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sur 426 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
J'ai fait connaissance avec Louise Erdrich grâce à "Celui qui veille", il n'y a pas si longtemps. Je savais que je reviendrai vers elle un de ces jours, d'autant que j'avais pris note de quelques-uns de ses romans. "La sentence" n'en faisait pas partie mais une dame à la bibliothèque me l'a si bien vendu, que j'ai vite succombé.

L'autrice garde son sujet le plus cher, en nous dévoilant une fois encore une partie de son histoire culturelle, celle des Amérindiens. Et elle passe ici par le personnage de Tookie pour nous y transporter. Tout commence lorsque cette dernière est en prison, condamnée à 60 ans d'enfermement. Heureusement pour elle, elle n'en fera pas autant, ce qui lui laissera l'opportunité de devenir libraire. Tookie a eu un vécu plus que tourmenté, mais elle a aujourd'hui une vie mieux rangée et plus tranquille. Elle est mariée, a une fille adoptive avec qui le courant passe difficilement mais qui est en passe de s'arranger, et elle exerce un métier qui la passionne au milieu des livres qu'elle dévore. Mais ce petit train-train va se retrouver un peu bousculé lorsqu'une de ses clientes décède et se met à hanter la librairie. Et si le fantôme de Flora n'est pas le plus inquiétant des fantômes, il finira tout de même par aller trop loin...

Ne vous méprenez pas, nous ne sommes pas dans un livre dit de "fantastique". Il y a effectivement une dimension surnaturelle mais elle est là pour mieux servir l'histoire et les croyances autochtones. Parce que le récit est hautement réaliste, bien ancré dans la réalité actuelle. Après que Tookie nous ait raconté son passé familial et les raisons de son incarcération, c'est son quotidien à la librairie qui prend le pas, avec sa vie de famille, ses relations avec ses collègues et la clientèle. Elle-même amérindienne, elle est entourée de personnes ayant le même héritage culturel. On est donc au fait de certaines croyances, traditions et rituels, d'autant que la librairie (dont la propriétaire se nomme Louise et est auteure d'un roman s'intitulant "Celui qui veille"...) s'est spécialisée dans la littérature amérindienne.

Ancré dans la réalité vous disais-je, oui, ce roman l'est sans aucun doute. En-dehors de tout ce qui tourne autour de Flora et de ce qui la lie à Tookie, bon nombre de sujets d'actualité ont leur importance dans le déroulement des événements qui touchent les protagonistes, tels que les difficultés des librairies indépendantes et plus globalement des commerces de proximité, la Covid-19 et les émeutes survenues suite au meurtre de George Floyd. Et c'est au milieu de tous ces faits réels que nous suivons les protagonistes dans leur propre histoire, protagonistes tous plus intéressants les uns que les autres.

Tookie a évidemment une place centrale, puisque tout (ou presque) nous est conté de son point de vue. J'ai aimé ce personnage, sans vraiment m'y attacher. Elle dégage une certaine aura rendant le récit de plus en plus happant, alors qu'à bien y regarder il ne se passe pas grand chose. Les autres personnages sont tout aussi énigmatiques et intéressants. J'ai particulièrement aimé Pollux, qui dégage une forme de sagesse et de sensibilité qui ne laisse pas indifférent. Il y a tout un petit monde qui gravite autour de Tookie, certains sont davantage mis en avant que d'autres mais tous apportent quelque chose à l'histoire.

"La sentence" n'est pas un livre d'action. Les personnages sont ancrés dans un quotidien routinier, quelque peu perturbé par les événements sociétaux (pandémie et émeutes) et évoluent peu au final. D'ailleurs, nous ne sortirons pas de Minneapolis, tout et rien s'y déroulent et je m'en suis contentée avec plaisir. La plume de l'autrice est à mon sens et par moments un peu trop détachée de ses personnages, non pas qu'elle manque de sentiments, disons plutôt qu'elle est sans doute trop implicite. Toutefois, elle écrit merveilleusement bien et je ne lui en ai pas tenu rigueur bien longtemps.

Je viens de passer un très bon moment grâce à ce roman lent et riche tout à la fois, qui fourmille de références littéraires en tout genre, qui prône les bienfaits de la lecture, qui aborde des sujets divers mêlant fiction et réalité et dont les personnages ont su s'imprégner (culture autochtone, racisme, amour, amitié, famille, passé douloureux ou honteux, covid, émeutes et violences policières).

Et pour finir, il me faut prévenir que ce roman est à lire le ventre déjà bien plein. Il y a une telle profusion de plats et de nourriture qu'il a vite fait de vous ouvrir l'appétit. D'ailleurs c'est simple, j'ai eu faim tout au long de ma lecture, et ça fait deux jours que j'ai des envies de gâteau au chocolat !
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J'avais quitté Louise Erdrich un peu ronchon après la lecture de Celui qui veille et en attaquant La Sentence - traduit par Sarah Gurcel - c'est peu de dire qu'une certaine appréhension m'accompagnait. J'avais tort.

Dès le début, on est séduit par ce ton léger et badin qui accompagne le récit de la vie de Tookie, autochtone au passé compliqué passée par la case prison, devenue libraire dans le à Minneapolis dans le Minnesota (tiens, tiens…) et vivant paisiblement auprès de Pollux, policier Potawatomi qui autrefois l'arrêta.

Pendant une centaine de pages, Erdrich prend le temps d'installer sa trame, avec drôlerie et légèreté, laissant son lecteur se demander où tout cela va nous mener. Et puis Flora, une fidèle cliente de la librairie meurt, mais son esprit demeure. Et puis, le confinement survient. Et puis, George Floyd est assassiné, et la ville puis le pays s'embrasent.

Et c'est alors que doucement, sans prévenir, le charme de la Sentence opère et je me suis laissé embarquer dans cette jolie histoire d'esprits, d'identité, de vie et de mort, de liens et de traditions qui nous façonnent et parfois nous enferment quand on ne sait pas trouver le chemin pour les rendre libératoires.

Là où d'autres ont tenu leur journal de bord du confinement, Erdrich en fait un roman intime et touchant qui, s'appuyant sur le rôle « essentiel » qu'ils ont joué pendant la pandémie, est une déclaration d'amour aux livres, à ce qu'ils transmettent entre les êtres et aux libraires, passeurs de ces transmissions.

Certains jetteront peut-être l'éponge devant ce qui peut, un peu, ressembler à un livre fourre-tout, mais ceux qui s'y laisseront couler, y trouveront un ensemble qui fait délicieusement sens et un des meilleurs livres de l'auteure.

« On trouve dans les livres tout ce qu'il faut savoir, sauf l'essentiel. »
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Tookie, une amérindienne assez paumée, se retrouve en prison pour 69 ans après une délirante histoire de vol de cadavre auquel s'ajoute, à son insu, un trafic de drogue. Pollux, un policier, amérindien lui aussi et ami d'enfance de la jeune femme, l'arrête. Elle bénéficiera finalement d'une libération conditionnelle. À sa sortie de prison, elle trouvera un travail dans une librairie indépendante dont la propriétaire se prénomme Louise, et elle se mariera avec Pollux. Tout se passe aussi bien que possible pour cette lectrice passionnée jusqu'à la mort de Flora, une cliente de la librairie, blanche mais passionnée de culture amérindienne au point de se chercher des ascendances autochtones, autrement dit une « wannabe ». le fantôme de Flora vient hanter la librairie et ne laisse plus Tookie en paix. Que faire pour se débarrasser de cet esprit envahissant, sans le froisser, bien sûr ?
***
Louise Erdrich est elle-même propriétaire d'une librairie indépendante, Birchbark Books, spécialisée dans la culture amérindienne, mais pas que, à Minneapolis dans le Minnesota. D'une part le roman est ancré dans la réalité est se veut parfaitement réaliste et actuel : le sort des autochtones, le racisme, les difficultés des femmes et, qui plus est, des femmes autochtones, le Covid, le meurtre de Georges Flyod, les émeutes qui ont suivi, etc. D'autre part, le respect des anciens, les centres d'intérêt de Pollux, l'attachement aux traditions, l'importance des esprits et, bien sûr, la présence du fantôme de Flora, tirent l'oeuvre vers l'irrationnel et la magie. Parmi les proches de Tookie, personne ne doute de ce qu'elle vit, mais tous se demandent ce que veut Flora et tous estiment nécessaire de rester prudents : c'était une emmerdeuse de son vivant, il est indispensable de se méfier de ce fantôme dont on ne connaît pas les désirs ni les intentions.
***
J'ai été séduite par le personnage de Tookie, particulièrement peut-être par sa lucidité : elle se sait moche et le dit ; consciente de ses carences, elle porte un regard sans concession sur elle-même et sur les autres. Cependant, elle reconnaît ses torts, se montre généreuse, pardonne… Parmi les 4 ou 5 romans de Louise Erdrich que j'ai lus jusqu'à ce jour, c'est celui qui fait le plus de place à l'humour et à la littérature. On a parmi les personnages de grands lecteurs : Tookie, bien sûr, dès l'école et en prison, ainsi que les libraires elles-mêmes qui parlent souvent de leurs lectures entre elles et aux clients. Et on se rendra compte au fil de la lecture de l'importance particulière que prendra un certain livre. La Liste de lecture partiale est une vraie mine. Un regret pourtant : un seul Français je crois, Stendhal, c'est maigre… En vrac, quelques étonnements, émerveillements ou éclats de rire : de jolis mots-valises (intellocthone, entre autres), les surnoms amusants et parlants dont sont affublés les clients, les scènes magnifiques et magiques avec le bébé ou avec Pollux, la mise en abyme et les confidences qu'occasionnent la librairie de Louise, l'indicible culpabilité d'Herta et un surnom de Trump que je ne connaissais pas : Orangino ! Un bon moment de lecture.
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Une jeune femme, paumée, accepte, par amour, de transporter le cadavre d'un ami dans un camion frigorifique. Problème, en fait, le corps cachait de la drogue. Elle écope d'une peine de prison longue, très longue. le temps de comprendre et digérer cette « sentence ». Grâce à un dictionnaire, le premier d'une longue série de livres.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Tookie, le personnage central de ce roman, qui dit « je » et nous raconte son histoire, est cash. Elle est à fleur de peau : passé de droguée, complètement perdue ; passage en prison rédempteur d'une certaine manière. Mais cela n'enlève rien au caractère entier de cette femme qui se crée un passage dans la vie à coup d'épaules malgré les incertitudes. Elle n'est pas du style à se jeter des fleurs, comme le montrent les premières lignes dont j'ai parlé dimanche dernier : « je peux vous dire ceci : je suis moche. Pas comme ces héroïnes de films ou de romans écrits par des hommes, dont la beauté se révèle soudain, aussi éblouissante qu'édifiante. Je n'ai rien de pédagogique. Et pas non plus de beauté intérieure. » Les choses sont claires, Tookie ne nous fera pas le coup de la blonde évaporée qui s'extasie sur tous et toutes. Elle est fragile et ses fêlures ressortent régulièrement, amplifiant les coups qu'elle reçoit de la part du monde.

Et des coups, elle va en recevoir. Pour commencer, elle est amérindienne. Ce qui n'est pas vraiment un avantage dans des États-Unis où subsistent des relents de racisme (comme en France et ailleurs). Elle travaille dans une librairie spécialisée dans les livres traitant des Indiens d'Amérique : romans autochtones, poésie autochtone, témoignages autochtones,… Les ventes sont dans l'ensemble juste correctes avec des hauts et beaucoup de bas. Donc précarité financière. Et à tout cela vont s'ajouter le Covid et le meurtre de George Floyd. Car Tookie vit et travaille à Minneapolis, ville où s'est situé ce dernier drame.

Sans parler du fantôme. Car si je suis allé vers ce roman, alors que je ne connaissais absolument pas Louise Erdrich malgré son prix Pullitzer (Celui qui veille, 2021) et sa longue carrière d'écrivaine, c'est parce que j'en avais entendu parler dans des forums de SFFF. On évoquait son côté fantastique. Et, indéniablement, ce côté est présent. Sous les traits de Flora. Flora est une femme dont on apprend la mort page 49. Mais qui va emplir ce roman de sa présence étrange, voire terrifiante. Alors on n'est pas dans un livre d'horreur. Pas de scène sanglantes ou atroces. Mais certaines apparitions de ce fantôme peuvent mettre un peu mal à l'aise ? Une surtout. Cependant, Flora n'est pas le centre du récit, juste un élément qui revient de chapitre en chapitre et disparaît quelques temps. Il faut que l'on comprenne qui elle était de son vivant et ce qu'elle peut bien vouloir obtenir en hantant la librairie où travaillent Tookie et ses collègues et amies. L'occasion de plonger, indirectement, dans l'histoire de certains peuples indiens, dont les Ojibwés, les Dakotas, les Métis. Et les massacres et traitements indignes qu'ils ont subis. Comme lorsque certains Blancs allaient récupérer leurs cadavres pour faire de leurs squelettes des sortes de sculptures. Sans aucun respect pour les morts. Presque incroyable… et pourtant.

Et c'est ce que j'ai apprécié dans ce roman. J'y ai appris des choses. Plein. Et cela m'a donné des envies. Plein. Je ne sais pas celles que je réaliserai, mais un roman qui créé en moi des désirs de découvrir autre chose, ça me plait. Par contre, la narration manque, à mon avis, de structure. On suit Tookie dans son quotidien, à travers ses errances, ses réflexions, sa vie. Et parfois, l'ensemble paraît bien décousu. Mais cela ne m'a pas gêné tant j'ai adhéré rapidement au personnage et à son caractère fantasque, excessif. J'ai donc pris le récit comme il venait, sans me formaliser de certains raccourcis, de certains changements de cap.

En plus, Louise Erdrich possède des goûts littéraires qui me plaisent. Elle distille au cours du récit plusieurs titres d'ouvrages ou d'auteurs qui lui plaisent (ou non, d'ailleurs : les oreilles de certains doivent siffler). Dont celui d'Octavia E. Butler et de sa trilogie Xenogenesis que je suis en train de lire au fur et à mesure des publications : L'Aube et L'Initiation. On trouve à la fin du livre une « liste totalement partiale des livres préférés de Tookie ». Subjective à souhait !

La Sentence, si elle n'a pas été un coup de coeur, a été un beau moment de lecture pour moi. Avec des fulgurances qui m'ont fait regarder dans le vide durant plusieurs minutes, le temps de profiter au maximum des derniers mots lus. Avec aussi des passages au rythme bancal qui m'ont fait me demander où j'allais. Mais le bilan est globalement positif et je suis ravi des moments partagés avec Tookie, Pollux, Asema, Hetta et les autres. J'ai maintenant envie de lire d'autres romans de Louise Erdrich. Et d'en savoir plus sur les Ojibwés. Et d'aller dans cette ville de Minneapolis, tester les soupes qui ont fait les délices de Tookie, un bon livre dans la poche.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Tookie, une femme amérindienne , pour aider des copines dans un contexte de consommation de drogue, accepte de transporter un cadavre à travers 2 états, cela lui vaudra une condamnation à 60 ans de prison car, à son insu, le corps cachait de la drogue .

Lors de son séjour pénitentiaire, elle reçoit de Jackie, une ancienne professeur , un dictionnaire. Ce sera sa bouée de sauvetage et le début d'une nouvelle vie lorsqu'elle bénéficie d'une libération anticipée,.

Elle est embauchée dans la librairie où travaille Jacky et épouse Pollux, un ami de longue date , mais c'est aussi le policier qui l'avait arrêtée.

Le roman part ensuite dans une direction différente avec la vie à la librairie, les livres qu'elle conseille et les clients qui fréquentent le lieu , même une fois morts, puisque Flora continue de parcourir les allées , de déranger les livres des rayons alors qu'elle est décédée subitement.
Cette apparition persistante et dérangeante perturbe grandement Tookie .

Cette partie de l'histoire se déroule en 2020 et on assiste à la chronique riche de cette année là avec d'une part la mort de Georges Floyd qui va beaucoup secoué la ville de Minneapolis dans laquelle vit Tookie puis le confinement .

On peine parfois à suivre un fil directeur dans ce récit un peu protéiforme mais j'en retiens plusieurs choses:
le pouvoir de la littérature pour accrocher sa vie à quelque chose de solide et aux autres , l'ambivalence du peuple amérindien, beaucoup vivent dans les villes et sont en même temps fidèles à leur croyances et rites dont ils sont fiers mais , comme avec la mort de Georges Floyd , comprenant parfaitement qu'ils restent "différents".

Je me suis attachée à l'héroïne, Tookie , une femme au passé compliqué avec une enfance difficile , consciente de ses propres démons mais capable de voir autre chose qu'un avenir sombre , de s'ouvrir à la tendresse grâce à un nourrisson et à laisser un peu d'amour pénétrer dans son coeur qu'elle croyait fermé .
Un récit que j'ai trouvé différent de ceux que j'avais déjà lu chez Louise Erdrich, sans doute plus profond dans ses propres interrogations et sur la quête de ses origines .

Lu en Novembre 2023
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Prix Femina étranger 2023, le nouveau roman de Louise Erdrich nous plonge dans les racines et les démons de l'Amérique avec un roman plein de mystère qui jette un oeil acéré sur L ADN des États-Unis. Il se passe dans une librairie de Minneapolis, l'année où George Floyd est mort en direct dans cette même ville, sous les yeux du monde entier, et où la pandémie a bouleversé nos existences.

Louise Erdrich nous emmène à la rencontre de Tookie, une jeune femme condamnée à 60 ans de prison pour avoir déplacé un cadavre rempli de drogue. En prison, elle est sauvée par les mots et lorsqu'elle obtient une remise de peine, elle décide à sa sortie de devenir libraire.

Un roman à lire et relire, et à garder sous la main en cas de moment de doutes : dans ce texte d'une grande puissance, il y est question des minorités indiennes mais aussi noires, du racisme ambiant aux Etats-Unis, de la gestion et de la vie lors de la pandémie du COVID, de nos actes et des fantômes qui nous hantent, de l'amour et des livres qui nous changent même si "On trouve dans les livres tout ce qu'il faut savoir, sauf l'essentiel."




Avec le talent et la puissance qu'on lui connaissait déjà mais qui n'avait peut être jamais une telle ampleur, Louise Erdrich écrit un grand livre sur l'Amérique face aux démons de son passé.

Mais ce roman a quelque chose de particulier, c'est l'occasion pour Louise Erdrich de célébrer les mots, le pouvoir des livres et de la littérature, mais aussi et surtout ces lieux uniques que sont les librairies comme le rôle irremplaçable de celles et ceux qui les animent.

Un immense coup de coeur de cette fin d'année.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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C'est un long roman, très addictif si on rentre dans l'histoire.
L'histoire de Tookie commence pour nous le jour où elle transporte un cadavre, pour rendre service à une amie. Si franchir un état avec un macchabée est interdit, c'est parce qu'il avait les aisselles bourrées de cocaïne qu'elle écope de 60 ans de prison.
En détention Tookie reçoit un dictionnaire, un bien précieux qui lui sera enlevé à l'isolement. Qu'importe " j'ai découvert que j'avais, sans le savoir une bibliothèque dans la tête. Elle contenait tous les bouquins que j'avais lus de l'école primaire à l'université, plus tous ceux qui m'avaient obsédée par la suite."
Sept ans plus tard son avocat la fait sortir de prison. La peine" Commuée...en purgée".
A sa libération elle se marie avec Pollux, le flic qui l'avait arrêtée. Ils ont en commun leur origine amérindienne . Ils adoptent une nièce, Hetta.
Tookie trouve son premier emploi dans un petite librairie qui sent bon la bonne humeur et les herbes aromatiques.
C'est une équipe de fous de livres qui tient boutique.
Flora une cliente assidue et envahissante meurt. Elle revient tout doucement hanter la librairie. Tookie en est dérangée, oppressée. Flora semble la narguer...et on y croit.
La vie de Tookie défile dans une ville qui va exploser à la mort de Georges Floyd, avec le COVID qui change toutes les données de la vie et avec le retour surprise d'Hetta avec un bébé sans père.
Okay ça vous paraît bien touffu, mais Louise Erdrich, avec son style riche et fluide monte une très belle histoire.
Il y a l'amour, la fidélité, les traditions amérindiennes, l'amour des livres, l'Amérique profonde avec tout ce qu'elle a de beau et de laid.
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Louise Erdrich creuse, roman après roman, un sillon qui lui est propre : la condamnation des injustices subies par la communauté amérindienne hier et aujourd'hui encore. « La sentence » son nouveau roman paru chez Albin Michel, dans la très belle collection Terres d'Amérique, s'inscrit dans un espace temporel contemporain du meurtre de George Floyd suite à des violences policières. le racisme systémique sévissant aux Etats-Unis est le prisme choisit pour entamer l'angle d'approche de « La sentence. » Condamner, dénoncer, se révolter, les années passent mais l'âme frondeuse de l'autrice est toujours belle et bien là. A cette thématique s'ajoute un questionnement tout aussi intéressant : et si les romans pouvaient, seuls, nous aider à affronter, à mieux saisir, à se confronter aux injustices de ce monde ? La librairie comme espace de débat et outil politique d'appréhension, de compréhension du monde ? le roman comme objet de révolte et d'indignation, espace de témoignage à nul autre pareil. le personnage de Tookie, une quadragénaire amérindienne employée dans une petite librairie de Minneapolis est le parfait exemple des êtres peuplant les romans de Louise Erdrich. Tookie a une vie difficile alors quand en plus, elle devient sujette à entendre et voir une fidèle cliente décédée la coupe est pleine. Les racines amérindiennes renvoient à une culture qui a ses propres modes de pensées avec notamment cette place offerte au surnaturel, aux signes de l'au delà, au poids des ancêtres. le personnage de Tookie est attachant justement pour ses errances et ses nombreux aller et retour dans des questionnements personnels ou plus politiques. le contexte du roman est intéressant, la trame narrative et le style d'écriture finissent de nous convaincre d'être en présence d'un très bon cru signé Louise Erdrich. Ce n'est pas son meilleur roman, mais si vous aimez cette autrice, vous allez vous régaler.
Lien : https://thedude524.com/2023/..
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Parce que l'amour la rend aveugle, parce qu'elle a vraiment abusé de drogues ce jour là, parce que son idée lumineuse l'entraîne sur des sentiers chaotiques, Tookie fait les mauvais choix. Elle se retrouve inculpée de trafic de cadavres, d'organes et de vol aggravé. Incarcérée pour 30 ans… Elle en fera moins, et sa vie reprendra doucement, difficilement, courageusement son cours…

Première rencontre avec l'écriture et l'univers de Louise Erdrich, La sentence est un roman d'une grande force. C'est un mélange entre amour, révolte, dénonciation, humour et cri du coeur. C'est une ode à la vie, au respect, aux livres et aux histoires qui nous façonnent.

Tookie est un personnage qu'on pourrait croire sortie de notre quotidien. Elle est à la fois attachante, énervante et drôle. Elle est forte, courageuse, mais aussi perdue et terrifiée. Cette femme est habitée par les combats qu'elle a mené et tous ceux auxquels elle doit encore faire face. L'amour de Pollux et les livres qui l'entourent la maintiennent debout.

Tookie affronte des fantômes, ceux de son passé, mais aussi l'ombre de Flora qui la hante dès qu'elle passe la porte de la librairie. Les mots l'emprisonnent, la questionnent, la soulagent et la libèrent.

La sentence est baignée de langue ojibwée, de rites et de croyances. Elle est habitée par le territoire des Dakotas, par ces histoires de sang, de dépossession et d'asservissement sur lesquelles s'est construit ce pays de libertés…
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Difficile quand on est une lectrice compulsive de ne pas se délecter d'un roman dont l'intrigue se déroule disons à 70% du temps entre les murs d'une librairie, où la majorité des personnages principaux sont libraires ou lecteurs et qui - cerise sur le gâteau - offre sept pages de listes d'ouvrages conseillés par la propriétaire de la librairie, une certaine Louise. Cette librairie de Minneapolis est devenue la deuxième maison de Tookie, embauchée après sa sortie de prison. Deuxième vie, seconde chance pour Tookie : un mariage avec Pollux ancien flic et gardien des traditions amérindiennes, son travail à la librairie qui la passionne et puis Hetta, la nièce-fille de Pollux qui pourrait bien éveiller en elle quelque sentiment maternel. Encore faudrait-il accepter d'enterrer le passé, s'autoriser à mériter un peu de bonheur ; pas simple dans une ville bientôt à feu et à sang après la mort de George Floyd. Encore moins lorsque le fantôme de l'une des meilleures clientes de la librairie, récemment décédée, revient hanter les lieux et plus particulièrement le sillage de Tookie. Il semble que des choses restent à régler, il faudra trouver quoi.

Si le roman embrasse beaucoup de thèmes liés à la famille, aux origines, au racisme et à l'intolérance, offrant une plongée à 360° dans le mal-être - et ses origines - des populations amérindiennes, le personnage de Tookie suffit à emporter l'adhésion du lecteur tantôt révolté, tantôt ému mais toujours en empathie. Néanmoins, le supplément d'âme du livre se situe dans cette librairie, dans les rapports qu'il révèle entre libraires et lecteurs, les liens singuliers qui se tissent. Véritable carrefour, lieu de vie et miroir des noeuds de tension qui persistent à l'extérieur. Fragile îlot de tranquillité pendant que sévissent Covid et manifestations violentes. de ces lieux qu'il est vital de préserver. A l'image du parcours de Tookie, des visites du "Mécontentement" le client le plus exigeant de la librairie, des errements du fantôme de Flora dans les rayonnages de la réserve, La Sentence est une ode au pouvoir réconfortant, voire rédempteur de la littérature, source de connaissance autant que de plaisir. C'est un plaisir de noter les nombreuses références disséminées dans les pages, de s'amuser des noms des piles de Tookie ou de chercher comment établir sa propre liste de "courts romans parfaits" ; le seul hic étant la somme des envies que génère cette lecture, une seule vie n'y suffira sans doute pas.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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