Citations sur La douleur (98)
Le Révérend père Panice a dit à Notre-Dame, à propos du mot révolution : "Soulèvement populaire, grève générale, barricades..., etc. On ferait un très beau film. Mais y a-t-il là révolution autre que spectaculaire ? Changement vrai ? Profond ? Durable ? Voyez 1789, 1830, 1848. Après un temps de violences et quelques remous politiques, le peuple se lasse, il lui faut gagner sa vie et reprendre le travail." Il faut décourager le peuple.
Le docteur est arrivé. Il s'est arrêté net, la main sur la poignée, très pâle. Il nous a regardé puis il a regardé la forme sur le divan. Il ne comprenait pas. Puis il a compris : cette forme n'était pas encore morte, elle flottait entre la vie et la mort et on l'avait appelé, lui, le docteur, pour qu'il essaye de la faire vivre encore. Le docteur est entré. Il est allé jusqu'à la forme et la forme lui a souri.
Nous sommes encore purs de tout savoir sur ce qui s'est passé depuis 1933 en Allemagne. Nous sommes au premier temps de l'humanité, elle est là vierge, virginale, pour encore quelques mois. Rien n'est encore révélé sur l'Espèce Humaine.
S'il avait mangé dès le retour du camp, son estomac se serait déchiré sous le poids de la nourriture, ou bien le poids de celle-ci aurait appuyé sur le coeur qui lui, dans la caverne de sa maigreur était devenu énorme. [...] Non, il ne pouvait pas manger sans mourir.
Son visage s'était recouvert d'une douleur intense et muette parce que la nourriture lui était encore refusée, et que ça continuait comme au camp de concentration. Et comme au camp, il avait accepté en silence. Il n'avait pas vu qu'on pleurait. Il n'avait pas vu non-plus qu'on pouvait à peine le regarder, à peine lui répondre.
De Gaulle a décrété le deuil national pour la mort de Roosvelt. Pas de deuil national pour les déportés morts. Il faut ménager l'Amérique. La France va être en deuil pour Roosvelt. Le deuil du peuple ne se porte pas.
Quand il reviendra nous irons à la mer, une mer chaude. C’est ce qui lui fera le plus plaisir, et puis le plus de bien aussi. Il arrivera, il atteindra la plage, il restera debout sur la plage et il regardera la mer. Moi, il me suffira de le regarder, lui. Je ne demande rien pour moi.
Tout à coup la liberté est amère. Je viens de connaître la perte totale de l'espoir et le vide qui s'ensuit.
Je vous aimerai jusqu'à ma mort. Je vais essayer de ne point mourir trop tôt.
Les deux gars recommencent à frapper. Ils frappent aux endroits déjà frappés. Le donneur crie. Quand ils cognent, sa plainte s’étrangle et devient une sorte de gargouillement obscène. Un bruit qui donne envie de frapper encore plus fort, que ça s’arrête. Il essaie de parer les coups, mais il ne voit rien venir. Il les encaisse tous.