposé en même temps la version "normale" et la "spéciale" ?
Mais c'est surtout la justification par Dufaux, des scènes de cul (à venir) qui me hérisse le poil : le sexe était important à Rome, la notion de péché n'existait pas, bla bla...Donc, il est normal de montrer cet aspect, bla bla.
Peut être.
Mais la question principale n'est-elle pas davantage : ces scènes (comme d'autres), apportent elles un "plus" ? Est-ce que cela va renforcer la cohésion de l'histoire ? Dufaux fait référence dans ses interviews, à la série "Le Trône de Fer" pour son mélange réussi selon lui, de sexe et de violence, en négligeant le fait que cette série a justement, gommé certains excès dans sa 2ème saison (mais ils ont repris depuis), mais surtout le fait qu'elle est interdite aux - 16 ans.
Est-ce que pour satisfaire au souci de réalité, il faut aligner les cases blanches au motif ou que souvent il ne se passait pas grand chose dans une journée, orner toutes les cases de tripes au motif que l'époque était violente ? Avec un raisonnement pareil, toutes les pages d'histoire de l'humanité traitées en BD, seraient rouge sang.
Je sais bien qu'il est toujours de bon ton de s'élever contre la censure, mais dans cette affaire, je trouve que la position initiale de Dargaud (maison clairement située dans la production d'oeuvres grand public) était cohérente et que le compromis trouvé est particulièrement bancal. S'il s'était agi d'un album entier de sexe, j'aurais compris la nécessité d'un tirage à part, mais là, pour quelques cases...Dufaux s'était montré quand même moins pointilleux dans le tome 6 ("Le sang des bêtes")où il traitait déjà du trio d'amoureux avec servante.
Bon allez, on attend quand même avec impatience le 10ème volume.
Mais, s'agissant d'épines, je me contenterai de celles de cette version.