S.Thala, l'homme qui regarde la mer, le voyageur, l'homme qui marche, la femme, les enfants, le hall, l'incendie, le vent, la mer, la plage.
Aucun nom, si ce n'est celui de la ville envoutante, oppressante, le noyau, S.THALA, nom aussi puissant et qui revient souvent dans le récit que le Manderley de Daphné du Maurier (Rebecca).
J'ai eu l'impression de lire un scénario de
David Lynch.
Le temps s'écoule, lentement.
Les corps avancent, les corps sans nom.
"Les murs augmentent en nombre, se multiplient, ils se coupent, se suivent, se recoupent, ils battent dans les tempes, font saigner les yeux. Il n'y a toujours aucune ombre. Toujours en avant, la silhouette noire dans la blancheur des murs au bout du boulevard."
Je pense que je me suis retrouvée dans la tête de chacun d'eux à des moments différents du récit, ou de leur vie, je ne saurais jamais ni l'esprit de qui, ni à quel moment de sa vie.
"Elle marche vite tout à coup.
La mer. Elle la voit.
Le bâtiment une fois dépassé, la voici.
Elle était là, très proche. le coeur de S. Thala donne sur la mer.
Le boulevard s'arrête : devant eux plus personne ne marche. Il y a un chemin de planches. Ils le traversent. Voici la plage sans murs, la mer, les sables, les eaux de la mer.
A leur gauche, s'étale l'énorme masse du coeur de S. Thala. Sa façade principale domine la plage.
Elle tombe sur le sable, elle s'allonge, elle ne bouge plus."
Ces courtes phrases et ce court texte singulier et poétique m'ont fait beaucoup d'effets. C'était nébuleux, c'était délicat, c'était inquiétant. Je me suis retrouvée face à moi-même, mon imaginaire aurait pu inventer des noms, des visages, des lieux.
Marguerite Duras donne une direction, presque neutre, épurée, simple. C'est ce que j'ai trouvé beau. le lecteur à une grande place dans cette nouvelle. Pour inventer à son tour.
"- Il garde le mouvement des marées, les mouvements de la lumière.
- Non.
- le mouvement des eaux. le vent. le sable.
- Non.
- le sommeil ?
- Non - elle hésite - rien. le voyageur se tait.
Elle se tourne vers lui. Elle dit :
-Vous ne dites plus rien
Elle se souvient :
- C'est vrai - elle s'arrête, la voix redevient tendre - vous n'êtes rien.”
Je referme le livre avec beaucoup de questions en tête, sans frustration aucune. C'est une forme de récit extrêmement rare. Je vais le relire un jour, c'est sûr et j'ai beaucoup aimé.