Sylvie Steinberg nous parle de la sexualité pour la revue "Au fait : Huit regards sur le Sexe" de
Xavier Delacroix.
Sylvie Steinberg est une historienne. Elle est directrice de recherches à l'EHESS et a dirigé le volume collectif "
Une histoire des sexualités" (PUF, 2018).
"Huit Regards sur le Sexe" avec la participation de
Sylvie Steinberg,
Philippe Combessie,
Nathalie Bajos,
Harry Bellet,
Laurie Laufer,
Brigitte Lahaie,
Jean-Marc Souvira, Anne Tomiche, Pierre Zoberman et
Agnès Giard, disponible aux Editions Cent Mille Milliards.
Photos de Alain Mandel.
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... la plupart des bourdeaux sont situés dans ce quartier, près de l'abbaye Sainte-Marie-Madeleine, que tu vois là-bas sur la gauche. C'est pratique : quand ces dames ne sont plus assez jeunes pour le bon usage, elles vont se cloîtrer là pour leur pénitence et la paix de leur âme. Elles donnent à Dieu ce dont le diable ne veut plus. Enfin, celles qui ont gardé assez d'argent pour que les soeurs les recueillent. C'est le paradoxe : seules celles qui ont beaucoup péché ont les moyens de leur salut...
--- Vous n'accordez guère de crédit à l'humanité.
--- Pour ce que j'en ai vu... Dès l'enfance, l'homme est dissolu et la femme déjà pute. A Bâle, les seules vierges qu'on trouve sont au berceau. Il n'y a que les vieillards pour se repentir, parce qu'ils ne peuvent faire autrement. Et en général, c'est trop tard. p 78
Depuis près de trois ans, qui lui semblaient un lustre, Bruce olivier réchauffait le climat souvent humide des Pays-Bas avec d’amples et fiers buchers, où il expédiait sans relâche les luthériens. Sa tâche était nécessaire, mais en rien exaltante. Il sentait bien que le défunt pape Adrien l’avait envoyé dans ses terres natales moins pour en extirper l’hérésie que pour se débarrasser de lui.
- Nous avons jugé une femme adultère. Elle a été convaincue d'avouterie. Le mari et l'amant seront promenés dimanche en procession dans les rues, assis nus et à rebours sur un âne.
- Tous les deux ? s'étonna Ambroise.
- Dame ! Ils sont aussi coupables l'un que l'autre.
- Et elle ? s'enquit Jean.
- Elle ? Elle est là-dessous.
Les frères comprirent alors le sens de la scène. D'une potence fixée à la chapelle, un cordage pendait dans le Rhin. Un filet y était accroché, à présent totalement immergé dans le courant. Devant l'air réprobateur des deux frères, du cadet surtout, le bourgeois se troubla.
- Attention ! Si elle est innocente, Dieu l'en fera sortir saine et sauve.
- Et combien de temps la tenez-vous sous l'eau ?
- Selon l'importance du crime, entre dix minutes et une heure. Dans son cas, la peine la plus courte.
- Sont-elles nombreuses à en être sorties indemnes ?
- À ce jour, aucune. Ce qui prouve la duplicité de ces femmes et l'excellence de nos juges, conclut l'homme satisfait.
- Pour quel diable te prends-tu de barytonner ainsi du cul ?
(...)
- Laisse donc péter ton frère ! Selon Erasmus, c'est signe de santé . Reprimere sonitum, quem natura fert, ineptorum est, qui plus tribuunt civilitati, quam saluti, a-t-il justement dit. "Retenir un pet produit par la nature est le fait des imbéciles qui accordent plus à la politesse qu'à la santé "
D’après Legros, Meadows le savait parfaitement ou s’en moquait royalement. Selon lui, la collection de Meadows n’était qu’un moyen de frauder le fisc. “I want a steal, not a deal!” était son mantra. Il ne s’agissait pas de voler son fournisseur, mais bien le Trésor américain : l’administration de Kennedy avait voté une loi qui permettait de déduire une œuvre donnée à un musée. Des experts en fixaient la valeur, et ils ne détestaient pas s’appuyer sur les certificats fournis par Legros. Entre 1964 et 1967, Fernand Legros et, dans une moindre mesure, Réal Lessard vendirent à Meadows, en plusieurs lots, pour 527 000 dollars d’œuvres d’art, l’équivalent de 3 millions de francs de l’époque. Mais les experts américains près le fisc les estimeront pour leur part à 7 millions de dollars, autant que Meadows pouvait déduire de ses taxes.
- Joss Fritz ! Je te croyais mort.
- Il n'est pas mauvais qu'on le pense ainsi.
- Je vois. Tu as sans doute raison. Toutefois ta légende est bien vivante. Des ménestrels la colportent encore, quand les sergents ne sont pas dans les parages. Le héros des petites gens. L'homme qui a su poser la seule question qui vaille.
- J'ai posé de nombreuses questions dans ma vie.
- Celle-ci est inoubliable : "Quand Adam bêchait et Eve filait, où donc étaient le moine et le gentilhomme?' Tu es plus dangereux que moi, Joss Fritz. Moi, je ne réclame que le respect de la coutume.
- Le monde change, mon ami. La coutume est battue en brèche par le droit du plus fort. "Ils" lèvent toujours plus d'impôts, interdisent toujours plus de choses qui étaient pourtant autorisées à nos pères. En Pays souabe, j'ai vu un serf écorché vif parce qu'il avait pêché des écrevisses dans l'étang du seigneur. Au contraire, des fermiers se sont révoltés parce que leur maîtresse exigeait qu'ils aillent lui chercher des escargots au lieu de moissonner leurs champs. Ils ont mis le feu à son château, et à son cul aussi. C'est possible, mon ami, un autre monde est possible. On raconte qu'à Wittenberg, un moine nommé Luther s'est dressé contre la vente des indulgences, pour le respect de la parole des Evangiles. Rien que la justice de Dieu ! (p. 186/187)
Les historiens d’art ne sont pas si inutiles, après tout. S’ils n’existaient pas, qui pourrait expliquer, lorsque nous sommes morts, que nos mauvais tableaux sont des faux.
Max Liebermann (1847-1935)
-Holpenius ?
- Oui. La beauté de la chose, c’est qu’en latin, « penis » désigne le pinceau des peintres, l’instrument que vous nommez brosse, je crois. L’inconvénient, c’est que cela veut dire aussi une « queue », celle des quadrupèdes bien sûr, hélas celle des bipèdes également si vous voyez à quoi je fais allusion. J’espère que vous n’y trouverez pas de désagrément majeur ?
- Aucunement, sourit Jean.
- (...) tu me paieras demain, décida-t-il en attrapant une fine planchette qu'il stria de quelques coups de couteau, avant de la fendre en deux dans la longueur.
Ce procédé immémorial était connu de tous : créancier et débiteur en gardaient chacun une moitié , ce qui évitait toute contestation au moment des comptes, puisque les marques devaient correspondre.
Lorsque Thomas Hoving, l’ancien directeur du Metropolitan Museum de New York, déclara en 1997 que 40 % des œuvres de son musée étaient des faux, on pensa à une exagération bien américaine. Après enquête, on se demande s’il n’est pas en deçà de la vérité.
[1] Pour d’autres, et plus récemment, on serait plus près de 50 %, à en croire les déclarations d’un expert suisse, Yann Walther dans “Over 50 Percent of Art Is Fake”, Artnet News, 13 octobre 2014. Le petit musée d’Elne (Pyrénées-Orientales) tient la corde, avec 60 %. Mais Hoving a encore trouvé mieux avec le musée Mimara de Zagreb, dont la quasi-totalité des trois mille sept cent cinquante-quatre œuvres seraient des faux.