Point n'est encore besoin de vanter les mérites de cette série ancienne les poètes d'aujourd'hui, dont voici le n° 160, dédié à un Hongrois.
Influencé par les symbolistes français, Endre Ady a eu comme thèmes de prédilection, Dieu, la mort, l'amour (pour une certaine Léda qui l'a suivi à Paris), mais aussi un engagement réel pour le peuple hongrois :
Je n'ai pas rechercher la gloire du martyre
Je n'ai voulu que suivre mon destin
Donner de moi-même et du fond du coeur
Ce rien méprisé, bafoué,
Mon âme révolutionnaire.
(extrait de « Je vous envoie mon coeur », p. 171)
Un poète à (re)découvrir.
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Mille désirs gourds seront-ils
Enfin une volonté forte ?
Hongrois, Roumain, Slave ? Le deuil
Reste le même deuil toujours.
Notre infamie et notre peine
Depuis mille et mille ans sont sœurs.
Pourquoi ne pas hurler ensemble
Aux barricades de l'idée ?
Danube et Olt ont même voix,
Même sourde rumeur de mort.
Malheur, dans le pays d'Árpád
À qui n'est seigneur et canaille !
Quand donc allons-nous nous unir,
Quand parlerons-nous haut et fort,
Nous, les opprimés, les brisés,
Les Hongrois et les non-Hongrois ?
(p. 99, extraits de "Chant des Jacobins hongrois")
Destin d'Arbre Hongrois
Dans mon âme l'Arbre Hongrois
Et ses frondaisons succombent, tombent :
Il faut que de même façon
Je sombre en frondaison, floraison.
Holà, oh las, de la Sylvanie,
D'un lieu de sylves j'ai surgi
Frondaisons au lieu d'oraisons,
Bien peu d'imploraisons.
À flots j'ai versé les fleurs,
Dans le bien, dans le mal je fus fleur :
D'autres eurent fruitières saisons,
Je n'eus que saisons de floraisons.
Anciens sont mes jours, en païen
Je reste toujours refus d'oraison :
Ne soyez jusqu'à la mort que tombante saison
Hongroise floraisons, frondaisons.
(page 101, adaptation d'Armand Robin)
À la grande baleine
O notre Dieu, farouche baleine
Qu'adviendra-t-il des modes présents ?
Ton large dos à la danse entraîne,
Ne bouge pas, il est si glissant.
Il est glissant, ce dos qui supporte
Et nos esprits et tout l'univers.
Pour seul présent, vois-tu, je t'apporte
Ma pauvre danse et mon cœur amer.
Mais cette peur qui me fend l'échine
Prends-la, Seigneur, au prix de mes biens.
En ta splendeur cruelle et divine
Dis que tu n'est ni juif ni chrétien.
Fais que ton dos me serve d'asile
Pour que mon corps y trouve un étai
Pour que mon corps ne batte fébrile
Pour qu'en dormant me vienne la paix.
Ou, pour toujours, fuis-moi qui t'exhortes
Ne flotte plus narquois et léger.
Voici déjà des étoiles mortes
Et sur mon front leur douce clarté.
(p. 98, adaptation de Paul Chaulot)
Sur les bords du Danube
Venu du Gange où mon rêve module
Midi, mirage au soleil qui rutile,
Mon cœur s'entrouvre en grande campanule,
Ma force tient en des frissons subtils.
Puits à bascule, auberges et gourdins
Pusztas, vacarme, ivrognes qui titubent ;
Baisers grossiers, tueurs de rêves vains,
Que fais-je ici sur les bords du Danube ?
(p. 79, adaptation d'Anne-Marie de Backer)
Confidences
Au pays des merveilles
Il n'y a sa pareille.
Son triste éclat de rire
Ce que je lui fais dire,
Oh ! Que j'aime son rire !
Elle a choisi pour naître
La grandeur de mon être.
Ses défauts je les aime
Mieux que sa bonté même
Oh ! Que sa bonté même,
Oh ! Comme je les aime !
Cet amour me pénètre
Des splendeurs de mon être
Et d'une foi d'apôtre
Dans quelqu'un, dans une autre
Oh ! Comme j'aime l'autre !
(p. 161, adaptation de Guillevic)