Je devais avoir une douzaine d'années quand j'ai vu pour la première fois le film Les
Duellistes, premier long métrage aujourd'hui injustement oublié d'un réalisateur qui allait être amené, en faisant chasser Sigourney Weaver en petite culotte par un dangereux alien ou en faisant traquer des réplicants à un jeune
Harrison Ford, à inscrire son nom au panthéon des metteur en scène du XX° siècle.
Pourtant, en lisant la nouvelle de
Joseph Conrad- auteur que j'affectionne- quelques années plus tard, j'ai trouvé à l'adaptation cinématographique des manques, ne serait-ce que dans la portée psychologique du propos de l'auteur, qui font qu'aujourd'hui je ne peux que me réjouir de la version en BD de
Renaud Farace, plus en adéquation à mon goût avec le texte d'origine.
Le postulat de départ peut sembler maigre pour remplir un album de plus de 190 pages ( la longue nouvelle de Conrad en fait cependant déjà 150 ) : pendant les guerres napoléoniennes, deux officiers diamétralement opposés, Hubert et Féraud, vont, sur près de deux décennies, s'affronter en
duel à maintes reprises.
L'affaire part d'une question d'honneur assez triviale et prendra des proportions dantesques qui feront des deux hommes et de leur différend (par ailleurs inconnu de tous hormis le lecteur) une légende au sein des armées.
Outre une belle exploitation du background historique et une mise en avant bienvenue d'un Féraud plus sympathique que celui campé par Keitel chez Scott, Farace réintroduit la dimension psychologique via l'alliance fond et forme qui sont une constante chez Conrad (si vous en doutez je vous invite à relire
Au Coeur des Ténèbres qui, via un parcours initiatique prenant, recèle de réflexions quasi philosophiques d'une grande richesse).
L'auteur n'a pas hésité à introduire quelques éléments de son cru, tous bienvenus (le frère d'armes Corse en tête), et, surtout, a fait preuve d'une ingéniosité graphique pour représenter les différents
duels via une bichromie rouge sang assez géniale.
Le trait, étonnante symbiose d'un
Breccia et d'un Juncker, dans un noir et blanc tantôt réaliste et précis, tantôt plus lâché est un vecteur aussi inattendu que réussi.
Un de mes gros coup de coeur de ce premier semestre !
Conseil d'écoute et interview de l'auteur ici:
http://bobd.over-blog.com/2017/04/dualite-retrouvee/
duel-vs.jeanne-la-pucelle.html
Lien :
http://bobd.over-blog.com/20..