Lecture plaisante, mais déconcertante.
Jean Echenoz, en nous invitant à suivre les dix dernières années de la vie de
Ravel, semble nous faire
la conversation. Son style nonchalant (très fluide, très agréable, mais qui paraît un peu détaché, un peu lontain, empreint d'un certain flegme) donne l'impression que l'on est assis à côté de lui, auprès du feu, un verre de cognac à la main, sous un éclairage tamisé, et qu'on l'écoute nous raconter une histoire. Ou, plutôt, évoquer pour nous quelques anecdotes, une par-ci, une par-là, très bien liées les unes aux autres, mais paraissant sortir de sa bouche - pardon : de sa plume - comme elles lui reviennent à l'esprit, entre deux gorgées de l'alcool ambré ou en se rasseyant après avoir remis une bûche dans l'âtre.
Bien sûr, cette fluidité (et cette nonchalance) sont la preuve d'une maîtrise de la narration romanesque : le manque de maîtrise conduit à des textes didactiques et figés, tandis que nous avons là, au contraire, une ambiance dans laquelle on se coule, un personnage auquel on s'attache, une histoire dans laquelle on s'engage sans effort, sans rechigner à suivre l'invitation que nous donne
Echenoz (même si, personnellement, je préférerais une mirabelle de Lorraine plutôt qu'un cognac ; mais il me semble que je digresse).
Et puis, il faudrait que je lise un autre roman de
Jean Echenoz pour savoir s'il a toujours ce style. Parce qu'il l'a peut-être simplement adapté à son personnage, Maurice
Ravel, dont la vie (en dehors de la musique) était ennui, insomnies, solitude, désintérêt pour
la compagnie de ses semblables et manque de volonté flagrant quand il s'agissait de se mettre au boulot. Quand on est dans un tel état d'esprit, la vie coule avec la même fluidité que la plume de
Jean Echenoz et on la traverse avec un détachement identique à celui qui transparaît dans le style de l'auteur de cette biographie romancée.
Pour preuve de ce détachement, on peut noter les bricolages linguistiques ou les pointes d'humour (pas forcément drôles) dont
Echenoz parsème son texte, comme s'il n'était vraiment là que pour s'amuser.
En attendant, et au risque de me répéter, c'était une lecture certes déconcertante, mais indéniablement plaisante.
Lien :
http://sebastienfritsch.cana..