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sur 268 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Terrible maladie d'Alzheimer!!! Mélange de déchéance, de tristesse, d'amour filiale plus fort que tout. Histoire qui à peine écrite nous donne tous les détails a venir, pas de suspens, pas d'éclaircies, pas de rémission, juste la recherche d'un accompagnement le plus beau possible. Voilà tout ce que ce petit « carnet de notes » nous donne sans pudeur mais avec amour écrit sur chaque page!
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🌑 « « Je ne suis pas sortie de ma nuit » est la dernière phrase que ma mère a écrite. »
(P.13)

Annie Ernaux a 44 ans lorsqu'elle est confrontée à la maladie d'Alzheimer, dont sa mère est atteinte. Consciente de la gravité de la pathologie, démunie face à cette mère jadis si forte, elle décide de collecter dans un carnet des moments clés, des instants d'une banalité insignifiante, le quotidien d'une femme dont la vie s'échappe petit à petit…

🌑 « J'ai peur qu'elle meure. Je la préfère folle. »
(P.20)

L'angoisse. La peur. Les pages de ce récit en sont habitées. Annie Ernaux livre sans réfléchir, sans embellir, sans enlaidir : elle ne veut dire que la vérité, sa vérité, la maladie qui emporte, qui déstabilise et avilit, la déflagration à l'intérieur, la force qu'il faut pour tenir le cap, ne pas flancher.

🌑 « Son menton est tombant, sa bouche est ouverte. Jamais je n'ai éprouvé autant de culpabilité, il me semblait que c'était moi qui l'avais conduite dans cet état. »
(P.65)

A tous ces sentiments contraires s'ajoute la culpabilité : celle de ne pas pouvoir être là, tous les jours, de devoir « abandonner » sa mère à des inconnus, des étrangers qui l'abandonnent à leur tour à son sort, et qui accélèrent sa chute. Pourtant femme, la mère redevient un enfant fragile, insouciant, résigné.

🌑 « Je ne sais pas si c'est un travail de vie ou de mort que je suis en train de faire. »
(P.99)

S'agit-il de littérature ? Pourquoi rédiger ces mots, dépourvus de toute mise en beauté, sinon pour consigner la peine, une thérapie nécessaire, le besoin de s'accrocher à la vie et un jour, plus tard, se souvenir qu'elle existait, que malgré la maladie, malgré la déchéance, cette femme était vivante, elle vivait, se souvenait, riait, pleurait. Elle était là.

🌑 « Quand j'écrivais sur elle après les visites, est-ce que ce n'était pas pour retenir la vie ? »
(P.110)
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« Quand je revenais de mes visites, il fallait que j'écrive sur elle, son corps, ses paroles, le lieu où elle se trouvait »

C'est donc ce « carnet » intime d'Annie Ernaux que je viens de lire ; Les dernier mois de sa mère, malade de l'Alzheimer, placée en maison spécialisée à Pontoise.
Ses visites sont rythmées par les soins qu'elle doit donner à sa mère ; lui couper les ongles, la raser, la changer… et les paroles cinglantes qu'elle doit entendre et subir de la part de la pauvre femme qui perd les pédales…

Dans la poursuite de ma découverte de l'oeuvre d'Annie Ernaux, dont je suis devenue une inconditionnelle, j'ai lu ce court roman… un condensé de souffrances mais aussi de souvenirs et d'amour.

Je ne suis pas sortie de ma nuit… C'est la dernière phrase que la maman d'Annie a écrite dans une lettre à une amie…

Annie a tenu ce journal de 1984 à 1986, date de la mort de sa mère. Et c'est 10 ans plus tard qu'elle le publiera.

L'Alzheimer, la dégradation, la dépendance, les derniers jours… C'est difficile, douloureux à lire. La mémoire flanche, le corps se détériore…
L'autrice va droit au but, sans ménagement, sans paillettes autour… Récit cru, parfois brutal… mais tel qu'est la réalité.
Et c'est tout ce que j'aime chez l'écrivaine, elle ne ment pas, ne surjoue pas.
Elle me touche beaucoup
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Un coup de poing au coeur avec ce livre très court mais tellement dense. Je n'aurais jamais pu le lire avant et pendant la maladie de maman. Je peux maintenant, 2 ans après son décès. Elle n'a pas eu alzheimer comme celle d'Annie Ernaux, mais j'ai retrouvé tellement de points communs ! Alors attention, c'est très très dur, voir insoutenable et pourtant, c'est la vérité crue des tripes.
Alors, oui, il faut s'attendre à ce que nos parents redeviennent des enfants, qu'ils perdent toute pudeur, mangent avec les doigts, n'ont plus de retenue physique, mélangent tout et aient parfois des propos violents .
C'est difficile et pourtant, il faut être là, ils attendent notre visite et qu'au fin fond de leur conscience, ils ont besoin de nous.
Remontée des souvenirs d'enfance, bouillie du temps qui n'a plus de logique et la peur de les perdre, tout en étant parfois tellement en colère de les voir ainsi.
Je ne sais pas si l'on peut aimer ce livre sans avoir vécu ce passage, sans doute, mais là, j'ai revécu cette période si douloureuse mais aussi formatrice parce ce forcément, je ne pourrais pas aborder ma vieillesse de la même façon, j'y suis quelque part préparée même si mémoire m'aura fait oublier ces souvenirs aussi.
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La Feuille Volante n°1074 – Octobre 2016
« Je ne suis pas sortie de ma nuit » – Annie Ernaux – Gallimard.

« Je ne suis pas sortie de ma nuit » est la dernière phrase que ma mère a écrite ». Ce sont les premiers mots de ce court texte qui est avant tout un témoignage émouvant de l'auteure sur les dernières années de sa mère atteinte de la maladie d'Alzheimer.
L'auteure indique d'emblée qu'elle culpabilise d'écrire sur sa mère comme si elle était morte et aussi de la faire revivre jeune, par l'entremise de l'écriture. Cette culpabilité se renforce encore quand elle commence à se débarrasser de ses affaires alors qu'elle est encore vivante parce que c'est un geste que l'on fait seulement quand la personne est décédée. C'est un peu anticiper sa disparition, même si celle-ci est inévitable. Ne pas avoir pu la garder chez elle est aussi pour elle une source de malaise intime. Au départ elle l'a effectivement accueillie mais sa démarche n'a pu perdurer, puis ce fut l'hôpital et la maison de retraite, autant d'étapes dans cette lente descente vers le néant que certes elle accompagne comme elle le peut, avec dévouement, patience, détermination, lui change ses couches, lui rase le visage, accompagne ses propos désordonnés qui prennent de plus en plus leur source dans une mémoire perturbée par le temps et les rêves qu'elle fait. Elle finit même par s'habituer à sa déchéance, à ce parcours sans retour dans la « déshumanité ». En plaçant, par force, sa mère dans ces établissements, elle l'a mise dans un microcosme social reconstitué où là aussi les forts dominent les faibles, le tout dans des odeurs de pisse et de merde, comme elle le dit elle-même. Dans cette ambiance dégradante, c'est peut-être une consolation pour elle de voir sa mère adopter une position de solitaire. le plus difficile pour l'auteure est sûrement que sa mère a sur elle un effet miroir : non seulement elle se voit en elle comme elle sera elle-même dans sa vieillesse mais cette promiscuité avec sa mère fait remonter à la surface de sa propre mémoire des souvenirs personnels désagréables de sa vie liée à cette femme. A travers ses propos et ses gestes parfois violents, elle la revoit comme elle l'a toujours connue, une « mauvaise mère », brutale et inflexible dont elle s'occupe néanmoins maintenant avec soin. Les images délétères dont elle est le témoin dans cet établissement lui en rappellent d'autres de son enfance. C'est un peu comme si la perte de mémoire dont est victime sa mère ravivait la sienne. Dès lors, le temps qu'elle croyait perdu ou qu'elle avait oublié revient, lui faisant prendre conscience qu'elle s'inscrit dans la chaîne de la vie, dans la fuite inexorable des années et qu'elle est tout simplement mortelle, elle-même usufruitière de sa propre existence. Elle enrage de la voir de jour en jour devenir une femme sans mémoire, alors que la sienne se peuple de plus en plus de souvenirs de sa vie antérieure sans qu'elle soit capable de maîtriser ce phénomène. Assister impuissante à cette lente descente vers l'inconscience et la puérilité est désarmant. Sa culpabilité augmente encore quand elle fait à ses fils la relation de ses visites à sa mère dont les réactions, les remarques portent à rire. C'est, une façon inconsciente peut-être d'exorciser la douleur de ces situations mais elle s'accuse intérieurement de ne pas l'avoir assez aidé « à traverser sa nuit ». Que dire dès lors de sa volonté de voir finir cette épreuve devant l'incapacité qui est la sienne de ne pouvoir la vaincre que par la mort de cette femme pour qui elle ne peut plus rien que de la regarder se dégrader de jour en jour. Pourtant quand elle meurt, l'auteur confie « Je la préférais folle que morte », comme si cette habitude de la voir ainsi avancer vers le trépas était finalement plus supportable que l'absence et ce même si on tente de se rassurer en voyant dans cette issue fatale une délivrance, comme si ces visites étaient devenues avec le temps un rituel que rien ne pouvait bousculer. le plus étonnant sans doute c'est que cette mère qui jadis avait été violente et qui n'admettait comme seule explication du monde que celle de la religion n'en parle pas, oublie ce qui pour elle aurait pu être une consolation.
A travers un éphéméride haché, elle confie au lecteur « Écrire sur sa mère pose forcément le problème de l'écriture », ou bien encore « Vieillir c'est se décolorer, être transparent », «La mort c'est l'absence de voix par dessus tout », « Exister, c'est être caressé, touché », autant d'aphorismes qui sont rédigés avec une brièveté sèche où je choisis de lire un réel désarroi face à l'inéluctable.
Ces pages sont l'invite à la fois à la réflexion, la constatation abrupte dans le simple domaine de la vie, de son déroulement et surtout de sa fin. Elle pose à nouveau le problème de l'écriture de ce qu'elle voit dans cet établissement, doit-elle faire acte de témoignage ou au contraire s'abstenir, mais l'écriture c'est aussi la vie ! Annie Ernaux a fait de sa propre vie la source de son écriture, délaissant du même coup la fiction qui est le domaine de l'imaginaire. Même si ici, elle choisit de parler de sa mère et de son histoire, de son vécu, cette démarche me paraît en effet authentique même si, à bien des occasions et pour autant que je puisse en juger, sa façon de s'exprimer repousse les limites de l'intime voire de la pruderie. Cela donne parfois les confidences qui chez d'autres écrivains restent du domaine du secret. Pour autant, elle avoue à son lecteur que ces mots même s'ils conservent le souvenir n'en sont pas moins impossibles à formuler parfois et souvent même à relire. Son style, fluide et agréable à lire, poétique parfois, est ainsi agrémenté de mots crus et tout à fait évocateurs dans leur simplicité et dans leur réalité. Cela ne me gêne pas et explorer ses livres est souvent pour moi un bon moment de lecture.
© Hervé GAUTIER – Octobre 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]
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Tout ou presque a été écrit ici pour présenter cette publication des phrases qu'Annie Ernaux écrivait après ses visites hebdomadaires - ou presque - à sa mère, qui partait en morceaux car son cerveau était rongé, étouffé par le phénomène de la maladie d'Alzheimer ( beaucoup moins connue à l'époque qu'aujourd'hui). Je n'insisterai donc pas sur le caractère brutal, perturbant et bouleversant de ce qu'elle y décrit. Au passage je ne pense pas que les progrès de "prise en charge" (comme on dit de manière révélatrice) soient si importants depuis les années 1980.
La publication de ces écrits lui a posé problème et question : au début elle n'y pensait même pas. J'ai envie d'ajouter "bien sûr". Mais elle s'est décidé à le faire, de nombreuses années après pour "mettre en danger la cohérence d'une oeuvre" (quelque chose comme ça, je cite de mémoire). Ce que j'ai lu d'A. Ernaux à ce jour (dans l'ordre du livre "Écrire la Vie") me semble on ne peut plus cohérent, par le sujet ( sa vie, des événements forts dans sa vie, son père, sa mère, la complexité de l'évolution de ses relations avec eux, la condition des femmes, le mépris de classe etc..) et par l'écriture - rejeter l'émotionnel, le pathétique, décrire, dire, le plus précisément sans être long, le plus juste et proche des pensées, ressentis..
Pour ce "journal" publié, la fonction cathartique me semble évidente : sortir de soi en écrivant des mots des émotions submergentes ( ça se dit ça ?), garder des traces, redire la vie de sa mère (une Femme), formuler l'indicible, se débarrasser de ses affects et pensées inconfortables ..
Depuis 5 ans Annie Ernaux est plus âgée (84 ans) que sa mère quand celle-ci est morte (79 ans) et, je crois, heureusement pour elle en bien meilleure condition psychique, pour le bénéfice de tous ceux et celles qui apprécient et sont, paradoxalement à son style descriptif, touchés, émus par ses livres dont celui-ci, dont les dernières pages, principalement, sont à mon avis bouleversantes, qu'on ait vécu ou pas le même genre de situation.
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Il y a eu cet accident en 1981.
Tu t'étais parfaitement remise.
Et puis en 1983, des absences.
Un malaise durant l'été.
Tu as quitté Yvetot pour venir t'installer près de moi à Cergy.

Tu as commencé à nous demander plusieurs fois les mêmes choses.
Je me disais que tu étais fatiguée.
Que c'était anodin. Qu'à partir d'un certain âge, cela pouvait arriver.
Les mots du médecin se sont posés sur nous.
Alzheimer, ce mot terrible qui est venu te prendre à moi.

Quand tu es rentrée dans cette maison de retraite, j'ai eu envie d'écrire.
Peut-être que je sentais que tu allais partir un jour.
Les souvenirs me reviennent. Comme des vagues qui s'abattent sur le sable.
Chaque jour, mes yeux prennent en photo ton visage, tes mains, tes sourires.
Pour qu'ils soient à jamais gravés dans ma mémoire.

Je t'amène des petites brioches que je pose délicatement sur tes mains.
Je t'aide à les approcher de ta bouche.
Tu redeviens une petite fille et je prends la place de ta mère.
Je t'aide chaque jour qui passe à garder ta vie de femme, de mère.
Je t'apporte ta jolie robe fleurie. Celle que tu aimais tant.

Je cours après le temps mais le vent te pousse un peu plus vers le ciel.
Les souvenirs d'enfance semblent éternels.
Pourtant celle qui dicte ta vie est invincible.
Les colombes sont venues te chercher à 79 ans.
Le ciel était devenu ta nouvelle demeure.

Tu es partie.
Le monde s'écroule.
Je cherche un remonteur de temps.
Pour te revoir.
Je t'aime maman.
Eternellement.

" Je ne suis pas sortie de ma nuit " d'Annie Ernaux est un merveilleux hommage de l'autrice à sa mère décédée de la maladie d'Alzheimer.

Une plume sublime, poétique, délicate pour évoquer l'amour d'une fille à sa mère.
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"Je ne suis pas sortie de ma nuit" : ce sont les derniers mots écrits par la mère de l'auteure atteinte de la maladie d'Alzeimer. Annie Ernaux, presque 10 ans après la mort de sa mère nous fait partagé les notes qu'elle a prises sur les derniers instants qu'elle a vécus avec sa mère lors de ses visites à l'hôpital.(clickez sur le lien pour lire la suite).
Lien : http://aufildeslivres.over-b..
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Un témoignage touchant et tellement proche de la réalité de beaucoup de personnes. Si on ne l'a pas vécu, alors on redoute ce moment, et si on l'a vécu, alors cela rappelle beaucoup de moments souvent bien tristes. Juste un regret, ce livre ne va pas assez loin à mon goût, mais j'imagine à quel point il est difficile d'écrire sur ce thème surtout quand il s'agit de sa mère.
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Je commence cette lecture sans convictions, encore un témoignage sur un enfant face a la maladie de son parent.
Après quelques pages, pas de surprise, c'est bien cela, le journal d'une fille face à la fin de vie. Et pourtant impossible de lâcher ce livre juste et parsemé de jolies formules "Ma mère devient décolorée. Vieillir, c'est se décolorer, être transparent."
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