Le battement dans les tempes continue. Il faudrait que j𠆚rrête ce battement dans les tempes. Sa mort est en moi. Elle bat à mes tempes.
« Robert L. n’a accusé personne, aucune race, aucun peuple, il a accusé l’homme. »
Dût-il mourir le lendemain, il n'aurait pas perdu l'occasion de vivre.
J'ai peur d'être tuée, j'ai honte de vivre. Je ne distingue plus. Ce qui me fait maigrir un peu plus chaque jour c'est aussi bien la honte que la peur et la faim.
Je commence à être habituée à la peur de mourir. Ca paraît impossible. Je dirais plutôt comme ceci: je commençais à être habituée à l'idée de mourir.
Il était entré dans la Gestapo faute d'avoir pu acquérir une librairie de livres d'art.
Ils étaient arrêtés, enlevés, emportés loin de France. Et jamais plus on n'avait la moindre nouvelle d'eux, jamais le moindre signe de vie, jamais. Même pas prévenir que ce n'était plus la peine d'attendre, qu'ils étaient morts. Même pas arrêter l'espoir, laisser la douleur s'installer pendant des années.
Une fois assis sur son seau, il faisait d'un seul coup, dans un glou-glou énorme, inattendu, démesuré. Ce que se retenait de faire le coeur, l'anus ne pouvait pas le retenir, il lâchait son contenu.
Je ne sens plus mon coeur. L'horreur monte lentement dans une inondation, je me noie. Je n'attends plus tellement j'ai peur. C'est fini, c'est fini ? Où es-tu ? Comment savoir ? Je ne sais pas où Il se trouve. Je ne sais plus non plus où je suis. Je ne sais pas où nous nous trouvons. Quel est le nom de cet endroit-ci ? (...). Plus de douleur. (...) Je n'existe plus. Alors du moment que je n'existe plus, pourquoi attendre Robert L.?
[...] Robert L. lui, on ne l'entend toujours pas. C'est dans ce silence-là que la guerre est encore présente, qu'elle sourd à travers le sable, le vent.