Hitman, tome 2 : Ten Thousand Bullets

Ce tome fait suite à Rage in Arkham. Il contient les épisodes 4 à 8, ainsi que le numéro annuel 1 (parus en 1996/1997).

Épisodes 4 à 7 - le contrat sur la tête de Tommy Monaghan (passé par Moe Dubelz) court toujours. Johnny Navarone (un tueur à gages n'ayant jamais failli à sa mission) vient d'arriver en ville pour toucher le pactole. le lieutenant Nicky Lincoln (un policier ripou) propose un contrat à Hitman : liquider un superhéros (appelé Nightfist) qui s'en prend aux dealers pour leur voler leur camelote et la revendre à son compte. Natt Walls (le meilleur pote de Tommy) est de retour en ville. La relation intime entre Tommy et Wendy arrive à un point crucial.

Épisode 8 - Cette histoire se déroule pendant le crossover The final night (un extraterrestre menace d'engloutir notre soleil). Tommy et ses potes sont tranquillement barricadés chez Noonan (un bar). Pour passer le temps, chacun d'entre eux raconte le moment de sa vie où il a eu la plus grosse trouille.

Numéro annuel 1 de 1997 (dessins de Carlos Ezquerra et de Steve Pugh) - En 1997, DC Comics a l'idée de rassembler tous les numéros annuels sous une même thématique : raconter une histoire s'inscrivant dans la tradition des pulps (récit d'aventure américain bon marché de la première moitié du vingtième siècle). Évidemment, Garth Ennis triche un peu en rendant hommage aux westerns spaghettis de Sergio Leone en envoyant Tommy Managhan à Tiburon, une ville proche de la frontière mexicaine, où 2 factions ennemies sont à la recherche d'un cercueil remplis de dollars.

Au départ, je n'attendais pas grand-chose de cette série écrite par Garth Ennis dans la première moitié de sa carrière, au beau milieu de l'univers partagé DC. Quel manque de confiance ! avec ce tome, la dynamique de la série commence à s'enclencher pour de bon, et Garth Ennis prouve qu'il repoussera toutes les limites de ce qu'il est possible d'envisager, sans avertissement spécial sur la couverture, et sans courber l'échine devant les surhommes en collants moulants. Pour commencer, Tommy Monaghan reste un tueur à gages. D'accord, il n'accepte les contrats que sur des individus dotés de superpouvoirs et dont il réprouve le manque de valeurs morales. Mais les individus normaux autour de lui réagissent mal quand ils prennent conscience de la véritable nature du métier de Tommy. Ennis oppose bien ce tueur conscient de ses actes, aux valeurs morales traditionnelles présentes dans les comics de superhéros. le lecteur ne peut pas confondre Monaghan avec un gentil superhéros. D'ailleurs dans ces épisodes, l'utilisation de ses superpouvoirs est très anecdotique, voire quasi inexistante. Et pour bien marquer la différence entre Tommy et les superhéros, il passe son temps à échanger des histoires avec ses potes pendant "Final night" plutôt que de rejoindre la communauté de superhéros pour apporter sa contribution à la lutte.

Garth Ennis place Tommy Monaghan à part de la masse des superhéros, et il raconte des histoires avec un ton humoristique qui marie l'humour un peu gras, avec l'humour servi bien noir. Tommy lui-même apparaît comme un individu peu angoissé, et très décontracté. le ton général est donc à la plaisanterie, sans aller jusqu'à la grosse farce bien crade. Garth Ennis offre à ses lecteurs des moments dont il a le secret : meurtre de sang-froid, massacre de ninjas ridicules, individu doté de superpouvoirs se faisant passer pour un superhéros (dont l'apparence évoque fortement celle de Shadowhawk de Jim Valentino), les soirées au bar entre potes, les souvenirs de guerre, l'évocation des westerns spaghettis de Sergio Leone, des tueries bien fournies, etc.

Les dessins de John McCrea continuent d'osciller entre les habitudes des comics traditionnels, et une approche plus adulte. Parmi les mauvaises habitudes lassantes, il y a ce désintérêt manifeste pour les décors, avec des pages qui en sont dépourvus. Ce raccourci permet au dessinateur d'avoir moins de travail à faire pour rendre ses planches en temps et en heure, mais lorsqu'il est mal dosé il finit par rompre le charme de l'immersion dans le récit. Pour le reste l'encrage un appuyé et rugueux confère aux images une noirceur qui complémente le récit. Par comparaison, les pages de Carlos Ezquerra sont plus sophistiquées et plus efficaces, plus incisives. Celles dessinées par Steve Pugh comprennent un encrage un peu plus arrondis qui jure par rapport aux 2 autres dessinateurs.

Avec ce tome, le lecteur constate que Garth Ennis ne déroule pas une série commerciale inféodée à l'univers partagé des superhéros DC, mais qu'il a créé une série moins sombre que celle du Punisher ou du Preacher, tout en étant tout aussi subversive, poil à gratter avec un humour politiquement incorrect, et également placée sous le signe de l'amitié virile. Les illustrations s'inscrivent dans un registre adapté au récit, sans rondeur enfantine, avec une puissance de choc suffisante. Tommy continue de prendre l'univers DC à rebrousse poil dans Local Heroes (épisodes 9 à 14).