Flandre peut se glorifier d’avoir produit, au XVe et au XVIIe siècle, outre un nombre incalculable de peintres célèbres, une pléiade abondante de sculpteurs illustres. Mais, notre but ayant été surtout d’analyser dans le présent ouvrage ceux-ci, nous ne nous occuperons que relativement de ceux-là, quoique la sculpture ait été en quelque sorte le corollaire de la peinture, dans les provinces du Nord. Car, ce que les Van Eyck, les Memling, les Gossaert, les Lambert Lombard et cent autres ont dit en se servant de la brosse, après eux, les Guyot de Beaugrant, les Herman Glosencamp, les Rogier De Smet, les André Rasch et les Alexandre Collin l’ont enseigné en utilisant l’ébauchoir. En effet, un même idéal religieux a enfanté les peintures et les sculptures, bien avant le règne des ducs de Bourgogne ; puis, sous la domination de Philippe le Bon et de ses successeurs, les artistes ont loué encore Dieu; mais, ils croyaient que l’art devait agrémenter les objets d’usage journalier et exalter la puissance humaine, celle des princes et particulièrement des communes.
En ce temps, Jean Mostaert avait accompli sa soixante-quinzième année, et sa réputation était toujours grande, quand le clergé de Hoorn le chargea de peindre un retable, destiné à orner le maître-autel, en l’église paroissiale. Mais, il n’était pas permis de s’absenter de la ville, sans une permission préalable des autorités. Le peintre la sollicita donc, et elle lui fut accordée, le 11 mai 1549. Il devait, néanmoins, être de retour après un an et demi, au plus tard, le septembre 1550, « sous peine d’avoir à payer les droits de succession sur tous ses biens « ! Que pensa le vieillard de cette clause restrictive? Assurément, qu’elle était draconienne et de nature préjudiciable; car, il vendit ses immeubles pour éluder des ennuis ultérieurs ! Et ce semble que ses biens étaient considérables. En effet, Jean Mostaert descendait d’une ancienne famille noble qui, d’après Schrevelius, s’était distinguée aux croisades, et s’appelait auparavant « Sinapius ». Mais, il ne vendit pas sa maison; celle-ci lui était trop précieuse. Et quel dommage que l’incendie de Harlem la dévora ensuite, ainsi que la plupart de ses œuvres géniales, décorant les monuments! Aussi sont-elles peu nombreuses ses peintures.
Avant son entrée au monastère de Rouge-Cloître, de 1465 à 1475, Hugo Van der Goes habitait Gand. Il fut d’abord juré, puis doyen de la corporation des peintres.
Comme la plupart de ses confrères, il voyagea principalement en Italie. La puissante famille florentine des Portinari le prit sous sa protection, même à tel point qu’un de ses membres, Tommaso Portinari, agent de la famille de Medicis, à Bruges, lui commanda : l'Adoration des bergers, une page merveilleuse qui se trouve conservée, à l’hôpital Santa-Maria- Nuova de Florence.
Son oeuvre fut considérable. A part l'Adoration des bergers, il exécuta un grand nombre de tableaux et de décorations artistiques. On prétend posséder des compositions du maître à Munich, Paris, Berlin et dans les palais Ufiflzi et Puccini, à Florence et Pistoie; mais la plupart de ces attributions sont fausses, et toutes ses peintures qui restèrent en Belgique ont disparu aussi.
Certes, le véritable héritier de Rogier Van der Weyden fut Hugo Van der Goes, qui occupe, par l’austérité de sa manière, narrant ses amertumes, une place spéciale dans la pléiade des artistes de son temps. Mais, un transfuge de l’école de Harlem, Thierry Bouts le Vieux emprunta aussi à l’esthétique de Rogier. Sans doute; et son procédé engendra l’idéal charmant de Hans Memling et celui plus viril de Quentin Metsys.
Tous ces artistes constituaient un groupe de peintres flamands, et par leurs tendances, et par leur origine.
Cependant, cette somme prodigieuse d’œuvres superbes et de chefs-d’œuvre merveilleux commande l’amour et impose l’admiration. Dès l’enfance, elle éduque les Flamands. Peut-être bien est-ce à cause d’elle que le caractère de leur race, fait d’aspirations matérielles, augmentées d’aspirations idéales, loin de s’atrophier, perdure, s’épanouit et se fortifie. Car, ses vertus éducatives, en réalité, sont indéniables, sans cesse sous nos yeux, toujours présentes à notre esprit.