Le monde peut-il s'écrouler à l'annonce de la mort d'une personne ? Surtout si celle-ci a tous les attributs d'un rendez-vous manqué, de cette marque d'absence qui affecte toutes les fondations ?
Et surtout, comment réagirions-nous devant la fatalité ? Il n'y a jamais de bons ou de mauvais moments, cela arrive et puis, advienne que pourra ...
Pour Camille, c'est le début d'un long monologue avec sa génétrice, la prise de conscience et l'heure des règlements de comptes, le deuil prendra alors des proportions insoupçonnées, chacun réagit suivant son coeur, Camille est une écorchée vive, de celle qui ne se ment d'abord pas à elle-même, dans sa résistance à l'épreuve, les heures sombres succèdent à des instants d'allégresse, de cette légèreté qui trouve sa place quand il s'agit de se questionner en évitant si possible de sombrer, d'apporter un éclairage devant la réalité, de comprendre ou trouver un début d'explication, comment les choses ont-elles pu en arriver là, se tourner vers ce passé qui est à la fois si loin et si proche, c'est une histoire qui m'a simplement déchiré en ce sens que le vécu propre à chacun réflète la dimension émotionnelle de chaque mot, la certitude de voir resurgir des fantômes,
La lune est une fausse blonde imprègne une histoire triste et lumineuse en même temps, entre le prisme de la vérité et les non-dits, dans l'essence de la vie, dans cette mélodie fuyante et chamboulée, le cri de Camille pourra-t-il trouver un écho dans la matrice délabrée ?
"Faire naître un enfant n'est pas suffisant, il faut aussi le mettre au monde"
Boris Cyrulnik (neuro-psychiatre et auteur)
Un roman scindé en trois parties qui pourraient prendre le calque du deuil en ces étapes incontournables, le choc ou le traumatisme pour mieux en apprivoiser le tempo alternant entre stupéfaction et déni, dans la remontée des souvenirs, à travers le regard incisif de l'enfance, le poids de l'absence se fait encore plus ressentir, la nostalgie prend la forme d'un magma incontrôlable au fil du temps, un état dépressif s'instaurant alors, vous comprenez alors que la relation filiale peut prendre des reliefs accidentés, on n'imagine pas encore à quel point la fragilité de l'être se confond entre innée et acquis, comment se construire et surtout se reconstruire, en lisant ce roman, je n'ai pu m'empêcher de penser à d'autres histoires de résilience découvertes ces derniers mois,
Elle était belle ma mère de
Valérie Timsit ou encore
L'eau de Rose de
Laurence Martin, l'amour et l'instinct maternel sont des sentiments puissants et profonds, personne ne peut s'en débarasser comme d'une simple pichenette, le vécu de l'auteur,
Eliza de Varga transpire dans chacune des pages, dans cette fibre artistique dans lequel la protagoniste, Camille, a fait ses premiers pas puis la découvert d'un monde si fascinant mais aussi si destabilisant comme ... lunaire, dans cette quête de l'amour et la soif de liberté, se désentraver de ces chaînes qui l'empêchent encore de profiter pleinement de l'existence, il ne suffit pas juste de suivre les sentiers balisées pour apercevoir le bout du tunnel, tracer sa route nécessite des épreuves qui ont toutes les apparences d'un long chemin de croix ... avant l'acceptation et une possible renaissance.
Une prose poétique contrastant avec des pensées déchirantes, l'humour décalé sert de subterfuge pour contrer les effets lapidaires d'une chute annoncée, il ne s'agit pas seulement d'une rencontre dans la valse des images mélancoliques que traverse le personnage principal, dans son travail d'introspection et de survie devant la charge émotionnelle projetée, le coeur saigne et souffre, le besoin de coucher des mots pour leur donner une autre résonance à la lecture ou à voix haute, renverser le cours du temps peut se traduire dans ces jeux de mots cachés, dans ce miroir de l'enfance qui permute avec l'adulte d'aujourd'hui, fusion des sentiments contrariés par les blessures encaissées, l'effet boomerang n'a pas fini de terminer sa course effrénée pour venir la percuter de pleine fouet, l'univers de Camille vole en éclat pour laisser filtrer peu d'éléments sur son quotidien (travail, relations amicales ou amoureuses ...) délaissé en arrière-plan, amplifier ce sentiment d'abandon et illustrer cette innocence perdue qui n'en finit plus de la tourmenter.
"L'imaginaire n'est pas la vérité mais il est nécessaire." (
Marcel Rufo, pédopsychiatre)
Prendre le temps d'assimiler chaque page vécue comme une plongée/contre plongée dans la révolte mentale de Camille, l'affinité avec le monde du spectacle (cinéma, danse, écriture ...) n'est pas anodine, les métaphores nombreuses se doublent d'ellipses révélatrices d'un état d'esprit perturbé, la vie ne fait pas de cadeau, une scène touchante avec le grand-père démontre combien la vacuité de l'existence peut prendre des allures trompeuses, l'écriture est belle, le phrasé naturel participe à rendre la narration à la première personne dans son déterminisme brut de décoffrage, l'exploration de la conscience troublée se confond avec une envie irrésistible d'amour, colmater le vide existentiel et cette innocence outragée avec des rencontres inattendues, dans un hors champ souvent à l'oeuvre pour sigmatiser les cicatrices indélébiles qui ne cessent de prendre des proportions alarmantes, dans cette zone oscillant entre réminiscence et réalité brutale, la révélation d'une quête impossible dans l'urgence de la situation, couper ce cordon ombilical toujours en gestation ...
S'arracher à la douleur vécue comme une emprise de tous les instants, se libérer d'un héritage trop lourd à porter, cette distanciation avec la défunte se symbolise dans cette ambivalence des états d'âme en collision permanente, une dualité pour laquelle chaque instant est interprété comme un jeu de dé entre le passé et le présent, ce fil distendu sera-t-il longtemps solide pour permettre à Camille de trouver son équilibre et dénouer les cordes de sa destinée ?
C'est un roman généreux, démasquer les faux-semblants devient une lutte inaltérable pour dépoussiérer la vérité, la rupture inévitable et peut-être salutaire au bout du tunnel, un chant d'amour cristallisé par ce sentiment de perte et d'abandon, tourner en dérision est un remède puissant contre les affres du désespoir, dans ce voyage au bout d'elle-même, Camille va devoir apprendre la vie, comprendre la mort et dans cet entre-deux, il y a cette vie qui l'attend, puiser dans ses ressources mentales pour tourner la page et écrire la sienne, contrôler cette boule d'énergie qui ne demande qu'à rompre avec les fractures du passé pour renaître de ses ... cendres.
Une belle découverte, une plume lumineuse pour une histoire percutante et essentielle, de celle qui bouleverse et restera longtemps dans les mémoires ...
Je remercie l'auteure,
Eliza de Varga pour sa confiance et m'avoir permis de découvrir son univers, riche en surface comme dans les ruisseaux souterrains des sentiments, si la lecture a été rapide, l'important est ailleurs, dans les pérégrinations psychologiques de son héroïne,
La lune est une fausse blonde est un coup de coeur, pour de multiples raisons, tant personnelles que dans cette ambition de creuser encore plus dans la psyché humaine, pour se comprendre d'abord, s'accepter et s'affirmer dans la vie ...