AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,79

sur 264 notes
« Je ne suis pas sortie de ma nuit » est la dernière phrase que ma mère a écrite. »

Annie Ernaux dévoile ici les mots qu'elle a écrit entre 1983 et 1986, année de la perte de sa mère. Journal d'une dissolution dans l'oubli d'Alzheimer. Journal de la perte à petit feu d'une mère. Journal d'une destruction terrible.

Je me remets à lire Annie Ernaux. Je l'ai lu, beaucoup, il y a des années de cela. Une petite éternité. Hier. Elle m'a manqué. Je la retrouve. Par bribes, et dans le désordre, je veux la relire, (re)découvrir ses écrits. Ses mots de femme. Libre et honnête, avec elle-même, avec les autres. Aves ses mots.

Annie Ernaux est une plume qui écrit juste. Et Dieu qu'elle me touche. Elle effleure ces choses insondables qui nous constituent. Elle a de la magie au bout de la plume et une infinie classe, une magnifique pudeur en racontant tout. Une délicatesse qui va droit au but, sans fard. Sans trompettes. Avec tambour.

Annie Ernaux écrit l'autobiographique avec la fulgurance d'une grande romancière. Avec la vérité toute crue parfois difficile à lire. Elle décrit le trivial, le difficile et le bouleversant. Une finesse brute. Brutale parfois.

Elle raconte les derniers jours de cette mère. le pathétique. le douloureux. L'irracontable. le réel. Elle raconte le chemin de la maladie, puis la perte. Elle écrit comme on dit vrai. Comme on confesse. Elle incendie l'intime, elle gêne le lecteur. Mais ne ment pas.

Elle raconte ses douleurs comme des batailles perdues au quotidien devant celle qui lui a donné la vie. La honte, les remords, la gêne et l'insoutenable.

Annie Ernaux écrit l'amour. Puissant et dévastateur pour cette mère qui s'enfuit déjà.

Annie Ernaux écrit. La vie.

Je relis Annie Ernaux. Et...

« Les larmes me viennent. C'est à cause du temps. »
Lien : https://labibliothequedejuju..
Commenter  J’apprécie          619
Beaucoup de bons retours et de très bonnes critiques, et en dépit du titre ( aucun mauvais jeu de mots ), j'ai consacré la fin de ma soirée à la lecture de ce livre.
Je ne connais pas les chiffres, mais il n'est pas difficile de déduire de par nos lectures, de par ce qu'en rapportent les médias, des témoignages d'amis ou d'amis d'amis, notre ou nos expériences personnelles que cette cochonnerie de maladie n'est ignorée de personne.
Mes défunts père, tante maternelle et oncle paternel, sont entrés un jour dans cette nuit dont ils ne sont jamais sortis.
Un sujet que je connais bien, hélas !...
Que pouvais-je donc attendre des trois ans vécus par Annie Ernaux auprès de sa mère frappée par un mal qui m'est devenu familier ?
Rien en fait, si ce n'est la confirmation que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Sur les malades.
Sur leur entourage proche.
Sur les structures qui les "accueillent" et sur les "aidants" dont quelques-uns s'efforcent, et dont beaucoup d'autres sont dépassés.
Une heure à lire ces notes prises après chaque visite pendant trois ans.
Du tripal, de l'émotion brute ( non travaillée, non cérébralisée, non travestie )... livrée comme nous le sommes tous à " la grande conjoncture pathétique ..."
Rien donc de "littéraire" dans ce petit bouquin, juste le besoin de mettre des mots sur l'incompréhensible qui s'impose... et comme le dit Ernaux : " Quand j'écris toutes ces choses, j'écris le plus vite possible ( comme si c'était mal ), et sans penser aux mots que j'emploie."
Ceux qui veulent avoir une "approche" de ce qu'est cette maladie, de ce qu'elle génère, de ce qu'elle emporte... c'est un témoignage.
Ceux qui ont eu affaire dans leur vie à cet affreux mot : Alzheimer... ils n'apprendront rien de plus qu'ils ne savent déjà.
Commenter  J’apprécie          473
Etrange chose que ce livre, où Annie Ernaux raconte la longue détérioration des fonctions cognitives de sa mère, atteinte de la maladie d'Alzheimer dès 1983. Pour ce faire, elle se base sur les notes qu'elle prenait à l'époque pour consigner l'évolution de la maladie, et elle les retranscrit ici sans filtre.
C'est donc un texte brut, plein d'une douleur rentrée : "Eviter, en écrivant de me laisser aller à l'émotion", preuve qu'on est bien chez Ernaux. Un texte violent également : "Elle est ma vieillesse, et je sens en moi menacer la dégradation de son corps", et c'est ce que je me dis aussi parfois en regardant ma grand-mère (mais en espérant, si j'atteins un jour son âge, lui ressembler tant elle est belle). Un texte court, qui choque, claque et dérange, mais n'est jamais impudique car ce n'est pas Annie Ernaux que nous observons, mais nous-mêmes, avec nos peurs, nos révoltes, notre impréparation et notre impuissance.
Ce n'est donc pas la lecture la plus gaie de l'année, mais étrangement, elle fait se sentir moins seul face à la vieillesse, la maladie et la mort en rappelant leur universalité. Et sur un plan plus concret, elle permet d'apprécier le progrès que représentent les EHPAD (même si tout n'y est pas parfait), par rapport aux anciens services de gériatrie hospitaliers et malgré le professionnalisme du personnel soignant.
Carpe diem, quand même.
Commenter  J’apprécie          4329
Finissant un déménagement... en réinstallant ma bibliothèque... je revisite mes auteurs de prédilection dont fait partie Annie Ernaux. Je relis, les passages soulignés, retenus à ma première lecture. Cela fait une drôle d'impression. Des passages interpellent toujours aussi intensément, d'autres non retenus nous sautent au visage, en ne comprenant pas pourquoi, on ne les avait pas retenus à l'époque...

Ce journal des visites à sa maman, vieillissante, atteinte de la maladie d'Alzheimer est un écrit poignant, bouleversant, tellement l'interrogation est universelle: la panique de voir nos proches "fondateurs" s'affaiblir, vieillir et surtout disparaître à jamais. Annie Ernaux utilise ce qu'elle connaît de mieux: l'écriture, pour conjurer la future absence, la maladie, la peur de devoir concevoir et assumer la mort imminente de la Mère....les souvenirs, leurs complicité, leurs différents, l'énergie de cette mère d'origine modeste, bagarreuse, et fière, fascinée par les études et par l'obsession de ne plus être pauvre et s'élever dans l'échelle sociale, à travers la réussite de sa fille unique.

Ayant monté avec son époux une épicerie-bar... elle n'oubliait pas qu'il existerait un autre monde pour sa fille, lorsqu'elle aurait réussi ses études...
..."-"Acolyte" un mot qu'elle aimait employer en parlant des compagnons de beuverie de certains clients. Montrer qu'elle connaissait des mots difficiles. C'est une femme qui n'a jamais supporté d'être humiliée" (p.46)

L'auteure dit son malaise d'écrire sur sa mère... dans de telles circonstances.

"Fin 85, j'ai entrepris un récit de sa vie, avec culpabilité. J'ai l'impression de me placer dans le temps où elle ne serait plus. Je vivais aussi dans le déchirement d'une écriture où je l'imaginais, jeune, allant vers le monde, et le présent des visites qui me ramenait à l'inexorable dégradation de son état" (p.11)

En dépit des déchirements que peut provoquer l'acte d'écrire en de telles circonstances... cet acte de mémoire reste le meilleur antidote au désespoir, et le plus fabuleux hommage à ceux qu'on aime le plus et que l'on refuse de voir disparaître.
Je finirai sur ce passage du livre, positif et émouvant, où la maman était toute enthousiaste d'annoncer à sa fille, dans son enfance, qu'elle avait de la visite.

Et bien ce livre est une magnifique VISITE à l'image d'une mère dure à la peine, mais combien vaillante , aimante, même si avec beaucoup de maladresse. "Elle disait, heureuse: "Annie! Tu as de la visite!", quand une camarade venait me voir. L'importance de la "visite" pour elle. Preuve d'amour, signe qu'on existe pour les autres" (p.67)


Commenter  J’apprécie          340
J'ai choisi de lire ce livre pour trois raisons.
La première, c'est Annie Ernaux elle-même. Cette auteure m'a déjà interpellée longuement lors de mes lectures précédentes. Sans être des coups de coeur, La place, Passion simple, Une femme m'ont marquée profondément par leur finesse, leur simplicité et leur complexité en même temps. Les mots d'Annie Ernaux touchent... au coeur.
La deuxième raison, c'est le titre. "Je ne suis pas sortie de ma nuit"... Ce cri du coeur d'une femme envahie petit à petit par une maladie sournoise qui ôte ce que l'homme a de plus précieux : les mots, la mémoire, les souvenirs, la réflexion...
La troisième raison, c'est le thème de ce livre : le départ d'une maman que l'on a accompagnée depuis longtemps. J'y ai vu un lumineux clin d'oeil à mon histoire personnelle. Ma maman qui s'en est allée il y a un peu moins d'un an, que j'ai accompagnée durant de longues années, faisant mes petits deuils à chaque fois qu'elle perdait une de ses facultés. Inexorablement.
Je ne suis pas sortie de ma nuit... mais je suis entrée dans la lumière.
Telle aurait pu être la suite de l'histoire qu'aurait pu écrire ma maman, tant son départ a été paisible, serein, partagé.

Ce livre, c'est un condensé d'émotions, de petites révoltes et de grands émerveillements. C'est un remerciement pour les moments partagés et un cri douloureux face à l'absence de celle qu'on aime.
C'est le journal intime d'une proche aidante, d'une proche aimante.
C'est un livre simplement... bouleversant.
Commenter  J’apprécie          328
En tombant par hasard sur ce roman, je me suis souvenu que je l'avais lu, il y a quelques années. Ce livre m'avait profondément marquée. Aujourd'hui, j'y serai encore plus sensible.
Ici, Annie Ernaux raconte tout simplement sa mère: sa vie, ses relations avec elle, sa maladie, sa déchéance et sa mort.
Affronter la maladie d'un parent et l'aider, le soutenir autant que l'on peut, accepter ses souffrances, ses changements, ses peurs; sentir qu'il nous échappe peu à peu et essayer de le retenir; pour finalement se rendre compte qu'il ne sera plus celui qu'on a connu et qu'inévitablement, on va le perdre (et une partie de nous-mêmes avec).
Un témoignage poignant.
Commenter  J’apprécie          310
Lu dans la foulée d'Une Femme, Je ne suis pas sortie de ma nuit est son indispensable complément, tout aussi difficile à lire pour moi.

« Longtemps j'ai pensé que je ne le publierai jamais. Peut-être désirai-je laisser de ma mère et de ma relation avec elle, une seule image, une seule vérité, celle que j'ai tenté d'approcher dans Une Femme. Je crois maintenant que l'unicité, la cohérence auxquelles aboutit une oeuvre (…) doivent être mises en danger. »

Un complément donc en forme de journal rédigé au fil des visites d'Annie Ernaux à sa mère désormais en maison spécialisée en raison de sa démence.

Un mélange de faits cliniques, froids et souvent insupportables de celle qui part peu à peu, et de souvenirs d'enfance de celle qui reste, une nouvelle fois confrontée à ces deux vies d'incompréhensions.

Deux vies qui semblent parfois inconciliables, à l'image de cette réflexion inverse à la situation vécue. « J'ai l'impression que c'est en mourant à mon tour qu'elle m'aimera »
Commenter  J’apprécie          250

"J'ai peur qu'elle meure. Je la préfère folle."

Ce n'est pas une lecture confortable du tout.

Annie Ernaux a écrit à la volée ce qui lui venait après ses visites à sa mère, atteinte de la maladie d'Alzheimer et hospitalisée, "non, dire la maison de retraite de l'hôpital" durant deux ans, de 1984 à 1986.

C'est sans fard, comme ça vient, des notes jetées sur le papier pour se sortir les images de la tête, conjurer le sort, éloigner l'inéluctable.

Il n'est pas question de faire oeuvre littéraire autour de ces pages dont Annie Ernaux n'a pas changé une ligne avant de les faire publier dix ans plus tard.

Elles nous renvoient forcément nos propres expériences avec nos parents ou des proches.
Râpeux, désagréable, surprenant, gênant, drôle, avec ce surgissement de souvenirs au détour d'une phrase, voire d'un regard, ces questions étonnantes qui nous viennent et cette inquiétude sourde, toujours présente, "jusqu'à quand, jusqu'à quand ?"

Ce n'est pas une lecture confortable du tout, mais la similitude des souvenirs, paradoxalement, m'a allégé le coeur.
Commenter  J’apprécie          224
C'est un peu en apnée que j'ai lu ce récit poignant d'Annie Ernaux sur la fin de vie de sa mère. J'ai vécu la même chose il y a quelques mois et ce journal tenu entre 1984 et 1986 montre les évolutions certaines s'il y a eu dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes.
A l'époque, les soignants les tutoient, les laissent en blouse ouverte par derrière toute la journée et ne les changent pas souvent. Il faut dire qu'à l'époque, il n'y avait pas le matériel d'aujourd'hui et moins de respect des personnes en fin de vie.
Annie Ernaux a accueilli sa mère chez elle durant six mois avant qu'elle soit hospitalisée. Je ne sais pas comment elle a fait pour supporter cela.
Sans évoquer la maladie, elle raconte le retour en enfance de celle qui l'a élevée et l'inversement des rôles. "Je ne suis pas sortie de ma nuit" est la dernière phrase qu'elle a écrite dans une lettre ne pouvant plus le faire ensuite. C'est pour cela que sa fille a choisi de laisser les guillemets dans le titre de ce livre.
Ce sont les années 80 et c'est l'hôpital qui prend en charge sa mère en long séjour. Elle partage une chambre avec une autre femme mais son énergie est souvent concentrée sur l'acte de manger, ce qu'elle fait avec de plus en plus de mal. Sa fille va donc l'aider quand elle lui rend visite même si elle souffre de voir devenir une enfant qui ne grandira pas.
Annie Ernaux décrit parfaitement sa culpabilité, son sentiment d'impuissance face à l'inexorable dégradation du corps et de l'esprit de sa mère qui a été forte avant d'être malade. le mot horreur revient quasiment à chaque page même si elle préfère la voir folle et vivante plutôt que morte.
Pour autant elle n'oublie pas de préciser que son témoignage n'est pas objectif et que les soignants étaient dans la majorité d'un dévouement attentif.
Une écriture directe, sans détour, qui fait de ce court récit un grand livre.


Challenge Riquiqui 2021
Challenge XXème siècle 2021
Challenge Nobel illimité
Commenter  J’apprécie          211
"Quand j'écris toutes ces choses, j'écris le plus vite possible (comme si c'était mal), et sans penser aux mots que j'emploie" nous dit Annie Ernaux dans ce témoignage poignant sur l'accompagnement en fin de vie de sa mère atteinte de cette "saloperie" qu'est la maladie d'Alzheimer.
Après chaque visite à sa mère, résidente d'un service hospitalier de long séjour, et ce durant deux longues année, elle ressent le besoin d'écrire ce qu'elle voit, éprouve, les souvenir de ce que sa mère a été, des phrases qu'elle prononçait lorsque Annie était enfant. Un texte brut, dérangeant, où rien n'est épargné au lecteur, il faut dire qu'Annie n'a rien retouché à ses notes. Une description clinique de sa dégradation, de ses incohérences, des odeurs, du corps qui se délite, du deuil que l'on fait, avant l'heure de celle qui a été sa maman alors que désormais les rôles sont inversés. Je voudrais qu'elle soit morte, qu'elle ne soit plus dans cette déchéance nous dit-elle et comme on la comprend.
Quel courage faut-il à celui ou celle qui rend une visite hebdomadaire à une personne qui ne vous reconnait plus, et quel sentiment de culpabilité si on ne le fait pas.
Un témoignage bouleversant.

Challenge Multi-Défis 2023.
Challenge Riquiqui 2023.
Challenge ABC 2022-2023.
Commenter  J’apprécie          174




Lecteurs (599) Voir plus



Quiz Voir plus

« Je ne suis pas sortie de ma nuit » (Annie Ernaux)

Quels symptômes la mère d’Annie Ernaux présente-elle ?

Des pertes d’équilibre
Des pertes de mémoire

7 questions
6 lecteurs ont répondu
Thème : "Je ne suis pas sortie de ma nuit" de Annie ErnauxCréer un quiz sur ce livre

{* *}