Avant d'écrire ma première critique de l'an 2019, je tiens à adresser mes voeux de santé, de bonheur à celles et ceux qui ont l'amabilité de me suivre. Que cette année soit pour vous synonyme de livres à profusion et surtout de belles découvertes littéraires.
Lors de ma dernière chronique qui portait sur « Vendetta », je m'étais engagée à lire immédiatement « Papillon de nuit », autre oeuvre de R.J. Ellory publiée en France en juin 2015 par les éditions Sonatine. Chose promise, chose due puisque c'est avec plaisir que je vous retrouve aujourd'hui pour vous en parler et tant qu'à y être, pourquoi ne pas vous donner l'envie de vous lancer à votre tour.
D'emblée, si ma précédente lecture m'avait globalement convaincue, je peux vous affirmer que celle-ci m'a enchantée et qu'elle a ouvert de la meilleure des façons mon compteur annuel. C'est incontestablement une réussite.
Lorsque nous ouvrons ce thriller, Daniel Ford, trente-six ans, se trouve dans le couloir de la mort dans une sordide prison de Caroline du Sud. Accusé en 1970, douze ans auparavant, du meurtre effroyable de Nathan Verney, son ami d'enfance. Ayant épuisé tous les recours, il ne peut désormais se soustraire à son sort inexorable : sa mort éminente par électrocution. Nous le suivons dans ses dernières semaines de vie où le temps file et les jours s'épuisent…
Tout ce qui lui reste à faire, c'est de trouver la foi, de faire la paix avec son Dieu. Tout ce qui lui reste à faire, c'est de se confesser. Confronté à l'inacceptable, il se raconte alors au père John Rousseau. Il n'omet rien depuis son premier tête à tête à six ans avec Nathan, son frère noir, autour d'un sandwich au jambon cuit sur les rives du lac Marion près de Nine Mile Road en 1952, en passant par ses premiers amours, les assassinats des Kennedy – John puis Robert -, de la guerre du Vietnam, du ségrégationnisme, de la lutte pour les droits civiques, ou encore de leur indéfectible amitié qui se terminera par le crime brutal pour lequel il est condamné.
Bien vite, il apparaît que les choses son loin d'être aussi simples qu'elles en ont l'air.
Comment a-t-il pu être reconnu coupable ? A-t-il vraiment tué ce jeune de couleur qui était son « frère de coeur », son confident, son protecteur, son protégé ? Si oui, l'a-t-il fait par jalousie, par vengeance ? Si non, pourquoi est-il dans l'attente de son exécution ? A-t-il été victime d'un complot ? Lequel ? fomenté par qui et pour quelles raisons ?
Autant de questions non exhaustives qui ne trouveront réponse qu'en entreprenant cette lecture.
Livre mi-social, mi-politique d'un peu plus de cinq-cents pages dans sa version livre de poche, qui ne ménage aucune sensibilité. Outre le fait, que nous traversons deux décennies de l'histoire des Etats-Unis, nous nous aventurons avec effroi à l'intérieur d'un centre pénitencier et plus précisément dans l'aile réservée aux condamnés à la peine de mort. Nous sommes en 1982, et c'est dans cet endroit cruel, insupportable que nous plongeons au plus près de l'âme humaine. De la bouche même de notre héros, nous apprenons combien son existence a été compliquée tout en étant très fraternelle. Nous touchons du doigt les conditions de vie extrême dans cette section de haute-sécurité. C'est saisissant, dur, percutant et beau à la fois.
Je m'étais aperçue en le lisant récemment, que l'auteur britannique excellait dans sa façon de nous dépeindre les Etats-Unis. Ici, il ne se défausse pas. Il nous fait voyager avec brio dans l'Amérique des années 60-80 en analysant, en décortiquant la mécanique de cette société. Il nous livre les tenants et aboutissants en vigueur à cette époque, parcourt tous les problèmes et les bouleversements alors présents. Si les grands évènements politiques évoqués sont évidemment connus de tous (La baie des cochons, la mort de Martin Luther King, le scandale du Watergate…), il n'en reste pas moins que ce Monsieur nous offre une véritable leçon d'histoire. Son ouvrage permet d'approfondir ces sujets d'actualité. Nous en avons, si j'ose dire, une vision de « l'intérieur ». Il porte un regard assez acerbe sur la période, n'hésitant pas à dénoncer les pratiques, à critiquer les institutions en place. J'ai beaucoup apprécié.
Bien que l'histoire oscille entre le passé et le temps carcéral, la cohésion tout au long de l'arc narratif est maintenue. John Roger arrive par une plume coulante à passer de l'un à l'autre sans difficulté aucune. Je n'ai nullement été gênée.
La tension est à son summum dans les soixante ultimes pages. Comme notre héros, nous sommes désorientés, nous avons peur, nous supplions. Partie émotionnellement forte. Paradoxalement, plus le jour J approche, plus c'est pénible, moins on ne peut s'arrêter.
Le style est direct, cinglant mais rempli de sensibilité quand R.J.H. brosse le portrait du prisonnier. C'est entraînant, addictif.
Les personnages principaux, à savoir Nathan et Daniel, sont loyaux, profonds et très humains. J'ai pris du plaisir à les accompagner. Ils apparaissent comme des garçons ordinaires vivant des situations extrêmement difficiles.
Nathan est le « fort » de ce duo inséparable. Il est volontaire, travailleur, combatif. Il a de l'assurance et ne revient jamais sur ses décisions.
Daniel est naïf, doute sans cesse, manque d'initiatives et ne s'oppose pas à son ami. Il le suit tout simplement. Son absence de réaction m'a quelquefois chagrinée. J'aurai voulu qu'il se rebiffe. Cela dit, il est très sympathique, très touchant quand il se narre. Plus nous avançons, plus nous le connaissons, plus son exécution prochaine s'avère comme étant injuste. Ses échanges avec le prêtre sont très réels, très intimes.
L'ecclésiastique joue à merveille son rôle de confesseur.
Certains protagonistes secondaires ne sont pas en reste. J'ai été charmée par Eve Chantry. Une femme de caractère ayant connu des instants de vie bouleversants.
J'ai aimé l'empathie de Mr. Timmons. Détesté Mr West.
Caroline et Linny m'ont laissée indifférente.
Je regrette seulement que le dénouement ne m'ait pas totalement surprise. Je m'attendais à l'issue d'ensemble même si certains éléments le composant étaient, quant à eux, inattendus. Sans ce bémol, ma notation aurait été de cinq étoiles.
En résumé, je viens de terminer un grand roman noir sur l'enfance, le passage à l'âge adulte et la manière dont les expériences, les évènements vécus dans nos tendres années perdurent et nous affectent pour le restant de notre vie. Scénario habilement monté dans un contexte historique décrit minutieusement. C'est maîtrisé, intelligent, réaliste, puissant et résolument troublant.
A entreprendre ? au vu de ce qui précède, est-il nécessaire de réfléchir ? Je ne peux que vous inciter fortement à sauter le pas. Vous serez aux prises avec une intrigue magnifiquement documentée, entremêlant conflits internationaux, magouilles politiques, corruption, mensonge, discrimination et haine raciale qui ne vous laissera pas de marbre. Ce texte, empli d'humanité, est aussi et surtout une vraie ode à l'amitié qui vous émouvra et vous tiendra en haleine jusqu'au dernier mot. Vous aimerez !
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