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sur 620 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La vie de Lakhdar aurait pu être sympa. Né à Tanger dans les années 90, élevé dans la foi et la tradition dans une petite famille sans histoire avec papa épicier, y avait plus qu'à prendre la relève. Mais à 17 ans, les hormones en décident autrement. Pris en flag' de tripotage coquinou avec sa cousine, la sanction tombe : renié, dégagé, viré, ouste, dehors mon bonhomme. La chouma de la famille. 
Commence alors les jours, les mois d'errance et de débrouille relatés par notre futur goncourisé qui s'ignore.

Et c'est à ce moment précis qu'on se fend d'une courbette à ras du sol pour honorer Mathias Enard. le nez collé aux acariens de la moquette peut-être, le dos en compote soit, mais une posture plus éloquente que tous les mots. Une triple courbette donc à un auteur trop discret, dont la riche connaissance du monde arabe a pourtant tant à nous enseigner.

Car Enard nous livre ici un formidable et riche roman d'apprentissage. Il installe son héros, à mi-chemin entre adolescence et monde adulte, dans un Maroc, une Tunisie, une Europe qui basculent : révolutions arabes, crise européenne, attentats frappant au hasard, mouvement des Indignés. Spectateur des évènements, les rencontres de fortune et mésaventures feront mûrir notre Lakhdar, mais sèmeront aussi le doute sur sa foi aveugle en un Dieu miséricordieux et en l'espoir d'un amour salvateur, foi qui vacille inostensiblement. Seule sa passion pour les polars et les classiques orientaux l'aidera à s'évader de ce monde qui change vite, bien trop vite.
Et ouais Lakhdar, tu n'as que 20 ans, tu n'as rien demandé, tu veux juste être libre et pépère dans ton coin. Naïvement tu pensais même pouvoir profiter de ta jeunesse. Raté. Mais bienvenue dans la réalité : la vie n'est pas un long fleuve tranquille n'en déplaise aux le Quesnoy. Heureusement tu n'es pas dupe, et tu réalises vite que l'herbe n'est pas plus verte ailleurs.

Mathias Enard ne condamne pas. Non. Il use de toute sa bienveillance, de toute sa sagesse. Pas de morale à deux dirhams, pas de jugement hâtif, pas de critique acerbe et facile. Un simple regard, modeste et interrogateur, sur une actualité débordante de ras-le-bol, de violence, de haine. Choisir son camp, sa voie, tracer un chemin sans renier culture et tradition s'avère un long voyage initiatique, tant cognitif que méditatif. Sous un air poupin et un regard timide, Mathias Enard cache donc une plume déterminée. Toute en force, poésie et humanité.

Allez va, je retourne voir mes acariens, re-courbette Mathias, tu as signé un bien grand roman.
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Un livre passionnant, qui se lit comme un polar, qui se médite comme une page de philo ou une sourate mystérieuse, sur fond d'actualité ...brûlante ( immolation à Sidi Bouzid en Tunisie, bombe au café Argan à Marrakesch, émeutes place Tahrir au Caire, et folie meurtrière de Mohammed Merah en France, c'est vraiment tout proche..)

Pendant que le printemps arabe flambe et que derrière ces flammes libératrices dansent d'autres feux plus inquiétants, - les frères musulmans, Enahda, Al Quaida, Daesch, en embuscade...- prêts à laisser les jeunes révolutionnaires généreux leur tirer les marrons du feu ( je rappelle que ceux qui tirent les marrons du feu se brûlent les doigts, tandis que les autres bouffent les marrons..), le jeune Lakdhar, chassé de chez lui pour avoir couché avec sa belle cousine Meryem, commence son parcours d'errance, de Tanger à Algésiras, et d'Algésiras à Barcelone...

Bien loin de ses modèles- les grands voyageurs comme Casanova, Ibn Batuta- il fera plutôt l'expérience de l'enfermement et de la claustration, que ce soit dans une mosquée faussement protectrice, dans un cargo arraisonné pour dettes, dans la morgue glauque de Cruz - pour un passionné de Morgue pleine, de Manchette, quelle ironie!- et enfin dans le "palacio " de la rue des Voleurs, hanté par les drogués, les prostituées, les sans-papiers, les petits malfrats , et de pathétiques racailles du terrorisme islamiste, venus se perdre ou se retrouver dans les bas-fonds colorés du Raval, à Barcelone.

Le voyage immobile de Lakhdar, l' Arabe Errant, comme il y a le Juif Errant, a un goût de cendres et sa prise de conscience, éclairée par l'amour de Judit, belle espagnole arabisante, et par la ferveur qu'il porte à la littérature, son seul rempart contre la violente connerie du monde, le mène à un geste terrible, mais mûrement réfléchi.

Entouré de livres désormais, protégé par eux du bruit et de la fureur, il fera avec eux le seul voyage où l'on ne se sent jamais humilié ni étranger: celui de la connaissance et de l'humanisme des écrivains du monde entier...

Un monde encore libre.

J'ai dévoré ce livre puissant d'une traite: quelle variété, chez Mathias Enard dont je venais de lire avec délice le livre sur Michel-Ange...ici, plus de poésie, d'orientalisme délicat: une force, une pulsion, un humour caustique - au service d' un récit tendu, toujours critique, et toujours tendrement humain : les figures de Cruz, hanté par la mort et surtout de Bassam, l'enfant perdu au regard vide, je ne suis pas près de les oublier..
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Intense récit que ce « Rue des Voleurs », sorte de monologue au ton désabusé, à l'indélébile noirceur et la colère étouffée, avec des airs de musique et des tonalités qui s'apparentent à la grande famille, celle des Meursault ou des Caulfield.
Lakhdar vit une époque aux couleurs ternies, dans une région aux portes d'un printemps arabe légendaire, mais c'est par l'amour de sa cousine que le printemps entre dans sa vie, et si deux corps nus font irruption dans un champ visuel, alors c'est une clause rédhibitoire en ces terres, surtout quand le témoin est paternel.
Exclu de famille pour mariage négligé, Lakhdar se perd, puis se raccroche à son époque par de petits gagne-pains, insertion à cette société en pleine mutation qui peut s'acharner sur les siens, alors qu'il l'a trouvé lui son chemin, dans la culture des lettres, et les amours avec fins.
Confrontation de trois mondes : le maghreb l'oriental et celui de Lakhdar,
entre les deux il vagabonde, mais finira par le franchir ce détroit de Gibraltar.

Terrible récit d'un magma de cultures brouillées,
la prose incite quand même à y voir plus clair,
et si le lecteur s'essaie à faire des vers,
c'est sûrement qu'il est tout retourné.
Excusez-le.
(nom de dieu)
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"J'étais sonné par la vitesse avec laquelle un monde peut changer."
Lakhdar, dont le prénom, donné par sa pieuse famille, porte le vert du Coran, se retrouve à la rue après avoir été surpris nu en compagnie de sa cousine Meryem. du jour au lendemain, ce jeune Marocain "sans histoire", ce "musulman passable" "avide de liberté", après avoir été SDF tel "un détritus vicieux esclave de ses instincts", revient sur Tanger et grâce au Cheick Nouredine devient libraire "du groupe pour la diffusion de la pensée coranique".
La librairie devient le QG du groupe durant le révolution de printemps.
Rejeté par les siens, manipulé avec son copain Bassam (devenu terroriste), après sa rencontre avec une étudiant espagnole Judit "plus belle que Cameron Diaz" et différents petits boulots de serveur pour une compagnie maritime à laveur de cadavres dans une entreprise de Pompes funèbres, il va fuir, sans titre de séjour mais sous mandat de recherche,vers Barcelone et sa Rue des voleurs.L'intérêt de ce roman outre sa trame historique( attentats au Maroc, victoire de l'islam en Tunisie et en Egypte,insurrection et grèves en Espagne) sur fond de violence et de haine, est de nous montrer que tout change d'un coup. Dans ce récit conté par Lakhdar devenu "l'intellectuel de la rue des voleurs", le lecteur se rend compte de l'obscurantisme qui rend aveugle des "hommes bien" (comme le père de Lakhdar)et pousse à la haine, ainsi que du fanatisme qui pousse à tuer. Lakhdar est écartelé entre son modernisme de jeune de vingt ans désirant de jolies filles et inscrit sur face-book et "l'océan" des beautés du Coran récité en vrille (son seul repère).Pris dans la tourmente de sa rage intérieure et de la mort qui le touchera de près,il y perdra son âme, se pensant courageux et se prenant pour l'un des "flics de romans noirs" qu'il a toujours rêvé d'être (telle est mon interprétation car je ne m'attendais pas à cette fin)
Est-il si facile de passer de la réalité à l'imaginaire, d'une paisible vie en famille au vide absolu? semble interroger l'auteur.
Mathias Enard, auteur habitué aux récompenses (La perfection de tir a obtenu le prix des Cinq Continents de la Francophonie, Remonter l'Orénoque a été adapté au cinéma, Zone a reçu le prix Décembre 2008 et le prix Livre Inter 2009, Parle-leur de batailles,de rois et d'éléphants a eu le prix Goncourt des lycéens 2010) obtiendra-il une énième récompense.
Je l'espère car Rue des voleurs est un beau portrait d'homme fragile cherchant désespérément l'amour et l'amitié, un roman fort, qui bouleverse, écrit de manière sobre et percutante à la fois!
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Rue des voleurs, voici une histoire que je conseille à tous.

Je parle d’histoire, car je n’ai pas lu le roman, mais écouté le livre audio. Neuf heures d’écoute dont je n’ai raté aucun mot.

Parlons d’abord de la voix d’Othmane Moumen qui est parfait dans cette lecture, car certes, il maîtrise la langue arabe, mais aussi parce qu’il a le don de jouer plusieurs personnages sans que cela paraisse artificiel. Aussi, lorsqu’il endosse le rôle d’un personnage féminin, son naturel rend la lecture fluide et agréable à l’oreille.

Ensuite, le texte en lui-même qui a du être précédé par un travail de recherche assez pointu. C’est là, le point fort de Mathias Enard, écrire de belles histoires qui se basent sur des faits réels.

Ici, le printemps arabe, vu par Lakhdar, un jeune marocain, chassé de la maison familiale, après avoir été surpris nu avec sa cousine Meryem. Une vie d’errance débute pour lui, SDF, il tente de survivre et c’est par chance qu’il retrouve son ami de toujours, Bassam. Ce dernier le présente au chef d’un groupe islamiste. Accueilli, il occupera la fonction de libraire le jour, la nuit, en compagnie de son fidèle ami, il écumera les bars et admirera les filles qui passent dans la rue. C’est ainsi qu’il rencontrera Judith, étudiante d’origine espagnole dont il tombera amoureux.

Difficile quand on a pas de visa de se rendre en Espagne, pays qui peuple ses rêves. Alors, il regarde sa bien-aimée s’en aller et tente de trouver un moyen de traverser. Mais, l’Europe est-elle réellement un eldorado pour un jeune sans papier ?

Je n’en dis pas plus, sachez juste que Lakhdar a vécu 10 000 vies en une seule, instruit, il a une vue très claire sur ce qui l’entoure et sur les conséquences que pourraient avoir certains de ses actes.

Rue des voleurs, c’est un roman sur l’espoir d’une vie plus simple que nourrissent beaucoup de jeunes magrébins, mais aussi sur la déchéance de l’Europe en pleine crise économique. C’est également une histoire d’amour ou plutôt devrais-je dire « d’amours », car Meryem ne quittera jamais ses pensées et bien sûr, une ode à l’amitié et un vrai périple initiatique.

Ce roman, ainsi que son auteur, rejoignent ma catégorie coup de cœur !

Lien : http://que-lire.over-blog.co..
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Lakhdar est un adolescent tangérois qui aime traîner avec son copain Bassam, reluquer sa belle cousine Meryem et lire des romans policiers. Avec cette littérature sans prétention, il apprend le français et un peu d'espagnol. le jour où ses parents le surprennent nu avec Meryem, sa vie éclate. « C'est une drôle de chose que la vie, un mystérieux arrangement, une logique sans merci pour un destin futile. » (p. 219) Désormais sans famille et écrasé du poids d'une honte dont il ne mesure pas encore l'ampleur, il fuit. Il trouve refuge dans la petite librairie du Groupe de la Diffusion de la Pensée Coranique et rencontre Cheikh Nouredine, personnage au charisme indéniable et aux desseins impénétrables. Il rencontre aussi Judit, une étudiante espagnole qui lui offre le troublant espoir de l'amour. Lakhdar est prêt à tout pour vivre autre chose que l'existence qui se dessine devant lui. « Parler franchement avec M. Bourrelier m'avait fait réaliser qui j'étais : un jeune Marocain de Tanger de vingt ans qui ne désirait que la liberté. » (p. 121) Il passe de la saisie kilométrique de textes à un bateau cargo pour finir dans une entreprise de pompes funèbres, chaque nouveau boulot étant plus déplaisant que le précédent. « Il n'y avait rien à faire, rien, on ne se libérait jamais, on se heurtait toujours aux choses, aux murs. » (p. 147) de Tanger à Barcelone, jusque dans la rue des Voleurs, Lakhdar court après sa vie alors que le Printemps arabe n'en finit pas de faire éclore des fleurs aux parfums d'espoir menteur. « Toutes ces Révolutions arabes sont des machinations américaines pour nous péter un peu plus les couilles. » (p. 193)

Mêlée de contes arabes et nourrie d'une profonde connaissance de la littérature orientale, l'histoire de Lakhdar est celle d'un Aladin malchanceux. Pas de princesse, pas de royaume pour lui. Condamné à être un voleur, Lakhdar devient peu à peu un criminel qui s'ignore. Voleur d'honneur, voleur d'argent, voleur de vie, le jeune Tangérois dérobe même son propre temps puisqu'il est sans cesse à courir après sa vie, cherchant à la justifier. « La vraie vie n'avait pas toujours pas commencé, sans cesse remise à plus tard. » (p. 218) L'existence de Lakhdar est un mauvais polar, sans les filles faciles, sans l'alcool robuste et sans les butins mirifiques. Pourtant, bien que découragé, le jeune homme emprunte la voie du crime, s'enfonçant inexorablement dans les bas-fonds d'une existence maudite par les tendres caresses d'un adolescent amoureux. « Après tout, n'étais-je pas enfermé dans un roman noir, très noir, il était logique que ce soient ces lectures qui me suggèrent une façon d'en sortir. » (p. 158)

Rue des voleurs m'a rappelé le très beau Partir de Tahar Ben Jelloun, mais en plus désespéré. Mathias Enard parle avec passion d'un Maroc ancestral, inscrit dans les lettres par les grands auteurs arabes, mais cette terre de légende s'effrite au contact du Maroc moderne, des rêves avortés de ses enfants et des menaces d'un terrorisme sournois. Rue des voleurs est un superbe roman, porté par un parfaitement maîtrisé qui chante comme un nouveau conte des milles et une nuits.
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Le fantôme du "Pain nu" rôde dans ce roman.Il rôde parce que Lakhdar, jeune marocain de Tanger évoque lui même M.Choukri, mais surtout parce que comme lui il est torturé par le carcan de la religion et l'ostracisme qui en découle au point d'être banni de sa famille et hanté par un secret qu'il découvrira trop tard. Il n'aspire qu'à une chose, la liberté de vivre sa jeunesse, de ne pas refouler toute cette sensualité et cette vitalité qui affleurent en lui. Comme cela s'avère impossible à Tanger il rêve d'évasion et contemple les rives de l'Andalousie avec son ami Bassam. La rencontre avec une jeune touriste espagnole va alimenter ce rêve et l'amener à poser des actes pour le réaliser. Nous sommes au moment du printemps arabe et même si Lakdhar aime la poésie et se plonge dans les romans policiers pour apprendre le français , sa réalité va bien davantage côtoyer la violence et la mort que la métaphore et la douceur des rimes. Contrairement Au Pain Nu, Rue Des Voleurs est écrit dans beaucoup plus d'émotion. le récit est moins brut et moins abrupt! J'ai beaucoup aimé cette quête de sens, d'identité chez Lakdhar, son cheminement à l'opposé du héros et pourtant si courageux et touchant dans les épreuves traversées. Mathias Enard sait nous transmettre le sentiment d'enfermement, de détresse de ce jeune marocain qui ne sait plus comment se définir et ne voudrait pas non plus être contraint de se limiter à une étiquette. Son seul véritable refuge est la lecture " la tour d'ivoire des livres, qui est le seul endroit sur terre où il fasse bon vivre."
Contrairement au Pain NU, et même si ce roman est écrit comme si cela était le cas, il ne s'agit pas d'une autobiographie. J'avoue avoir été un peu dérangée par le fait que M.Enard ne soit pas marocain alors qu'il écrit d'une voix qui laisse penser qu'elle émane de l'intérieur, alors qu'il s'agit d'un regard et d'une analyse extérieure. le fait que l'auteur soit un spécialiste de l'arabe et ait vécu longtemps au Moyen Orient explique certainement ce sentiment d'appartenance que j'ai perçu...Quoiqu'il en soit c'est un magnifique roman que je recommande vivement.
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Parce que Lakhdar, jeune marocain de 20 ans est surpris nu avec sa cousine, il reçoit une raclée magistrale de son père qui le chasse de la maison. Il n'héritera pas de l'épicerie familiale.. . du jour au lendemain, il est condamné à errer, à manger des fruits pourris, à trouver sa voie, à faire sa vie, dans un Maroc pauvre, avec peu de possibilités d'emplois. Il trouve après 2 ans d'errance, un emploi de libraire grâce aux islamistes. Il aime les livres, il est amateur de séries noires....
Dans un Maroc qui bouge, mais moins que les autres pays arabes, qui vivent le Printemps Arabe, les seules filles possibles sont soit les filles de la famille, interdites, soit les touristes qu'on regarde sans pouvoir les toucher.. le baiser public est puni. Un Maroc dans lequel les tentations islamistes se développent, qui n'offre pas de possibilité à sa jeunesse, sauf l'exil vers l'Europe.Ce gamin qui s'évadait par le rêve, grâce aux livres, de son Maroc écrasé par la tradition, va s'évader physiquement vers l'Europe après un court passage à Tunis.
Boulots d'exilés, sales boulots, exploitation, passeports conservés par l'employeur, pas de permis de travail, la débrouille, fantasmes amoureux sur les filles qu'on ne peut guère toucher... Exilé dans une Europe en crise qui elle aussi est sur le point d'éclater.
Un livre d'actualité, attentat de Marrakech, Indignés, crise en Espagne, Mohammed Mera, arrivée de la gauche au pouvoir en France, tentations islamistes.
Un livre "Coup de poing" empreint de pessimisme, le pessimisme d'une jeunesse qui cherche sa voie, des 2 cotés de la Méditerranée, qui peut basculer vers la violence, qui se cherche.
Comme Lakhdar .......
Un livre qui ne laisse pas indifférent, loin de là. A lire

Lien : http://mesbelleslectures.com..
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Entre les prix du livre Inter (Zone) et Goncourt (Boussole), Mathias Énard a réussi une fresque passionnante sur les pas d'un jeune Tangérois, terriblement attiré par l'Europe mais profondément attaché aux écrits des poètes arabes et à sa terre marocaine.
« Nous sommes des animaux en cage qui vivons pour jouir, dans l'obscurité… entre les putes, le Coran et Dieu qui était devenu un deuxième père, les coups de pied au derche en moins. » Lakhdar parle, raconte sa vie quotidienne, ses dix mois de cavale, 300 jours de honte après avoir fui sa famille car il avait été surpris avec sa cousine Meryem, nus tous les deux…
Son meilleur ami, Bassam, l'envoie dans une mosquée, chez des islamistes qui l'accueillent. le Cheikh Nouredine lui confie le rôle de libraire du groupe. le narrateur décrit son quotidien, les livres qu'il vend à la sortie de la mosquée, internet « Quand je me fatiguais du porno sur le web (un peu de péché ne fait de mal à personne), je passais des heures confortablement allongé sur les tapis », la lecture de l'arabe classique ainsi que des polars français achetés d'occasion.
Nous sommes en plein dans les révolutions arabes. Pour les amis de Lakhdar, le but est simple : prendre le pouvoir avec les élections libres puis islamiser les constitutions et les lois avec pour modèle, l'Égypte mais les agissements du Cheikh et de ses hommes vont plus loin. Des idées, on passe aux actes et le terrorisme fait de plus en plus de victimes.
Heureusement, il y a la rencontre avec Judit, étudiante barcelonaise dont Lakhdar tombe amoureux. Elle lui parle de Mohamed Choukri (1) : « J'ai été surpris d'apprendre qu'on étudiait ses romans en littérature arabe moderne à l'université de Barcelone. » Hélas, quand il se promène avec elle, à Tanger, « c'était recevoir, à à chaque coin de rue, une sérieuse quantité de mollards symboliques. »
Ibn Battûta, grand voyageur et écrivain du XIVe siècle, revient souvent dans le récit de Lakhdar qui se fait embaucher dans la zone franche pour travailler devant un écran douze à seize heures par jour : « On avait l'impression que toute la France, tout le verbiage de la France atterrissait ici, en Afrique. » Quand il demande à son employeur un travail dans son entreprise, en France, la réponse est cinglante : « Mais justement, si on est implantés ici c'est pour que ça coûte moins cher, pas pour envoyer les travailleurs en France ! »
Pour retrouver Judit, à Barcelone, Lakhdar devient homme à tout faire sur un ferry, employé de pompes funèbres clandestin pour les noyés du détroit de Gibraltar avant d'échouer dans cette carrer Robadors, la rue des voleurs.
Mais la violence monte, ce que l'auteur appelle « la spirale de la bêtise ». Hanté par ses souvenirs, profondément humain, il ne peut sombrer avec ces drogués, ces pouilleux, ces barbus de la mosquée, il dépasse toutes les cases dans lesquelles on tente de l'enfermer. Marocain, Français, Espagnol, musulman ? « Je suis plus que ça. »

1 : le Pain nu, grand roman de Mohamed Choukri, a été traduit en français par Tahar Ben Jelloun (Éditions François Maspero).


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Voilà un livre qui a habité mes trajets en voiture vers le boulot, puisque je l'ai écouté, plus de lu, mais je l'ai vécu, intensément... J'ai de suite été amené ailleurs, par la voix du narrateur, et j'ai volé jusqu'au Maroc, sans escale, de la plus belle des façons. L'histoire de ce jeune de 17 ans m'a touché au plus haut point... tellement que je n'avais qu'une hâte, c'était de me retrouver dans ma voiture pour le trajet du soir. L'histoire, je laisse le soin à d'autres d'en faire le résumé... J'ai simplement envie de vous dire que vous devez lire cette histoire. Déjà Énard m'avait séduite avec Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, avec Rue des voleurs, il m'a totalement conquise... Une écriture magnifique, poétique, pleine de douceur, mais très dure et crue aussi... Une oeuvre à lire !
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