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3,52

sur 682 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le style Echenoz, c'est de la haute couture, du cousu main. Et l'on sent qu'il pourrait raconter n'importe quoi sur n'importe quel sujet, le résultat serait identique. (Il le dit lui même : « l'intrigue est un mal nécessaire »)
Et ce n'est pas n'importe quoi : mettant de côté les biographies innovantes, Echenoz renoue avec l'espionnage comme dans Cherokee ou Lac.
Un général sur la touche qui souhaite finir en beauté, des petites frappes décérébrées, un avocat véreux et un artiste à la Patrick Fernandez (un seul titre et c'est la retraite nantie) gravitent autour d'une jeune femme d'une constance (bon sang mais c'est bien sûr, c'est en l'écrivant que je n'en rends compte : constance, c'est son prénom!) parfaite quels que soient les circonstances. Et pourtant, elle ne tarde pas à se faire kidnapper. le général a en vue de déstabiliser le régime de Kim Jong, et c'est Constance qui sera infiltrée là-bas. il faut préciser qu'elle est totalement novice dans ce secteur d'activité, consacrant l'essentiel de sa recherche spirituelle à assortir son rouge à lèvre et son vernis à ongles.
On va découvrir peu-à peu les liens qui unissent tous ces personnages, et l'auteur s'amuse un peu à nous perdre sur des fausses pistes à coup de pseudo, récompensant cependant le lecteur attentif à l'aide d'indices savamment dispensés .

Le projet est tellement fou qu'il ne peut qu'éveiller l'intérêt : et la réalisation est à la hauteur. le formatage de la jeune femme, sa feuille de route, et la mise en oeuvre de sa mission sont pour le moins particuliers, et géographiquement dispersés : Paris, la crise et Pyongyang!
Le récit fourmille de détails réjouissants : qui penserait à planquer un kidnappé dans une éolienne?

Les personnages relèvent de la bande dessinée : pas que pour leur côté « Pieds nickelés », mais pour leur portrait proche de la caricature et l'utilisation de détails de reconnaissance très graphiques : un tatouage, une couleur de maquillage, une description précise des coiffures.

Quant au style, il est unique. Très travaillé, j'en veux pour preuve les zeugmas, personnifications et autres figures de style qui ne peuvent se trouver là par hasard.
Son regard sur les détails, avec un angle d'approche particulier confère à une situation ou une anecdote insignifiante une étrangeté : c'est un peu le sentiment de vacuité que l'on peut ressentir lorsqu'on que l'on répète un mot isolément jusqu'à le vider de son sens.

L'écrivain est un personnage de l'histoire, incitant le lecteur à patienter :

« Quant à ceux qui n'avaient pas compris que le commanditaire se nomme Clément Pognel, nous sommes heureux de le leur apprendre ici. »

ou faisant part de ses limites pour expliquer un contexte, créant une mise à distance de l'histoire qui, somme toute, il est le premier à le reconnaître est légèrement extravagante.

La partie coréenne vaut son pesant de kimchi (légumes à la coréenne), ne serait-ce que par le portrait des personnages.

C'est donc à nouveau un rendez-vous jubilatoire, avec en prime un écrit un peu plus long que d'habitude, ce dont on ne peut que se réjouir

Merci à Babélio et aux éditions de Minuit pour ce partenariat très apprécié
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Mon premier Echenoz. Je ne m'en remet pas ! Comment ai-je pu négliger un tel auteur ? La malchance, le hasard, que sais-je encore, aucune excuse, en même temps (comme dirait Macron) on ne peut être à niveau tout le temps…
Dans Envoyée Spéciale, on voit « le général Bourgeaud, 68 ans, ancien du service Actions - planification et mise en oeuvre d'opérations clandestines », sur le retour, soucieux de jouer son dernier coup d'archer, fomenter avec son séide Paul Objat, un coup fourré digne de Olrik et Moriarty réunis pour impliquer la Corée du Nord dans le déclenchement d'une crise diplomatique internationale et sans précédent, qui contribuera à l'anéantissement de ce pays honni.
La boite de cigarillos Panter Tango joue un rôle de premier plan sur le bureau du général. de façon compulsive, à chaque moment décisif, il en sort un, le hume, le masse, le place entre ses lèvres avant de le remettre dans sa boite, regrettant en soupirant ce temps pas si lointain où il pouvait le fumer…
Pour cette mission particulière, le général charge le fidèle Objat de recruter une femme, « une innocente » qui jouera le rôle de mèche, de retardateur et de détonateur.
Programme !
Objat, un sosie de Billy Bob Thornton, ne recule devant rien, il fonce, il a déjà une idée en tête.
La scène se déroule dans le XXème arrondissement de Paris, boulevard Mortier dans les locaux de la DGSI…La fameuse piscine !
« Au restaurant, salade d'oreilles de porc suivie d'une joue de boeuf en daube »
C'est dire !
Constance, « raccord de rouge velours Burberry 308, coup d'oeil à son vernis Chanel 599 PROVOCATION, elle flotte un peu sa France, poudre les ailes de son nez (…) », ignore encore qu'elle est dans les radars d'Objat. Ce dernier l'aborde de façon classique, il la suit et dit rechercher « la rue Pétrarque, or la rue Pétrarque, bien sûr que Constance la connait bien. »
L'histoire implique outre Bourgeaud, Objat et Constance, le mari de cette dernière, Lou Tausk, compositeur avec son parolier Franck Pélestor, de musique techno et notamment d'un tube de renommée internationale ayant obtenu un disque d'or, Excessif.
Depuis le tandem Pélestor-Tausk vit sur ses lauriers.
Sur cette trame Echenoz compose un roman halluciné où les enchaînements les plus improbables vont conduire tous ces personnages à s'inscrire dans l'objectif que s'est fixé Bourgeaud, déstabiliser la Corée du Nord.
Echenoz construit un roman à lecture multiple, richement documenté. À l'issue de votre lecture, vous ne pourrez plus prétendre ignorer les conditions dans lesquelles Patrick Hernandez a produit son tube Born to be alive, ou encore comment et pourquoi la zone démilitarisées entre le nord et le sud de la Corée est réputée infranchissable.
Vous ne pourrez plus vous défaire de la rengaine du tube de 1983 « Vamos a la playa », ni oublier que la rue Pali-Kao du XIXème à Paris « commémore une victoire des troupes anglo-françaises pendant la deuxième guerre de l'opium ».
Un roman comme on aimerait en lire tous les jours, un roman qui vous sortira du marasme du confinement qui ne dit pas son nom et ramènera le sourie sur votre face meurtrie d'explorateur de la plateforme Docto'Lib à la recherche d'un rendez-vous pour une première injection du Pfizer BioNtech…
La morale de l'histoire est que toutes les rues de Paris mènent à la rue Pétrarque, comprenne qui pourra.
Lien : https://camalonga.wordpress...
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Une parodie hilarante du roman d'espionnage et du polar. J'ai ri – et même : je me suis bidonné – à chaque page. Et en plus, c'est magnifiquement écrit.

L'histoire est complètement dingue, difficile à résumer, mais tout est bien ficelé et donne un excellent roman d'aventures. L'idée de base : les services secrets enlèvent une jeune femme dans le cadre d'une obscure mission, son mari s'en fout et elle s'adapte très bien à cette nouvelle vie de séquestrée.

Outre l'histoire rocambolesque qui donne beaucoup de rythme, ce roman est plein de digressions sur des petits détails de la vie quotidienne, ce qui donne des descriptions étonnantes et des interprétations intéressantes. Dans ce texte, tout est fou et comique, rien n'est vérifiable, rien n'est vérifié, mais tout sonne juste.

Un plaisir de lire !
Lien : Http://evanhirtum.wordpress...
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Belle façon de raconter, d'embarquer le lecteur, de "répondre à ses questions" au fil de la lecture, drôle... Bref, cet auteur m'émerveille à chacun de ses romans.
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Alors là c'est du grand Echenoz, dans la veine de Cherokee mais en plus abouti, en plus dynamique, en plus cinglant.

Un roman d'espionnage avec les ingrédients du genre, le tout passé à la moulinette de l'absurde, de l'humour, de la noirceur joyeuse, de l'enthousiasme pitoyable.

Mais pourquoi Constance, oisive par nature, se laisse t-elle embarquée dans cette aventure ? Comme si les évènements n'avaient que peu de prises sur elle, enlevée, séquestrée, éduquée, envoyée en mission, elle côtoiera, consciemment ou non, tous les types qui jalonnent cette histoire, de Paris à PyongYang en passant par la Creuse ...

Et le narrateur, fort de son omniscience, qui se permet d'intervenir dans le déroulé ! On croit rêver ! Et tout ça pour le service de la patrie, comme un maillon angulaire du fragile équilibre des relations internationales contemporaines. Mais à vrai dire qu'importe l'intrigue pourvu qu'on ait l'ivresse.

On jubile, on rit, on s'exaspère, on redoute le pire parfois, et on avale ces trois cents pages d'un coup, d'un trait, comme un petit blanc sec bien frais au comptoir d'un zinc, à Paname ou au sud d'Aubusson.

Une vraie réussite littéraire. Bravo.
Lien : http://animallecteur.canalbl..
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Découverte de Echenoz. Et j'ai adoré cette narration omnisciente décalée, hilarante!
La narration s'amuse. C' est son plaisir à elle cette intrigue, elle se balade de personnages en personnages sans s'en imposer de trop, gère ses effets, donne ses réponses, se félicite même d'être très perspicace.
C'est donc bien cette voix du roman que j'ai adoré connaitre, une vraie récréation, un peu dans le genre de 'Le linguiste était presque parfait' ou encore 'Conjuration d'un imbécile' ou encore discrètement dans 'La soustraction des possibles'. Quoique avec Envoyée spéciale, le narrateur est vraiment partout, donne voix à tout. Il gère et il se régale. Il va même traiter des sujets lourds et sérieux. On se laisse trimbaler nous aussi, de toute façon comme Constance, on est là, on n'a pas vraiment mieux à faire et ça nous amuse de voir où ça va nous mener.
Même prête à remettre une pièce pour refaire un tour, je redemande de l'Echenoz svp!
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Un vrai néo-polar à la Manchette.
Des bras cassés chez les barbouzes.
Echenoz est magicien, virtuose du
clavier, comme un des frères Marx,
Chico je pense, avec les mains et
sans les mains.
Le narrateur omniscient ne sait pas
tout et s'en fout. Des descriptions
cliniques et des détails ahurissants
- inventés peut-être ? -, sur toutes
sortes de sujet. La faune et la flore
de la zone démilitarisée entre les
deux Corées, par exemple.
Réjouissant, amusant, distrayant.
L'art de faire les choses
sérieusement sans jamais se prendre
au sérieux. Un bel exercice
de style à consommer sans modération.
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Une écriture qui se déguste, un style littéraire atypique, du Echenozien que j'affectionne pleinement !
Quand les mots se font plaisir, quand la littérature se fait jeu, quand l'humour est au rendez-vous, quand le décalage interpelle, quand le lecteur se sent complice de l'histoire qui se déroule sous ses yeux, quand la malice, l'ironie, l'absurde étirent les lèvres, quand les pages se tournent sans que l'on s'en rende compte, quand les digressions parfaitement maîtrisées cultivent ... c'est absolument jouissif, non ? C'est à peu près ce que j'ai ressenti à la lecture de cet opus, un vrai régal. MERCI Mr Echenoz ...!!
A l'instar de "Je m'en vais', on se retrouve plonger dans un polar, ici plutôt roman d'espionnage, une parodie de roman d'espionnage d'ailleurs. L'histoire quasi improbable, nous entraîne de Paris à la Corée du Nord en passant par la Creuse. La Corée du Nord, nous y voilà, parce-que en plus de se moquer gentiment de l'espionnage français, Echenoz nous donne à voir la cruauté, la grandiloquence, la folie voire l'absurdité de ce pays.
On s'amuse, on rit. Jean Echenoz joue avec son lecteur, et le convie à cette fête doucement dingue en utilisant ce "on" :
«Nulle raison, direz-vous, de croiser des éléphants dans la Creuse et sur ce point nous sommes d'accord, nous ne le mentionnons que pour la raison suivante. Selon les travaux du docteur L. Elizabeth L. Rasmussen, les femelles de l'Elephas maximus usent comme toute espèce animale d'une certaine combinaison de molécules dès le moment où l'exercice du rut devient envisageable, voire souhaitable. ... Nous pensions qu'il n'était pas mauvais que ce phénomène zoologique, trop peu connu à notre avis, soit porté à la connaissance du public. Certes, le public a le droit d'objecter qu'une telle information ne semble être qu'une pure digression, sorte d'amusement didactique permettant d'achever un chapitre en douceur sans aucun lien avec notre récit. A cette réserve, bien entendu recevable, nous répondrons comme tout à l'heure : pour le moment.»

C'est léger et cocasse, déjanté parfois ... et pourtant très puissant ! À savourer sans aucun doute !

«Voici maintenant plus d'un mois que Clément Pognel partageait la vie de Marie-Odile Zwang et rien ne se passait comme on s'y serait attendu. L'un ayant pu nous paraître une épave aboulique, l'autre une implacable harpie, on ne pouvait guère envisager d'autre existence commune à ces deux-là que sur un mode SM élémentaire, quotidien scandé d'insultes et d'ecchymoses, oeil au beurre noir et dents brisées, Royal Canin en plat unique suivi d'une pincée de Destop dans le café. »
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Constance « amoureusement insatisfaite » parisienne trentenaire s'ennuie. Elle vient de mettre son appartement vente et est séparée de son mari Lou Tosk ancien compositeur dont un titre a remporté un succès planétaire ( « Lou Tausk n'est certes pas le premier à avoir connu cela, c'est arrivé à d'autres, quoique fort peu nombreux. Prenez par exemple Patrick Hernandez, qui n'a rien fait de toute sa vie que Born to be Alive - écrit en dix minutes, enregistré en deux jours, refusé d'abord par tous les producteurs puis devenu un succès intercontinental dont les royautés lui ont permis de se la couler douce tout le restant de son existence »). La vie monotone de Constance va changer et pas qu'un peu. Car elle est enlevée en plein Paris par trois hommes, amenée dans la Creuse (département idéal pour cacher quelqu'un vu le nombre peu élevé d'habitants) où elle va séjourner plusieurs mois. La rançon demandée à son futur ex-mari (qui a d'autres chats à fouetter) reste sans réponse. Et au fil du temps, la glace se brise entre elle et les deux hommes chargés de la surveiller (on cuisine des petits plats, on rigole, on se repose, on joue, bref des vacances entre amis). Elle pourrait s'enfuir mais non et son périple se poursuit en Corée du Nord.

Dans cette parodie de roman d’espionnage, un brin déjantée et loufoque avec de nombreux rebondissements et des situations quasi-burlesques, l’auteur s’amuse avec ses personnages, les égratignent et s'adresse souvent au lecteur créant ainsi une complicité (on se croirait presque dans un livre de JM Erre). De digressions qui nous renseignent sur le taekwondo (un art martial) ou sur les papillons, on lit cette histoire avec régal sans jamais être perdu car c'est parfaitement maîtrisé (sans en avoir l'air).

C'est drôle, on sourit et on rigole, on se laisse mener par le bout du nez en se délectant de l'écriture de Jean Echenoz, de ses interventions et de ses observations malicieuses. Vous l'aurez compris un plaisir à ne pas bouder !
Lien : http://claraetlesmots.blogsp..
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Jean Echenoz pourrait écrire n'importe quoi, cela serait quand même pas loin d'une oeuvre majeure.
Ici, Constance est enlevé par une bande de Barbouzes dont la rigueur n'est pas le point fort. de plus Constance n'a pas trop de chance, son Homme, producteur fortuné mais sur le déclin ne semble pas trop pressé de la récupérer.
Ce qui fait la force d'Echenoz, c'est la beauté de son écriture au service d'un style bien à part.
Ici , le lecteur est plongé dans le roman, il est pris à témoin. le style est léger, l'adjectif toujours affuté et finalement l'histoire , légère ici , importe peu. On retrouve tous les ingrédients de "Je m'en vais" avec des personnages truculents.
On notera quand même la partie consacrée à la Corée du Nord, qui reprend l'inventaire des spécificités de ce pays (corruption , privilège, coupure d'électricité, Nomemklatura, trafic en tout genre...) que l'on retrouve également dans l'excellent " Une superproduction de Kim Jon Il "
(http://www.babelio.com/livres/Fischer-Une-superproduction-de-Kim-Jong-il/716474).
Voilà, encore un très bon Echenoz, vivement le prochain.
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