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Le deuxième roman de Mathias Énard, paru en 2005, propose une plongée en quasi apnée au coeur d'un trio amoureux. Mais attention, rien de banal ni de convenu ici. Il s'agit plutôt d'une fascinante immersion au coeur de l'intime, du désir, de la passion, de la douleur aussi, et de la perte, inévitable - le tout servi par l'écriture à la fois si précise et ensorcelante de l'auteur qui se déploiera pleinement dix ans plus tard dans son magnifique et foisonnant Boussole, prix Goncourt 2015.

Voguant entre un hôpital parisien assailli par la canicule de 2003 et un vieux cargo remontant l'Orénoque, le lecteur est entrainé dans une spirale de sentiments, de confessions intimes d'une rare intensité.
Imaginez : deux amis chirurgiens, Ignacio et Youri, amoureux d'une jeune infirmière Joana qui partage la vie de Youri, le brillant chirurgien. Ignacio, marié à la psy de l'hôpital, se consume secrètement pour Joana tout en se refusant à tromper sa femme. Joana ne voit que Youri et Youri noie son mal-être dans l'alcool.
Inévitablement, il arrive un moment où la tension flirte avec le drame. Alors Joana prend la tangente vers l'Ouest, s'embarque seule et entreprend de remonter aux sources de l'Orénoque, ou ne serait-ce pas plutôt finalement aux sources d'elle-même…

Puissant, troublant, Remonter l'Orénoque réserve un dénouement inattendu que je me garderai bien de révéler - évidemment. C'est très original, limite dérangeant et m'a poussée à reprendre illico le début du récit pour approfondir la compréhension de cette phrase de Joana qui revient tel un mantra :
« Voilà, je suis enfin moi-même, ce que j'ai toujours voulu être. »
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Let me sail, let me sail, let the Orinoco flow…
Remonter l'Orénoque, c'est remonter à la recherche de soi-même.
C'est que fait Joana sur ce fleuve où son père vénézuélien qu'elle a peu connu, a disparu il y a longtemps.
Mais c'est aussi pour se retrouver elle-même, après avoir mis fin à sa relation toxique avec Youri, alcoolique et dépressif.
Le roman alterne la voix de Joana, comme en suspens sur ce bateau qui remonte l'Orénoque, et la voix d'Ignacio, son collègue qui a observé leur relation en dissimulant ses propres sentiments pour Joana.
On est tour à tour immergé dans la torpeur moite de l'Orénoque, et dans la canicule de 2003 vécue de l'intérieur de l'hôpital où travaillent Joana, Youri et Ignacio.
J'ai une grande admiration pour la superbe écriture de Mathias Enard, que je retrouve dans cette deuxième lecture, pour sa capacité à créer une atmosphère et à nous plonger dans l'âme de ses personnages.

Club de lecture février 2024 : "La PAL fraîche"
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Une «Remontée de l'orénoque» dérangeante et éprouvante qui baigne dans une atmosphère chaude, humide comme un corps de femme qui s'ouvre. 

«Quand tu aimes il faut partir» ce vers d'un poème de Cendrars revient à deux reprises au cours de ce récit et Blaise Cendrars est bien présent et accompagne cette remontée de l'orénoque qu'il a lui-même parcourue en compagnie de Moravagine : «Nous étions entourés de fougères arborescentes, de fleurs velues, de parfums charnus, d'humus glauque. Écoulement. Devenir. Compénétration. Tumescence. Boursouflure d'un bourgeon, éclosion d'une feuille, écorce poisseuse, fruit baveux, racine qui suce, graine qui distille. Germination. Champignonnage. Phosphorescence. Pourriture. Vie. Vie, vie, vie, vie, vie, vie, vie, vie.» 
Cet extrait de Moravagine est proche de l'atmosphère qui se dégage du livre de Mathias Enard livre violent de passion, de folie et de mort , empreint d'une grande poésie.
Youri et Ignacio sont chirurgiens et travaillent en équipe avec Joana, infirmière. Durant la canicule de 2003, la salle d'opération est le seul lieu respirable, frais et il y réside, en dépit de la proximité de la mort, une certaine pureté, la pureté, l'efficacité, la précision du geste qui incise les corps au scalpel à l'opposé du tumulte de la passion qui unit Joana à Youri ; passion mortifère, perverse car Youri, en dehors de la salle d'opération où il reprend son calme et sa maîtrise, vit sous l'emprise de l'alcool, en équilibre instable au bord du gouffre de la folie. 
«Il (Youri)croyait se guérir en fuyant, s'enfoncer dans les plaies, y disparaître, percer les mystères, toucher la vérité.»p 88
Ignacio marié à Aude est désespérément amoureux de Joana qui fait appel à lui quand elle se trouve en détresse face à Youri qu'elle pense sauver de la destruction alors qu'il s'y refuse. Et comme l'annonce Aude l'épouse d'Ignacio «... ce genre d'homme emmène toujours quelqu'un avec lui vers le fond, ne serait-ce que pour avoir un spectateur.» p59
Situer le déroulement de ce récit lors de la canicule de 2003 qui entraîna la mort de milliers de personnes, les hôpitaux et les morgues débordés, n'est pas un hasard. Ce roman est celui de l'exploration des corps et des âmes, de la décomposition, mort et vie entrelacées. Remonter l'Orénoque ouvre sur une même béance et la pénétration d'une chaleur étouffante et humide est aussi celle d'un retour à l'enfance et à la naissance.
La fin de ce roman est un coup de poing qui vous laisse groggy.
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Ignacio et Youri sont chirurgiens.
Joana est infirmière .
Elle sort avec Youri mais Ignacio l'aime aussi.
Youri se détruit par l'alcool.
Sous un été caniculaire, ce triangle amoureux vit en eaux troubles.
C'est certes bien écrit, mais je n'ai pas réellement apprécié ce roman.
Je m'y suis un peu ennuyée.
Phrases très, trop, longues, impression d'angoisse, de noirceur, de noeud qui serre.
J'ai trouvé cet roman sombre, long à lire bien qu'il ne fasse que 134 pages.
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La beauté tragique d'un roman dur, plus ramifié qu'il n'y paraît d'abord.

Dans son deuxième roman, publié en 2005, Mathias Énard nous conviait à une brutale immersion au coeur de la passion, celle qui dévore un être de l'intérieur et le fait devenir si radical et si destructeur qu'il ne reste à l'objet de cette passion que la fuite... ou la mort.

Deux chirurgiens, en pleine crise de la canicule de l'été 2003 en région parisienne, sont livrés à leurs démons intimes : Youri, force de la nature, sombre dans un complexe alcoolisme qui désespère, sans pourtant la faire fuir, l'infirmière Joana dont il partage largement la vie, tandis qu'Ignacio, meilleur ami, marié à Aude - la psychologue de l'hôpital dont les commentaires du drame qui se noue, rapportés, auront vite le rôle d'un véritable choeur antique -, convoite lui-même Joana, dont l'échappée, pour "remonter l'Orénoque" à bord d'un vieux cargo aux curieuses errances géographiques, semble pour elle la seule issue possible... jusqu'aux terribles révélations finales.

Un roman d'une force tragique hors du commun, servi par une langue ramifiée qui annonce déjà celle de "Zone".

À noter une superbe adaptation au cinéma, qui transfigure véritablement ce roman ardu et beau, sous la direction de Marion Laine : "À coeur ouvert", sorti en août 2012, avec Juliette Binoche, Edgar Ramirez et Hippolyte Girardot.

"Assis sur ma chaise, je pensais il a raison, ce que l'on attend à présent des corps c'est la putréfaction en silence, l'oubli, et de l'âme la survie sur les rôles et les registres, les certificats et les papiers, les marbres, les images. L'embaumement n'est plus de mise, les cadavres doivent disparaître, ils sont confiés à des professionnels chargés de les dissimuler, responsables de leur entrepôt, de leur manutention, de leur stockage, de leur destruction dans la terre ou les flammes - entiers et morcelés, jeunes accidentés ou vieux rongés de maladies, il convient de les cacher ; plus de dépouilles charriées par le vent, les yeux cavés, la barbe pelée ; de cercueils ouverts, de morts à ciel ouvert, le regard fermé dans leur plus beau veston, leur robe noire, il n'y en a plus ; à présent enveloppés de chêne ou de sapin, éloignés sitôt l'agonie du regard des vivants, ils sont portés, poussés en hâte vers les coulisses, vers le sous-sol où l'on ne les croisera pas, vidés et lavés, évacués du monde qui n'aime plus les voir, ennuyé de ne savoir qu'en penser, se rassurant de photographies, de témoignages digitaux ou celluloïd, autant de défunts immatériels que l'heure éloigne de la chair et pousse vers l'armée de spectres dont nous emplissons nos armoires."
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Un vrai coup de coeur!
C'est beau, superbement écrit.
Trois personnages et une magnifique histoire d'amours impossibles.
On remonte le cours de leurs vies au rythme du bateau qui remonte l'Orénoque.
Magnifique!
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N°984– Novembre 2015

REMONTER L’ORÉNOQUE – Mathias Enard – ActesSud.

C'est encore une fois une histoire de triangle amoureux mais pas vraiment le classique vaudeville : mari, épouse, amant. Ici Johanna, jeune et belle infirmière, célibataire est amoureuse de Youri, un chirurgien d'origine russe, mal dans sa peau tandis que Ignacio, également chirurgien, collègue et ami de Youri convoite la jeune femme. Ils travaillent ensemble au bloc opératoire d'un hôpital parisien en pleine canicule de 2003. Johanna est au centre de cette relation amoureuse où Youri, en dehors de la salle d'opération, est au bord d'un gouffre où l’alcool lui tient lieu d'équilibre. Elle est pourtant ensorcelée par lui. De son coté Ignacio est marié à Aude et c'est grâce à Youri qu'il l'a rencontrée. Il est lui aussi désespérément amoureux de Joana qui a recours à lui quand Youri sort de ses gonds, devient belliqueux et même violent. Le jeune praticien est volontiers hautain, condescendant, imbu de lui-même à cause de sa jeunesse, de ses illusions, de sa richesse, de sa fonction de chirurgien et méprise les autres soignants qui lui sont inférieurs et dont Joana fait partie. Il est même pervers puisqu'il pousse la jeune femme dans les bras d'Ignacio qui pourtant, parce qu'il est réservé et trop timide, parce qu'il ne veut pas commettre l'adultère et sait qu'il ne vivra jamais avec la jeune femme un amour impossible, n'est pour elle qu'un confident. Elle pourrait être sa fille à cause de la différence d'âge et représente un risque pour sa vie familiale, pour sa carrière qu'il a si patiemment construites, pour son sens de la moralité peut-être qui s'oppose ainsi en lui à cet amour un peu fou. Son désir restera inassouvi. De son côté, Joana est fascinée par Youri au point de s'attacher désespérément à sa personne mais elle finit par fuir cette liaison délétère avec lui et cette promiscuité professionnelle malsaine. Pour cela elle choisit le Venezuela, son pays à elle mais aussi celui d'Ignacio. Elle remonte l'Orénoque, ce fleuve qui traverse le Venezuela d'Est en Ouest, sur un rafiot rouillé qui est à l'image de sa vie et de sa désespérance face à ces deux hommes. Remonter le cours du fleuve jusqu’à la source c'est un peu matérialiser l'impasse de sa vie. C'est comme si à la canicule française répondait la touffeur tropicale vénézuélienne, comme si la débâcle hospitalière due à l’afflux de patients répondait le désordre intime de sa vie, comme si la mort qui rodait dans les couloirs de ces hôpitaux français et de ces maisons de retraite non adaptés évoquait celle de cette femme dont la vie n'a plus de véritable sens hors de Youri. Ce voyage est plus qu'un retour aux sources, c'est une retrouvaille avec le père, mais une retrouvaille virtuelle parce qu'elle ne l'a que peu connu. Elle est pleine de fantasme, de souvenirs et d'espoirs. Il y a autre chose aussi, me semble-t-il : Malgré elle, Joana accomplit ainsi son destin de femme. Comme sa mère qui vécu seule à cause de la disparition de son mari, elle fuit Youri et ce faisant elle réincarne cette fatalité. Elle a été orpheline de père et l'enfant qu'elle porte, parce qu'il naîtra et vivra loin de son géniteur, sera lui aussi un enfant sans père. Suivant une règle non-écrite mais implacable, elle reproduira, malgré elle l'exemple que sa mère a vécu et ce même si elle veut l'éviter. C'est à la fois une fuite et une lâcheté pour Joana qui porte en elle la vie et qui fuit Youri et le désir qu'elle a de lui autant qu'elle a la volonté d'échapper à cet homme, à sa folie, « à sa chute loin de lui-même ». Tout cela n'est peut-être que fantasmes, volonté avortée, désir à jamais impossibles parce que nous en sommes que les usufruitiers de notre propre vie.
Je note encore une fois la dimension un peu longue des phrases qui peut parfois rebuter le lecteur mais qui n'affecte pas la qualité poétique du style.
Ce roman a fait l'objet d'une adaptation cinématographique par Marion Lainé sous le titre de « A cœur ouvert » en 2012.

Depuis qu'il a obtenu en 2010 le Prix Goncourt des Lycéens « Parle-leur de Batailles, de rois et d'éléphants » (La Feuille Volante n°477), cette chronique suit attentivement Mathias Enard. Il vient de recevoir le Prix Goncourt 2015 pour « Boussole » (La Feuille Volante n°969). J'ai assez dit que ce prix prestigieux avait parfois été attribué à des auteurs qui le ne méritaient pas, aussi ai-je plaisir à saluer cette distinction, accordée au premier tour de scrutin, par six voix sur dix à Mathias Enard dont le talent est ainsi consacré. Je le fais d’autant plus volontiers qu'en même temps son éditeur, Actes sud, qui s'est caractérisé par les choix de publication parfois audacieux et bien souvent judicieux, est aussi distingué. On sort petit à petit de la spirale infernale nommée il y a bien des années par le néologisme« Galligrasseuil » et je trouve cela plutôt bien.
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C'est curieux comme Mathias ENARD peut écrire des chefs d'oeuvres mais aussi commettre des romans comme celui-ci, que j'ai trouvé personnellement sans grand intérêt, dans le milieu hospitalier, entre des personnages que je peine à comprendre. Il a bien sûr quelques passages meilleurs que les autres, et toujours dans une langue parfaitement maitrisée, mais l'ensemble est poussif. Je ne comprends pas très bien le rapport à l'Orénoque, ou le voyage de Joana, infirmière, vers les sources de sa famille, ou encore la descente progressive de Youri, chirurgien, le tout surveillé par le narrateur, lui aussi chirurgien. C'est peut-être une analyse profonde des sentiments, mais que je n'ai pas saisi et qui ne m'a pas touché un seul instant. J'avais heureusement lu les autres livres avant, sinon je n'y serais sans doute pas retourné.
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Si j'ai beaucoup aimé l'histoire de Remonter l'Orenoque, je n'ai en revanche pas du tout aimé le style de l'auteur, ses phrases d'une demi-page partant dans toutes les directions, et le manque d'originalité des personnages, la belle infirmière, le brillant chirurgien, le capitaine de bateau patibulaire, etc. Je n'ai rien lu d'autre de cet auteur, je réessaierai probablement à l'occasion, mais là je reste un peu sur ma faim.
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Mon premier roman de cet auteur.
Je n'ai pas été emballée par cette lecture. le style de l'auteur m'a paru très compact et les envolées lyriques trop nombreuses. le spleen ambiant du roman a fini par me rendre insensible à l'histoire principale.
La structure du roman est originale, cela m'a beaucoup plus d'alterner les points de vue des personnages, mais au bout d'un moment, j'ai perdu le fil des personnages et tous les récits s'imbriquaient les uns les autres, peut être était-ce le style voulu par l'auteur ?
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