Einstürzende Neubauten : Pas de beauté sans danger

Dans le pays de naissance du Bauhaus, il fallait oser s'appeler de l'oxymore Einstürzende Neubauten - littéralement « les nouvelles constructions en train de s'écrouler ». Le nom du groupe est en fait une référence aux Neubauten d'après-guerre érigées à côté des Altbauen, celles-là faites de béton résistent moins bien que celles-ci au passage du temps.

Dans Basse fidélité, Hervé Dumez écrit « Je me souviens qu'on repère rapidement ceux qui ont fait allemand première langue à leur façon de prononcer Einstürzende Neubauten. » J'ai souvent été le seul non pas à savoir prononcer Einstürzende Neubauten mais simplement à les écouter. Même mes contemporains germanophiles ne poussaient pas la pratique de la langue de Goethe dans l'écoute de musique en langue allemande. Écouter des groupes allemands, autrichiens ou suisses, presque tout le monde l'a fait ou le fait : Scorpion, Propaganda, Alphaville, Modern Talking, Opus, Boney M, Kraftwerk, … Des groupes allemands, autrichiens ou suisses chantant en allemand, c'est plus rare et bien peu ont eu du succès en dehors de leurs frontières : Falco avec der Komissar, Nena avec 99 Luftballons, plus récemment Rammstein, les Tokyo Hotel, …

De ce point de vue, Einstürzende Neubauten cumule les obstacles : un logo énigmatique, un nom peu évident à prononcer, de la musique bruitiste et industrielle - la série des albums Strategien gegen Architekturen avec comme instruments des plaques de métal, des perceuses, meuleuses, marteau-piqueur,… et autres instruments disponibles dans une quincaillerie ou un Mr Bricolage est singulière - et le tout en allemand. Trop pour beaucoup de mes contemporains - je n'ai pas réussi à en convaincre beaucoup de sortir de leur zone de confort musical*. Certains connaissent de loin par les collaborations des membres de Einstürzende Neubauten avec Nick Cave & The Bad Seeds : le grand - par le talent et la taille - Blixa Bargeld, leader de Einstürzende Neubauten, remplaçait souvent en concert ou en télévision la frêle Kily Minogue sur le duo Where the Wild Roses Grow.

Einstürzende Neubauten : Pas de beauté sans danger raconte la véritable histoire de Einstürzende Neubauten par ses membres et les personnes de l'entourage du groupe. Dans des chapitres thématiques où seules les réponses des différentes personnes interrogées demeurent - ce qui rend la lecture vivante et dynamique sans nuire à la compréhension - c'est l'histoire de Berlin l'enchanteresse, des méthodes de travail et des recherche sur le son de Einstürzende Neubauten, de philosophie, du dadaïsme - « Dans le monde occidental, je ne peux pas prendre au sérieux quiconque n'a pas, comme moi à un moment donné, embrassé dada. Ce mouvement est indispensable dans l'évolution d'un être qui réfléchit »** - qui est racontée. Désormais, pour parodier le titre d'un autre groupe allemand, Die Toten Hosen, le grand rebelle d'hier et sa bande se sont assagis, ont de l'argent pour acheter des instruments - « Si le public veut voir des mecs faire des trous sur scène avec une perceuse, qu'il aille écouter Rammstein ! » - mais restent plus que jamais en grande forme. le tout est publié aux éditions du Camion blanc l'éditeur qui véhicule le rock - comme beaucoup des livres de cet éditeur, celui-ci est un petit peu cher ; libre à vous de vous procurez un exemplaire tombé du camion…

* Pour commencer, l'album Tabula Rasa avec sa superbe nature morte en pochette est le plus « écoutable » - au sens de le moins « bruitiste » .
** Les citations sont issues de l'article de Télérama de mai 2017 (http://www.telerama.fr/sortir/einsturzende-neubauten-rammstein-ce-sont-des-mecs-qui-font-des-trous-sur-scene-avec-une-perceuse,158591.php)