COMPTINES ET CHANSONS
Il était parti à la guerre
celle dont on ne revient pas
kaki en soldat militaire
dans une capote couleur prairie
beaucoup trop grande pour lui.
Sentinelle sur une falaise
il écrivait à son amie
des mots d’amour, des fadaises
avec une plume de mouette
et des gouttelettes de pluie.
Il est parti dans l’angle mort
pendant qu’elle ne regardait pas,
un angle avec la mer, un port
et des oiseaux qui criaient : Va !
Affaires de famille
extrait 2
Tout a commencé par la mer
et l’anse parfaite de tes bras joints
pour apporter le grand soleil du repas.
Ulysse lui, pose pied à terre
En descendant de cette barque.
Belle Fatouma, jeune mariée fêtée,
vieille femme qui sait les bons gestes,
nourricière dans ton doux giron
tu rassembles hommes et bêtes.
On pêche plus, on pêche moins,
Mektoub, Dieu ainsi l’a voulu,
une place, une cuiller pour chacun,
tous assis dans la courette.
Mohamed descend de cette barque,
les bras englués de cent poulpes,
pêche rêvée dans ses nasses vides
qu’ont tressées avec des brins d’osier
ses mains phéniciennes, berbères.
…
PARTIES DE PLAISIR
extrait
Il arrive que les vents décolorés par le sel
descendent l’escalier quatre à quatre
éclairé par les étoiles tombées dans la mer,
ou qu’un passant le dos trempé
courant tirant sur ses chaînes
descende l’escalier quatre à quatre
noyés les yeux débordant de pluie,
toute sa rage renfoncée dans le poing.
Affaires de famille
extrait 3
Belle Fatouma, Dieu soit loué,
tu frappes les bêtes imaginaires
avec ton battoir en bois blanc,
accroupie à même la terre,
frappe et frappe la voix de la faim.
Terre bénie des ânes, des oliviers
et des noires brebis, terre bénie
donne-nous tes fruits. La mer
n’est pas très généreuse, c’est le destin.
Gestes courts et savants, marmite de fer,
mortier de pierre, les demi lunes de l’ail
et les brunes étoiles de girofle
vont briller au firmament.
Fatouma tu es mes grand-mères,
celles qui traversaient la mer
en inversant les continents.
AFFAIRES DE FAMILLE
extrait 1
C’est l’eau qui porte le coup sur la tôle
longtemps après le marteau retombé,
les bruits sont lointains, on les distingue mal,
pourtant ce n’est pas hier ni demain
mais aujourd’hui, et vos cris, vos rires,
leur écho tremblent aussi sous l’arche du pont
longtemps après, je vous appelle, appelle.
Vous marchez devant moi, vous retournez
avec un doux sourire, vous faites de la main
un geste, on me bénit, on me nomme, viens.