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sur 577 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Quand l'urbanité se fait épopée littéraire…

Le cycle de la « Tour de garde » est un projet ambitieux dont il convient de rappeler les fondements : deux capitales, deux trilogies écrites chacune par deux auteurs, respectivement Claire Duvivier (présente à de nombreuses tables rondes lors des récentes Utopiales de Nantes) pour la capitale du Nord et Guillaume Chamanadjian pour la capitale du Sud. Deux ambiances totalement différentes, presque opposées, deux façons de vivre et deux cultures antagonistes. Des liens subtils entre les deux villes sont entrevus dès les premiers tomes. Avec une pincée de fantasy dans chaque trilogie apportant son lot de mystères et une ambiance teintée d'étrangeté et d'onirisme. Un projet de fantasy urbaine française qui plus est !

La capitale du Nord est Dehaven, ville inspirée par l'Amsterdam du Siècle d'or, cité bien organisée, traversée par des canaux, ville portuaire prospère économiquement en grande partie grâce à l'exploitation de ses colonies ; la capitale du Sud est Gemina, ville tentaculaire et bouillonnante, ville de la poésie, de la gastronomie et du vin inspirée par Sienne et la Florence de la Renaissance. Une cité chaotique aux rues protéiformes gérée par factions suscitant jalousie et luttes pour le pouvoir.
Alors que le tome 1 de Capitale du Sud était tout en sensualité et sensorialité, c'est un texte logiquement plus froid, moins clinquant et surtout moins poétique, plus structuré à l'image des personnages qui les traverse et à l'image de la ville, qui nous est proposé avec Capitale du Nord.
Nox était la voix de Capitale du Sud, c'est désormais Amalia, intelligente et pragmatique, qui nous guide dans ce premier volume de la trilogie nordiste « Citadins de demain ». Amalia est entourée de deux compagnons, Hirion également noble et Yonas roturier destiné à prendre la suite de son père à l'écluse. Amalia, est en lien avec Hirion depuis la plus tendre enfance, les deux familles nobles projetant l'union des deux jeunes gens, héritiers tous deux des deux familles les plus aisées de la capitale. Yonas, lui, est arrivé plus tardivement et a pu rejoindre Hirion et Amalia et bénéficié de la même éducation, le père d'Amalia étant redevable au père de Yonas d'une chose dont on devine peu à peu les contours.
Les enfants se voient enseigner une très large palette de connaissances pour former les citadins de demain, des citadins éclairés par la science et l'expérience, et éloignés des superstitions, de la religion ou des connaissances uniquement basées sur les mythes et les fausses croyances.
Amalia est vive, intelligente face à un Hirion plus fragile et très affecté par la maladie de sa soeur, chagrin qui va le mener à essayer de trouver des remèdes s'éloignant des remèdes habituels de la médecine traditionnelle.
Yonas est un personnage intéressant à cheval entre les deux mondes, celui basé sur la raison des nobles et celui de la plèbe où les légendes et les mythes sont des éléments importants de transmission.

Les enfants ont grandi ensemble et sont à présent de jeunes adultes, témoins de dissensions politiques de plus en plus nombreuses liées notamment à la gestion problématique des Colonies. Parallèlement à cette montée des tensions, le trio découvre, fasciné, une cité par-delà un simple miroir à main, ville étrange qu'ils vont nommer Nehaved. Une découverte faite au départ par Hirion désireux de soigner sa soeur Delhia par des moyens moins conventionnels. Une découverte d'autant plus fascinante que leur éducation les a toujours totalement éloignés des légendes, de la magie, des mystères. Troublés, ils se demandent si cette ville miroir est une vision du passé de leur propre ville, ou au contraire une vision du futur de leur ville ou enfin un parallèle possible de Dehaven, une voie qu'elle aurait pu suivre.
Cette découverte fait écho à celle de Nox dans Capitale du Sud qui avait découvert de même une sorte de ville parallèle, plus sombre et angoissante, qui lui permettait de se déplacer sans être vu…
A noter que ces éléments de fantasy sont, dans chacune des trilogies, apportés avec subtilité et que l'essentiel reste, pour ces premiers tomes en tout cas, les intrigues respectives bien réelles qui se déroulent dans chacune des villes. La fantasy est distillée avec parcimonie, telle une pincée de sel ravivant les plaies bien réelles dont souffrent la ville et nos protagonistes. Car en effet, à chaque fois que la fantasy intervient, dans les deux trilogies, un événement funeste se déclenche dans la ville. Et à chaque fois cela influe sur l'humeur et l'état psychologique de celui ou de ceux qui sont l'objet de ces événements surnaturels. Lien subtil qui m'intrigue, m'interpelle et me tient en haleine pour le reste des deux trilogies.

Notons que les références à Gemina sont bien présentes et pour tout lecteur de Capitale du Sud, ces références sont plaisantes et nous place en connivence avec le récit. Les deux villes ont un point commun : le jeu de la Tour de garde, jeu stratégique très proche de lui des échecs. On y croise des personnages venant de Gemina, comme Casimux dont nous avions vu le départ de Gemina avec Guillaume Chamanadjian, ou au contraire sont évoqués des personnages de Dehaven partis pour Gemina et que nous avons pu croiser en lisant le tome 1 de Capitale du Sud. On perçoit sinon des tensions dans les deux villes, les événements malheureux de l'une se renvoyant en écho à l'autre ville.

« Dehaven m'apparait plutôt comme ce qu'elle est : le phare de la civilisation. Une mécanique aux rouages parfaitement huilés, même si parfois il peut leur arriver de se gripper, comme ce qui se passe aujourd'hui", ajouta-t-il avec un geste en direction de la porte par laquelle van Hautenluft venait de disparaitre. Toutefois il ne précisa pas sa pensée et enchaina : "Gemina, en comparaison, est l'image du chaos : personne ne sait qui la dirige, rien ne distingue plus les aristocrates de la plèbe ; les clans s'entredéchirent sans cesse. le dessin même des rues est à l'avenant : les chantiers urbains sont aux mains d'un clan occulte qui n'a que son propre intérêt en tête. Vous ne verriez pas une Grille sortir de terre là-bas"
- "il est donc heureux que ces pauvres gens puissent se consoler avec la nourriture" hasardai-je. Moerman sourit de nouveau, amusé cette fois.
- "Et le vin, Amalia. Surtout le vin. C'est le sang, le sang mêlé de cette ville".

Claire Duvivier dans ce premier tome met les éléments en place, prend son temps avec une certaine indolence, insiste sur les liens qui se nouent entre les personnages, creuse en profondeur la psychologie de chacun, le tout dans un style assez épuré, beaucoup plus distant et froid que le tome sudiste de Guillaume Chamanadjian que j'avais trouvé si savoureux et poétique, plein de rebondissements. Si ce style plus axé sur la psychologie des personnages m'a beaucoup gênée jusqu'au tiers du livre (je n'arrêtais pas de comparer ces deux premiers tomes), j'ai ressenti ensuite un réel intérêt d'avoir ainsi deux styles bien marqués, à l'image des villes décrites. C'est cohérent à l'aune du projet à quatre mains, intéressant, et même très bien vu pour donner une coloration propre à chaque trilogie. Une singularité à chacune. Je me suis ensuite laissée embarquée, réjouie et convaincue par ces différences.
C'est par ailleurs une lecture qui fait réfléchir et qui ouvre de nombreuses pistes de réflexions sur la gestion d'une ville, sur le colonialisme, sur l'éducation, sur les inégalités sociales, sur l'ouverture et le progressisme intellectuel, sur le rôle et la place des femmes dans la société (Dehaven est une ville matriarcale contrairement à Gemina), sur l'émancipation des êtres face à leur destin, sur les rapports de domination au sein d'une collectivité.


Le tome 1 de Capitale du Nord « Citadins de demain », est très complémentaire au tome 1 de Capitale du Sud « le sang de la Cité », tant dans le fond que dans la forme. Ces deux textes très différents forment étonnamment un ensemble harmonieux et cohérent. A la poésie et la sensorialité de l'un, répond le style soigné, épuré et fluide de l'autre. A la gourmandise de l'un, l'idée de la gourmandise de l'autre. Ces deux tomes sont très prometteurs pour le reste du cycle urbain de la Tour de garde. Ce sont des récits que même les non férus de fantasy, dont je fais partie, peuvent apprécier, et qui soulèvent d'intéressantes et riches questions sociétales. Un cycle à poursuivre, assurément !
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Que c'est bien écrit. Même très bien écrit. Trop peut-être au point d'être légèrement indigeste ?

Dans ce tome introductif de la deuxième trilogie de la saga La Tour de garde, écrite à quatre mains, un auteur pour chaque trilogie, la lenteur s'empare du récit pour ne la quitter seulement les cent dernières pages. Mais attention, la lenteur peut être un délice quand la plume étreint le lecteur et l'immerge avec délicatesse dans un nouvel univers. Ou bien dans la tête d'un personnage. Et là est le paradoxe. L'écriture qui m'a paru lourde, pompeuse, s'avère être tout simplement adaptée au personnage principal, Amalia, une jeune femme appartenant à l'élite de son pays. C'est elle qui nous raconte son histoire avec le registre approprié à son rang dans la société décrite. Et Amalia, elle peut se montrer...franchement pénible avec sa condescendance et sa prétention de petite princesse ! Pourtant, elle est fascinante!

Qu'en conclure alors ? Que Claire Duvivier parvient néanmoins, avec un son style rigoureux, conceptuel, maîtrisé et intimiste, à déployer un univers complexe, certes austère, mais qui s'habille progressivement de mystère. L'intrigue et les personnages se mêlent à une profonde réflexion sur l'éducation et les élites nobles et bourgeoises. le tout manque cependant, à mon goût, d'un brin de fantaisie et de poésie. Mais quel final ! Brutal et explosif !

Je lirai donc la suite, avec curiosité et davantage d'émotion je l'espère. Veuillez me pardonner le caractère "pompeux" de ma chronique,mais que voulez-vous, je ne suis qu'un humain...avec son cortège de contradictions !

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Entreprise de fantasy ambitieuse à la française, le cycle de la Tour de Garde entrelace deux trilogies dans le même univers mais écrit par deux auteurs différents. D'un côté, Guillaume Chamanadjian et sa Capitale du Sud (Gemina), de l'autre Claire Duvivier et sa Capitale du Nord (Dehaven).
Après une première incursion en avril dernier en compagnie de Nox, voici cette fois que nous arrive Amalia, jeune héroïne de Citadins de Demain, premier volume de la trilogie prenant place dans la Capitale du Nord, Dehaven.
Aux manettes, Claire Duvivier que l'on a découvert chez le même éditeur avec le sublime Un Long Voyage. Inutile de dire que l'on attendait beaucoup de ce nouveau roman toujours superbement illustré par Elena Vieillard.
Mais qu'en est-il vraiment ?

Former la jeunesse
S'éloignant de la tentaculaire cité de Gemina, Claire Duvivier nous fait découvrir une autre ville portuaire avec Dehaven. Première différence avec sa cousine du Sud, Dehaven n'est pas divisée entre maisons nobles, ou du moins de manière bien moins ostentatoire que pour Gemina. Pas de système à la Game of Thrones ici mais un monde plus classique et certainement moins excitant de prime abord. Claire Duvivier nous présente un trio de personnages avec Hirion, héritier de la famille de Wautier, Amalia, héritière de la famille van Esqwill et Yonas, roturier destiné à prendre la suite de son père à la tête de l'écluse.
Deux nobles pour un petit bourgeois, deux mondes qui pourtant se côtoient grâce aux idées progressistes de la famille van Esqwill qui tient à enseigner à leurs enfants la plus large palette de connaissances pour en faire de véritables « citadins de demain ». C'est ainsi que dans leur grande mansuétude, Yonas bénéficie quasiment des mêmes largesse qu'Amalia et son meilleur ami, Hirion.
Les années passant, les enfants grandissent et entrent dans l'âge adulte, découvrent les interdits et les problèmes d'une vie compliquée dans une cité en proie aux dissensions politiques, notamment autour de la question épineuse des Colonies qui n'en finissent pas d'attiser les convoitises des uns et des autres. En parallèle de l'apprentissage de la vie d'adultes, les jeunes trublions vont finir par découvrir d'étranges possibles alors qu'Hirion, fasciné par le mystère et les légendes — choses que leurs parents ont toujours refusé de leur enseigner — découvrent une cité par-delà le miroir : Nevahed.
Une ville antérieure à la leur ? Une projection du futur ? Une réalité parallèle ?
Alors que l'exploration de Nevahed commence, les évènements se bousculent dans la vie d'Amalia qui nous raconte le sinistre chemin emprunté par son ami Hirion …
Nous le savons depuis Un Long Voyage, Claire Duvivier n'aime pas le spectaculaire et le clinquant. Elle préfère s'attarder sur l'intime et les relations qui se nouent entre les personnages, tricotant une humanité poignante entre les lignes, dévoilant du bout des lèvres les secrets les plus profondément enterrés de ses personnages. Citadins de demain renouvelle l'expérience de son précédent roman tout en mêlant l'intime de ses protagonistes aux évènements politiques qui entourent ce joyeux petit monde.

L'attrait des légendes
Là où Guillaume Chamanadjian affrontait son récit avec des artifices narratifs plus classiques, jouant sur les rivalités entre maisons nobles, dégainant régulièrement l'épée et offrant à sa ville un caractère fort, Claire Duvivier délaisse un tantinet ce côté pour se concentrer sur les états d'âme de la jeune Amalia et sur l'influence des évènements extérieurs sur la relation entre elle et son futur promis, Hirion. Claire Duvivier tisse avec lenteur l'histoire de ces jeunes privilégiés, esquive les évidences et dissémine les indices sur nombre de penchants et de rumeurs entourant tantôt Hirion tantôt Yonas.
Dehaven, même si elle manque certainement de la fantaisie de Gemina, devient un terrain de jeu parfait pour une intrigue fondée sur les sentiments et sur les renversements, entre fiançailles d'intérêt, sacrifices parentaux et folles espérances pour l'avenir. Ce qui intéresse Claire Duvivier, ce sont les coups qui pleuvent sur la tête de ce trio pourtant promis à un grand avenir et comment ils y font face… ou pas, accablés par certaines blessures, certains non-dits.
Amalia a pour elle l'intelligence et le réalisme tandis qu'Hirion n'arrive pas à se dépêtrer de la souffrance qui le ronge lui et sa famille devant la maladie qui affecte sa soeur, Delhia. C'est d'ailleurs cette blessure qui le pousse à chercher des chemins de traverse, fasciné par les légendes et par le surnaturel.
Hirion va finir par déterrer des artefacts qu'il ne comprend pas tout à fait et jouer avec des forces qui le dépasse largement. Claire Duvivier, comme à son habitude, distille le fantastique dans son récit et n'y saute pas à pied joints comme Nox le fait dans sa propre histoire à Gemina. le côté surnaturel n'est ici qu'entraperçu, la plupart du temps en regardant au-delà d'un miroir, cherchant un Lapin Blanc pour pénétrer dans Nevahed, cette ville-reflet de Dehaven que l'on soupçonne emplit de terreur. Entre les lignes, Citadins de demain parle également de l'autre, qu'il soit dans les colonies, exploité sans vergogne et finissant par se révolter, ou qu'il soit roturier, syctes, éclusier, tous ces petites gens que, finalement, Hirion et Amalia ne connaissent qu'en surface. Et puis pour compléter le trio, on trouve Yonas, un pied dans chaque monde, celui des nobles et celui du peuple, qui connaît les légendes et l'utilité de leur morale et qui connaît le fardeau de la responsabilité, du pouvoir, aussi limité soit-il pour lui.

Que ferons-nous du changement ?
Bien sûr, Citadins de demain propose pas mal de connections avec le Sang de la cité. On y mentionne plusieurs fois Gemina, on y retrouve la fameux jeu de stratégie de la Tour de Garde, on y perçoit des échos d'évènements funestes qui causent mort et malheur. Mais là où le Sang de la cité semble davantage se concentrer sur un jeu de pouvoirs et sur un fantastique évident, Citadins de demain s'avère plus feutré, plus proche d'un récit de littérature générale avec une ambition différente mais pas moins fascinante, au contraire même.
Claire Duvivier s'interroge sur l'éducation et ses buts, sur la connaissance des matières qui ne sont pas « nobles », sur l'influence du fantastique sur le réel, sur la condition d'une femme dans un monde qui change et où d'autres femmes lui ont ouvert la voie, montrant que les positions de pouvoir ne sont pas réservées qu'aux seuls hommes. Au fond pourtant, la question n'est pas tant sur le plan du genre que sur celui du pouvoir. Pourquoi changer et éduquer différemment si c'est pour conserver un statu quo social ?
Citadins de demain jette de nombreuses pistes de réflexion, sur le colonialisme, sur le progressisme intellectuel et sur la fragilité d'une société inégalitaire.
Mais surtout, Citadins de demain parvient à suggérer, à jouer avec les non-dits et les tabous pour sous-entendre que même dans les milieux les plus progressistes de Dehaven, le chemin sera encore long pour faire bouger réellement les lignes…

Essai transformé pour Claire Duvivier avec cette première histoire prometteuse autour de Dehaven et de ces trois personnages attachants et émouvants confrontés à une société en pleine mutation. Citadins de demain renoue avec cette veine intimiste qui sied si bien à l'écriture de son autrice pour nous emmener sur ces terres rudes où l'âge adulte vient chasser les restes de l'enfance.

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Autant l'avouer de suite, Dehaven la Capitale du Nord m'a beaucoup moins envoûtée que Gemina la Capitale du Sud.
Peut être parce que Gemina a des allures plus féodales et que Dehaven, avec son port de commerce et ses aristocrates portés sur le bien-fondé de la science au détriment du magique se fait bien plus progressiste.
Mais, il n'y a pas que cela, je crois.

Si les personnages principaux m'ont bien plu, j'ai eu tout de même plus de mal à les suivre dans leurs aventures. A vrai dire, j'ai eu un peu de mal à comprendre leurs faits et gestes. Ici, tout est effleuré. Rien n'est vraiment dit clairement et cela m'a perturbé. Les relations entre les personnages restent un peu nébuleuses et j'ai eu souvent l'impression qu'il me manquait un certain nombre d'éléments pour bien comprendre l'histoire et les réactions de certains personnages.
Le voile sera peut être levé dans les deux tomes suivants... à voir.

J'enchaîne d'ailleurs directement avec la suite de Capitale du Nord afin de mieux saisir les allusions à ce qu'il s'est passé dans le premier. Déjà que je m'y perds alors si je laisse passer trop de temps, j'ai bien peur de tout oublier.

Ceci dit, j'aime beaucoup le mystère qui entoure les deux villes. On sent bien qu'il y a là une intrigue commune et c'est ce qui le charme de ces deux trilogies.


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Des enfants élevés dans un but scientifique. Pas d'histoires ni de récits. Que des faits, prouvés, vérifiés. Voici l'éducation proposée aux quatre fils et filles de deux familles de la haute noblesse de Dehaven, capitale du Nord. Fruits d'une expérience promettant des êtres supérieurs, elle se solde, bien évidemment, par des échecs, plus ou moins graves selon les individus. La narratrice, Amalia van Esqwill semble la moins touchée. Cela ne l'empêche pas de se retrouver au centre d'un maelström de plus en plus puissant, qui va entraîner la cité entière. Et plus encore, peut-être ?

Et l'on découvre donc l'existence de cette jeune fille et de son meilleur ami et comparse d'expérience, Hirion de Wautier. Les deux autres enfants n'ont qu'un rôle mineur : la première, Delhia, soeur d'Hirion, a perdu l'esprit et ne parvient même plus à communiquer avec les autres ; le second, demi-frère d'Amalia, est parti faire carrière militaire et ne reviendra qu'au milieu du roman. Pour éviter le tête-à-tête, Claire Duvivier adjoint à cette paire Yonas, simple roturier, mais meilleur ami du couple aristocrate. Elle est assez banale en fait. Et cette mise en place des personnages m'a semblé un peu longue. Il faut le temps d'installer tout le monde : les personnages principaux, leur entourage, la ville et sa structure (et on sait combien la ville est importante, quand on a lu le Sang de la cité de Guillaume Chamanadjian ; même si Claire Duvivier n'utilise pas ce ressort de la même façon, ne serait-ce que parce que Dehaven, la capitale du Nord, est bien moins vertigineuse que Gemina, la capitale du Sud). Et ensuite, seulement ensuite, l'action démarre vraiment.

Peut-être ce sentiment de lenteur est-il également dû à moi. On sait bien que le lecteur apporte beaucoup à un livre et je n'étais peut-être pas suffisamment disponible. En tout cas, ce sentiment a vite été effacé quand l'action s'est lancée. Car Hirion, malgré une éducation de scientifique, fait des expériences faisant appel au surnaturel. Il « envoûte » des objets. Et cela fonctionne. Trois objets, trois pouvoirs. Dont, pour le miroir, celui de laisser apercevoir une autre ville, que les jeunes gens surnomment Nevahed, la ville-miroir. Cette dernière fait penser, indiscutablement, à cette ville parallèle dans laquelle se rend Nox, le héros du Sang de la cité. Elle est déserte, quasiment sans végétation, vaste, inquiétante. Et elle induit des effets qui se font sentir peu à peu, délétères. L'irruption de ce côté fantastique est fort bien réussie : dans ce cas, le rythme m'a paru idéal, faisant progresser, sans précipitation, le malaise. Quelques signes avant-coureurs, un ou deux indices, et le drame qui se noue, brutal, violent. Une réussite.

Citadins de demain est donc le premier tome de « Capitale du Nord », deuxième partie de la double trilogie initiée par Guillaume Chamanadjian avec le Sang de la cité, premier tome de la trilogie « Capitale du Sud », paru en début d'année. Comme le précise David Meulemans, le directeur de la maison d'édition Aux forges de Vulcain, s'embarquer dans cette série de six volumes au total n'est pas un pari en l'air. En effet, à la différence de certains cycles en cours d'écriture, « au moment où les Forges se sont engagées dans cette aventure, les six volumes étaient déjà écrits : je savais donc que la série avait une fin, que les volumes allaient crescendo ». Et pour le lecteur aussi, c'est rassurant. Rassurant de savoir que l'histoire a une fin (on peut penser à « Game of Thrones » dont les aficionados sont plus ou moins en deuil, tant George R.R. Martin semble être passé à autre chose). Rassurant de savoir que l'histoire a un arc défini, avec une cohérence pensée. Rassurant enfin de savoir que cela va aller crescendo car, comme je l'ai écrit plus haut, j'ai trouvé que ce roman de Claire Duvivier mettait du temps à démarrer. Mais que quand l'action était enclenchée, le rythme était trépidant.
David Meulemans a, selon moi, placé sa confiance au bon endroit, lui qui se dit « confiant : je crois que personne d'autre qu'eux deux n'aurait pu entreprendre cela. » Autrement dit, écrire une série pour les amateurs de fantasy, mais aussi pour les autres, ceux que les éditeurs de littérature de l'imaginaire cherchent à attirer, enfin, dans leur filet, ces lecteurs occasionnels que les mots « science-fiction » ou « fantasy » rebutent et font fuir en courant. Alors que parfois, ils en lisent sans réellement se l'avouer, tant les éditeurs généralistes en publient, en douce, sans trop le dire. Ne serait-ce que, secret de polichinelle, le prix Goncourt De l'année, L'Anomalie d'Hervé le Tellier. En tout cas, David Meulemans fait confiance à Guillaume Chamanadjian et Claire Duvivier pour cela : « Il y a dans cette série une ambition chez ces deux auteurs, de ne pas écrire pour les happy few, les vieux routards de l'imaginaire, mais d'écrire une vraie oeuvre grand public - ce qui n'est pas aisé car, écrire pour toutes et tous, tout en restant ambitieux, c'est extrêmement difficile. » Et c'est parfaitement réussi. Même un vieux lecteur de SFFF comme moi a trouvé du plaisir dans cette histoire. Car, malgré mes réserves, le bilan est tout à fait positif.

J'ai aimé découvrir le destin de la jeune Amalia, cobaye des idées révolutionnaires de ses parents, apprentis sorciers maladroits et inconscients. J'ai aimé cette ville où les tensions gagnent du terrain malgré la volonté des habitants de sauvegarder les apparences. J'ai aimé l'irruption du surnaturel et du double de Dehaven, en me demandant bien où tout cela va nous mener. Et j'ai vraiment hâte de lire la suite de ces deux histoires, espérant qu'elles vont trouver un point commun plus fort que les bribes entraperçues jusque-là. Vivement avril et octobre 2022 !
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Une saga fantasy qui me tentait depuis longtemps et l'occasion s'est présentée via NetGalley ! Après l'avoir commencé j'ai vu qu'il était préférable de lire les volumes dans l'ordre de parution donc que celui-ci est le second du Cycle de la Tour de Garde !

Dehaven est la Capitale du nord, identique dans l'esprit aux villes de la Ligue Hanséatique où le commerce est est roi. C'est une ville portuaire tirée au cordeau, prospère grâce à l'exploitation des colonies et où les strates sociales sont préservées.

Amalia est de haute naissance et c'est par elle que nous allons découvrir Dehaven et ses habitants. Ses compagnons d'études sont Hirion, de même classe sociale et Yonas, fils d'éclusier, qui les a rejoints car le père de l'une est redevable au père de l'autre.

Amalia est intelligente et pragmatique et de fait plutôt rigide, leur éducation éludant les histoires, contes et légendes, ne considérant comme profitables que les faits avérés ! Yonas leur apporte cette liberté d'imagination donnée par la fiction. Ils sont éduqués de façon à devenir les citadins de demain, but affirmé de parents trop idéalistes et peu au fait des évolutions humaines.

Petit à petit Hirion est aspiré vers une magie ancienne en cherchant des solutions pour les problèmes qui se présentent et découvre une cité miroir.

Malgré tout l'intérêt que j'ai éprouvé pour l'histoire et en sachant qu'il fallait prendre le temps de présenter les personnages et le contexte, j'ai trouvé quelques longueurs qui, combinées à un langage soutenu à la formulation parfois obscure, m'ont un peu lassée !

J'aurais apprécié une plume un peu plus nerveuse tout au long du déroulé et non pas une précipitation sur les dernières pages. J'ai eu l'impression que des sujets, certes à priori secondaires, avaient été écartés un peu rapidement.

J'ai très envie de savoir comment les choses vont se poursuivre et je vais devoir lire le tome 1 de Capitale du Sud avant de poursuivre plus avant.

#Citadinsdedemain #NetGalleyFrance #rentreelitteraire2023

Challenge Féminin 2022/2023
Lecture Polar Thématique octobre 2023 : de l'eau sur la couverture
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Issus de l'aristocratie de Dehaven, cité de la raison, de la rigueur, du sang noble qui doit rester le plus pur possible, Amalia et Hirion, accompagnés de Yonas, au contraire issu de la roture, mais lié à la famille d'Amalia pour une raison qui nous sera expliquée au fil du récit, sont les citadins de demain. Ils sont de jeunes gens, au crépuscule de leur adolescence, qui ont été éduqués d'une nouvelle manière, dans davantage de réflexion, de libre arbitre, d'esprit critique, pour que la cité elle-même parvienne, enfin, à se renouveler.

Mais lorsque Hirion se sert de cette éducation pour s'initier à des arcanes beaucoup plus transgressives, qui plus est à Dehaven, l'existence de nos citadins de demain, et de leur entourage, s'en trouve bouleversé. Dans le même temps, les colonies de la cité se rebellent, et la conscience, dans l'esprit des aristocrates, qu'une guerre risque de poindre, ne vient que renforcer l'idée de chaos ambiant qui commence, elle aussi, à poindre, à travers tous ces évènements.

Je n'ai que peu de souvenirs du premier tome de Capitale du Sud, qui est le pendant de ce premier tome de Capitale du Nord, trilogies écrites et publiées à quelques mois d'intervalle par Guillaume Chamanadjian pour l'une, et Claire Duvivier pour l'autre : ce n'est pas que je n'avais pas apprécié, c'est juste que j'étais dans une période où ma mémoire faisait un peu trop le gruyère - merci COVID. Je serai donc bien incapable de faire un parallèle pertinent entre les deux tomes préliminaires, je ne m'intéresserai donc qu'à celui de Claire Duvivier, pour l'instant.

Comme pour Un long voyage, qui avait été pour moi une sacrée découverte, l'autrice, sous un abord très classique, nous mène vers une intrigue à laquelle l'on ne s'attend pas forcément. En effet, les ruptures dans l'harmonie de la cité, tant à ses portes qu'en son sein, progressives, troublantes, tant pour les protagonistes que pour les lecteurs, nous entraînent dans une aventure envoûtante - même si j'ai trouvé les dialogues parfois trop artificiels -, des premiers mots de notre narratrice, Amalia, qui nous dresse un portrait riche de Dehaven, de son fonctionnement, des familles qui y sont centrales, la sienne comprise, de ses compagnons ... au terrible dénouement qui vient conclure le récit, et qui m'a affreusement envie de lire la suite sous peu...

Mais je vais d'abord relire le premier tome de Capitale du Sud, pour me consacrer au second tome de cette même trilogie, et ainsi suivre l'ordre de publication. L'attente sera longue avant d'en arriver au second tome de la seconde trilogie !
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Après une entrée fracassante sur la scène de l'imaginaire français avec son premier roman « Un long voyage », Claire Duvivier signe en cette fin d'année un nouvel ouvrage, premier tome d'une trilogie elle-même amenée à s'inscrire dans une série plus vaste. Écrite en collaboration avec Guillaume Chamanadjian, « La tour de garde » a en effet vocation à rassembler dans un univers commun deux trilogies consacrées chacune à une cité phare de ce monde de fantasy : Gemina, la capitale du Sud, dans le cas de Chamanadjian, et Dehaven, la capitale du nord, dans celui de Claire Duvivier. Après avoir laissé son compagnon d'écriture inaugurer la série avec « Le sang de la cité » en début d'année (récompensé récemment par le Prix Imaginaire de la 25e Heure du Mans), c'est désormais au tour de l'autrice de livrer le premier tome de son histoire qui, si elle ne nécessite absolument pas d'avoir lu l'introduction à « Capitale du sud », n'en demeure pas moins étroitement liée à aux événements se déroulant parallèlement à Gemina. On change toutefois totalement d'ambiance, quittant une ville fortement inspirée des cités italiennes de la Renaissance pour débarquer dans une capitale plutôt d'inspiration nordique, type Amsterdam. Là, le lecteur fait connaissance avec une nouvelle héroïne, Amalia van Esqwill, jeune fille originaire d'une famille noble pour laquelle les parents ont misé sur une éducation plutôt originale, à base d'expérimentations concrètes et de liberté plutôt que de théories et d'isolement. Inséparable de ses deux compagnons d'étude avec lesquels elle a passé son enfance (un autre noble et un roturier repéré par les van Esqwill car particulièrement vif d'esprit et dont la famille a su se montrer utile), la jeune fille se retrouve de plus en plus tiraillée entre la philosophie émancipatrice inculquée durant ses études et les contraintes de plus en plus fortes liées à son rang d'héritière de l'une des familles les plus aisées de la capitale. D'autant qu'une série d'incidents laissent à penser que celle-ci s'apprête à connaître un nouveau bouleversement qui risque de mettre à mal la stabilité de ce paisible et prospère comptoir commercial.

Si l'ambiance de ce premier tome de « Capitale du nord » n'a rien à voir avec celle du « Sang de la cité », on retrouve tout de même un certain nombre de similitudes qui témoignent de la volonté des deux auteurs de livrer deux trilogies complémentaires formant un tout harmonisé. Outre la jeunesse du héros ou de l'héroïne (tous deux ne sont pas encore tout à fait sortis de l'adolescence) et le trio amical qu'il/elle forme avec deux autres compagnons, on retrouve plus ou moins la même construction narrative, avec notamment une grosse première moitié consacrée à la déambulation des personnages dans la cité dont on se familiarise ainsi avec le découpage des quartiers, les spécialités culinaires ou encore les règles tacites ayant cours dans les espaces publics et qui nous instruisent souvent sur l'histoire et les évolutions politiques au sein de la cité. Loin de se révéler ennuyeuse, cette phase permet au contraire une immersion en profondeur du lecteur dont la curiosité n'en est que plus titillée lorsqu'arrive la seconde partie de l'histoire, plus rythmée et bien plus inattendue. Comme dans le roman de Chamanadjian, le point de bascule est lui aussi lié à la découverte d'un objet en apparence anodin mais qui va faire basculer le récit dans le surnaturel (un livre dans le cas de Nox, un miroir dans celui d'Amalia et ses amis). Et c'est là qu'il devient intéressant (mais néanmoins non indispensable) d'avoir en tête l'intrigue du roman précédent puisqu'on retrouve à nouveau des similitudes entre les expériences vécues par nos héros dans cette sorte de cité parallèle à la leur dont ils ne parviennent pas encore à comprendre tout à fait l'origine ou le fonctionnement. Des considérations d'ordre plus politiques viennent également s'inviter dans l'intrigue de cette seconde moitié et font apparaître un certain nombre de failles dans l'apparente unité affichée par les habitants qui ne vont en fait pas tarder à se diviser sur une question déterminante pour l'avenir de la cité (le percement d'un canal dans le cas de Gemina, la gestion coloniale dans celui de Dehaven).

Les thématiques traitées, elle aussi, se ressemblent, avec notamment une volonté de mettre en lumière les rapports de domination s'exerçant au sein des deux cités entre les différents groupes sociaux qui la composent (un aspect déjà bien présent dans le précédent roman de l'autrice). Ainsi, notre héroïne aura l'occasion d'être confrontée à plusieurs reprises à des contradictions entre les discours officiels véhiculés sur la disparition de la noblesse et de leurs privilèges, et plusieurs événements qui vont mettre en lumière la perpétuation d'un ordre social ancestral. le sujet est notamment abordé par le biais du personnage de Yonas, le jeune roturier ayant eu l'opportunité d'étudier en compagnie d'Amalia et Hirion, mais dont les perspectives d'avenir sont bien moins reluisantes, de même que par les tensions qui commencent à naître entre les officiels de la cité et les représentants de leurs colonies, ou bien entre les membres de la ligue de commerce et les travailleurs des docks. le roman tourne tout de même beaucoup autour des rapports entretenus entre notre jeune trio dont les membres sont tous aussi attachants les uns que les autres, à commencer par Amalia, jeune fille intelligente et avec la tête sur les épaules mais néanmoins désireuse d'échapper aux conventions propres aux personnes de son rang et qui ne rechigne jamais à faire son autocritique. Les autres personnages sont moins élaborés mais tous aussi réussis, qu'il s'agisse des parents de la jeune fille, de son demi-frère ou encore des autres femmes de son entourage. On constate d'ailleurs que ces dernières occupent un rôle important dans la cité, à égalité avec les hommes, et qu'elles ne sont pas contraintes par les mêmes règles qu'à Gemina, beaucoup plus classique sur la répartition genrée des rôles (la mère et la grand-mère d'Amalia occupent par exemple une position influente au sein de la cité, quand les hommes de la famille se livrent davantage à l'oisiveté, tandis que les questions relatives au sexe ou aux relations hors mariage paraissent moins tabous).

Il est également intéressant de parler du style de Claire Duvivier qui se révèle aussi soigné et fluide que dans « Un long voyage », avec tout de même une petite particularité, à laquelle on s'habitue bien vite : la majorité des personnages s'expriment au passé simple, chose dont on a peu l'habitude mais qui a malgré tout du sens puisqu'on a essentiellement affaire ici à des jeunes issus de la noblesse et qu'il est donc peu étonnant de les voir utiliser un registre de langue plus soutenu. On accepte d'ailleurs d'autant plus facilement ce formalisme dans la plupart des échanges que nos héros (et Amalia notamment) ne se privent pas par moment d'employer un vocabulaire beaucoup plus familier, voire ordurier, ce qui tranche agréablement avec la retenu et l'élégance qui priment d'ordinaire (on passe en effet de temps à autre de « lorsque nous nous rendîmes à... » ou « vous fûtes... » « à « connard » ou « petite merde »). La vivacité d'esprit dont font preuve les trois personnages (et qui les pousse régulièrement à remettre en question les enseignements de leurs tuteurs) ainsi que les taquineries auxquelles ils se livrent régulièrement participent également à rompre avec l'apparence de froideur induite par l'utilisation du registre soutenu. Un mot, pour terminer sur la conclusion de ce premier tome qui se termine par une scène ahurissante laissant le lecteur sidéré et profondément frustré de ne pas avoir aussitôt la suite à se mettre sous la dent. En attendant la parution de « Que crèvent les geais » (prévue pour octobre 2022), on pourra heureusement se rabattre sur le deuxième tome de « Capitale du sud » de Guillaume Chamanadjian, (« Trois lucioles ») annoncé, lui, pour le printemps 2022. Car, quand bien même on y retrouvera certainement pas l'héroïne de Claire Duvivier, il est à parier que les événements qui viennent d'avoir lieu à Dehaven ne manqueront pas d'avoir des répercussions à Gemina, de même qu'il se pourrait qu'on recroise une tête connue ou deux (plusieurs personnages sont en effet évoqués dans les deux trilogies). Espérons en tout cas que chacune des suites apportera quelques réponses aux mystères astucieusement évoqués dans les deux tomes introductifs de cet univers dont le nom provient d'un jeu (la tour de garde) pour le moment évoqué de façon assez marginale mais qui devrait nous livrer quantité d'enseignements par la suite.

Après un premier voyage alléchant organisé par Guillaume Chamanadjian dans la capitale du sud de l'univers de « La Tour de garde », Claire Duvier nous offre une promenade toute aussi captivante dans Dehaven, l'équivalent nordique de Gemina. Porté par une plume élégante et évoluant selon un rythme allant crescendo, le roman séduit aussi bien par la qualité de son intrigue que par celle de son décor, même si ce sont surtout les personnages qui tirent leur épingle du jeu, à commencer par l'attachante Amalia, qui nous sert ici de guide. Inutile de préciser que j'attends la suite avec beaucoup d'impatience !
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Après Un long voyage, Claire Duvivier propose en octobre 2021 un projet d'écriture et d'édition peu commun avec Citadins de demain le premier tome d'une nouvelle trilogie de fantasy chez Aux Forges de Vulcain.

L'autre versant de la Tour de Garde
Citadins de demain est le 1er tome de la trilogie Capitale du Nord, centrée sur Dehaven, métropole fictive ressemblant à l'Amsterdam du siècle d'or néerlandais (en parallèle de Capitale du Sud, trilogie de Guillaume Chamanadjian se déroulant à Gemina). Nous y suivons Amalia, aristocrate bien née censée être une « citadine de demain », c'est-à-dire ayant reçu par ses parents et quelques amis d'ancienne noblesse une éducation plus progressiste, fondée sur la Raison et portée sur les sciences. Jeune femme conditionnée, Amalia a pourtant tout loisir de découvrir sa cité et de peaufiner sa connaissance du port où ses parents dirigent une grande compagnie de fret vers les colonies : elle doit comprendre son monde dans ses contradictions et déjouer ses propres clichés de genre et de classe. Cette histoire est le pendant féminin et septentrional de l'autre roman de cet univers partagé de la Tour de Garde, le Sang de la Cité qui a un protagoniste masculin et un lieu méridional comme sujets.

Lutte des classes au pays du Progrès
Amalia est confrontée aux paradoxes du régime qui soutient le pouvoir aristocratique. Ce sont les anciens nobles qui monopolisent les places au Conseil. Si les femmes ont du pouvoir, Amalia doit encore s'affranchir des codes conjugaux quand le mariage s'annonce. La relation entre Dehaven et ses colonies se tend aussi à mesure que les intérêts commerciaux augmentent. Ces paradoxes culminent dans la relation qu'elle a avec ses proches amis : l'aristocrate Hirion issu d'une famille marquée par les tragédies et le roturier Yonas dont la famille prospère avec une écluse rentable. Ce tome reste encore assez calme, mais dépeint une cité pleine de promesses qui tend à l'action, voire à la folie de ses personnages quand survient un élément surnaturel : un miroir montrant une cité parallèle, vide mais flamboyante.

Un brin de fantasy
Le double avantage de ce roman de fantasy de Claire Duvivier est que son écriture légère (malgré quelques particularités comme l'usage bienvenu du passé simple dans les dialogues) et l'introduction fine d'éléments magiques. Cela rend le monde de Citadins de demain finalement extrêmement abordable : les événements s'y succèdent avec une certaine joie de vivre jusqu'à la fin et les artefacts que découvrent les trois protagonistes servent avant tout à découvrir, très parcimonieusement, le revers du succès de Dehaven, cité de commerce et d'intrigue. L'ensemble reste un premier tome, donc introductif, car les mystères ne font qu'être esquissés, nous laissant un bon gros suspens à la toute fin.

Ces Citadins de demain sont donc des personnages attachants car humains, profonds et servis par une écriture de qualité. Hâte d'en lire la suite !

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Après avoir découvert Capitale du Sud, il était forcé que j'aille jeter à oeil à son siamois qui se déroulait dans le Nord avec des héros ayant la même passion pour ce jeu inspiré des jeux de plateau : La Tour de Garde. L'expérience fut à nouveau très agréable quoique différente et peut-être un peu plus légère, jeunesse même dans un premier temps, avant que le mystère s'empare à nouveau de mois.

Avant ce roman, de Claire Duvivier je ne connaissais que Un long voyage, un roman qui a notamment remporté le prix Elbakin.net et qui doit arriver en poche d'ici sous peu, mais que je n'ai pas encore découvert. C'est à travers son deuxième roman que voilà que je découvre sa plume simple et fraîche, franche et sans chichi, qui colle à merveille à l'univers de la cité-état de Dehaven, une ville commerçante gouvernée par la raison, qui se retrouve à l'extrémité nord du continent, à l'opposé donc de la Gemina de Nox, qui était une ville tentaculaire, berceau de mythes et poésie. Qu'est-ce qui les relie ? La passion de leurs habitant pour La Tour de Garde dans lequel les deux joueurs s'affrontent en duel jusqu'à détruire la ville de l'autre, un thème singulier vu le concept de cette double saga à quatre mains.

Ici, pas de jeune homme mystérieux qui déambulent dans les quartiers mal famés de la ville et va suivre une carrière d'assassin, non à la place nous suivons un trio d'amis issus des familles les plus côtées de la ville, des amis qui aiment fureter sur le port, mais qui suivent surtout de nombreux cours pour forger leur esprit affûté pour devenir demain des citoyens qui offriront un nouveau modèle de raison pure.

Les premiers temps sont enjoués, on découvre la ville et ses mécanismes en déambulant sans souci dans celle-ci aux côtés de nos jeunes héros. le ton est léger, entraînant, prompt aux chamailleries et gentilles moqueries aussi. On découvre tranquille les relations qui lient chacune des familles, leur place dans cette société toujours très hiérarchisée et placée sous le joug du commerce. On fait le lien avec l'histoire de Guillaume Chamanadjian en la personne de Yonas, issu de la famille Russmor, dont l'oncle Carl s'est rendu à Gemina pour le grand projet de construction qui les y occupe. Les pages se tournent s'en qu'on s'en rendent compte.

On suit nos héros dans les plans mis en place par leurs familles pour les lier, à savoir un mariage arrangé entre les deux plus riches d'entre eux. Rien de surprenant. On cherche un peu la magie et la fantaisie ici. Mais celle-ci débarque un jour au détour d'un miroir magique qui permet de voir une ville très différente, quand le fiancée d'Amalia Hirion, décide de défier l'éducation raisonnée qu'il a reçue, pour lancer un sortilège oublié. Même si ça n'a pas le panache et l'angoisse du Sang de la cité, c'est fascinant de voir peu à peu leur monde glisser et basculer. L'autrice couple les contraintes de leur monde qui obligent Amalia à passer trop vite de l'adolescence à l'âge adulte à l'introduction de la magie qui transforme aussi son monde et surtout son fiancé qui peu à peu glisse vers ce nouveau monde à travers le miroir, en faisant une obsession qui l'accapare tellement qu'on ne le reconnaît plus et qu'on le soupçonne d'avoir perdu la tête comme sa soeur. C'est fascinant.

Si j'ai trouvé le début un peu facile malgré son côté entraînant, j'ai beaucoup aimé l'introduction progressive d'un univers plus complexe fait de contraintes dues à leur statut d'enfants de riches et de mystère au sein de cette magie oubliée qui ressurgit. J'ai aimé voir ce qui unit les trois amis, cette relation hors de toute contrainte sociale ou genrée, on en ressent une grande liberté et c'est lumineux de voir des parents offrir une éducation aussi libre à leurs enfants dans le cadre très corseté pourtant où ils vivent. Mais j'ai encore plus aimé quand la magie s'en mêle. Suivre les héros dans la ville avec leur miroir pour cartographier cette autre ville qu'on ne voit pas est fascinant et entraînant. Comme dans le volet de Guillaume Chamanadjian, j'ai eu le sentiment de me retrouver par moment dans un récit de Robin Hobb, plus précisément dans Les cités des anciens cette fois. On y retrouve le même voile de mystère et la même absence de réponse pour le moment.

Alors certes, le récit de Claire Duvivier avait un air plus jeunesse que celui de Guillaume Chamanadjian qui était d'emblée plus sombre et complexe, mais le glissement vers un univers plus fantastique s'est fait avec la même élégance et le même mystère entêtant. Il y a quelque chose de fascinant dans la façon dont chacun des héros à l'autre bout du continent l'un de l'autre tombe à sa façon sur les reliquats d'une civilisation passée ou future qu'on ne peut voir à l'oeil nu mais qui cohabite bien avec eux sans que personne ne le sache, une révélation qui va changer radicalement la vie des héros et les héros eux-mêmes. Comme chez Guillaume, Claire offre un final explosif avec une scène inattendue, dramatique, qui rebat toutes les cartes et risque de nous plonger encore plus dans le drame. J'ai beaucoup aimé !
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