Avec les rousseurs de l’automne, une première fausse note vint ébranler l’ordre des choses. Pourtant, tout semblait aller pour le mieux. Nul ne soupçonnait la liaison entre le père Roland et l’épouse du médecin. Si Annie Meunier commençait à juger insolites certains détails, elle n’en parlait pas, se répétant qu’elle se faisait des idées.
Ils étaient face à face, muets à présent. Plus ils se regardaient, plus un courant invisible se nouait entre eux, comme s'ils se reconnaissaient, se retrouvaient, chacun étant persuadé de pouvoir comprendre l'autre. Ils appartenaient à la même race et ils en prenaient conscience, la race des insoumis, des dissimulateurs, des sans-scrupules aussi. Contraints de supporter un sort qu'ils n'avaient pas désiré et qui les avait rendus amers, ils cherchaient à agrémenter leur existence par n'importe quel moyen.
Les réceptions lui permettaient de briller au sein d’une petite société bourgeoise, sous l’œil admiratif de son époux. Mais, au fil du temps, elle s’était lassée de voir toujours les mêmes visages et de rire des mêmes plaisanteries. Oui, l’ennui était venu, pesant, source de folles rêveries, son unique consolation, car elle avait souvent l’impression de ne pas être à sa place, de gâcher ses plus belles années.
Rageur le curé rentra chez lui et se glissa dans un lit froid où s'attardait cependant un léger parfum de violette. Les ronflements qui s'élevaient de la chambre de sa servante l'exaspérèrent davantage.
Il fut long à trouver le sommeil, ses pensées divaguant entre
Annie Meunier et Mathilde de Salignac, deux femmes bien différentes, l'une qu'il adorait, l'autre dont la présence lui devenait insupportable.
De servir Dieu n’oblige pas à la solitude ni à la mortification. On doit aimer son prochain et sa prochaine, il me semble…
Les gens ne peuvent pas s’empêcher de calomnier, de juger les choses sans rien y comprendre.
Des parfums de roses, de raisins verts et d’herbes sèches montaient du sol sous ses pas et l’enivraient, lui donnant envie d’aimer.
Le destin est injuste. Des êtres innocents qui n’ont pas fait le moindre mal trépassent, d’autres, mauvais et violents, demeurent. Si seulement une maladie emportait Annie, et même ton mari, nous serions libres, riches et heureux. Tu quitterais la région, moi ma soutane et, après un an de deuil, je t’épouserais.
Les lèvres sensuelles, rouges et pleines de son amant la tentaient comme un fruit d’été gorgé de promesses. Cet homme la bouleversait.
C’est toujours plus agréable de discuter avec une jeune personne rieuse qu’avec un vieux renfrogné.