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Il est bien écrit « roman » sur la couverture, pourtant il s'agit bien d'un récit d'enfance qui puise dans le vécu de l'autrice.
Dalie Farah raconte sa mère, Vendredi, jeune kabyle rebelle mariée à 16 ans à un homme beaucoup plus âgé qui l'emmène en France où il travaille comme manoeuvre. Voilà la jeune fille analphabète mais intelligente, confrontée à une autre culture dans un monde inconnu dont elle doit apprendre les codes.
« Vendredi se méfie de la noirceur des nuits auvergnates, elles n'ont pas la franchise des Aurès, elles n'ont rien de la tendresse du douar d'Algérie. »
La première née n'est pas désirée. La fille raconte la mère qui la maltraite et ne sait pas donner de l'affection, Malgré cela, elle va surmonter les humiliations et les brimades en se rattrapant à l'école car savoir lire et écrire lui donne un certain pouvoir :
« A sept ans, je suis le nègre de ma mère »
Une fille ne doit pas sortir mais aider sa mère aux tâches ménagères, et celles-ci commencent tôt le matin et s'avèrent lourdes mais la fille obéit à la mère toute puissante. Elle s'évade grâce à l'école et aux livres qu'elle dévore en cachette et qui lui apporteront la résilience.
Les coups marquent de bleus sa peau et, pourtant, personne ne semble les voir.
Et puis il y a les vacances et la découverte de l'Algérie, cet autre pays tellement différent. Là, l'adolescente maigre doit se faire laver, étriller au hammam où toute pudeur est abolie, ce que la mère terrorisante lui inculque par les coups.
La propreté obsède Vendredi qui ne veut pas que ses enfants soient de « sales arabes » ni que les poux colonisent leur chevelure frisée ce qui donne lieu à de véritables séances de torture au peigne à lentes.
L'adolescente se rebelle et pourtant, elle voit bien qu'en grandissant, elle ressemble à sa mère avec ses formes et sa « tête d'arabe »
« Je hais vendredi toutes les fois où je me renie pour lui obéir »
Un jour, enfin, elle quittera l'appartement HLM de l'impasse Verlaine.
Ce récit est une suite de fragments de vie, d'anecdotes, qui font entrer le lecteur de plain-pied dans l'intimité de cette relation mère fille brutale et sans tendresse. le talent de Dalie Farah évite l'écueil du pathos et accomplit la prouesse de raconter cette violence quotidienne avec humour et dérision.
Ce récit est raconté d'une plume vive et authentique. Un premier roman étonnant.

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Un premier roman époustouflant, une auteure qui a le mot juste pour nous peindre une relation mère -fille quelque peu particulière.
C'est à la fois émouvant et plein d'humour de découvrir comment on peut se construire dans une relation sans tendresse ni amour maternel au sens naturel. Des coups par ci, des coups par là, pour un oui pour un non, pour un rien pour de trop, comment grandir sans lumière ni soleil qu'est une famille normale. Et pourtant, cette fille vaincra et par ses mots d'enfant, d'adolescente, elle nous contera son quotidien, ses rêves et ses douleurs, ses besoins et ses espérances, ses guerres et ses victoires.
C'est beau, et dur à la fois mais sans pathos, non juste une vérité vivante.
La peinture des années 70-80 est bien fidèle pour ceux qui l'ont vécu, un petit air de nostalgie.
Une lecture qui se dévore tant on est pris dans le sillage de Vendredi et de son destin qui se perpétue à travers la narratrice, sa fille.

C'est un très beau récit au style intéressant et plaisant.
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Naissance prématurée, après une grossesse contrariée et contrariante, racontées par sa mère comme une histoire drôle, après une gorgée de thé à la menthe : « On peut survivre à tout quand on survit à sa mère. » En trois pages, Dalie Farah donne le ton.
(...)
Un évènement littéraire.


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« On peut survivre à tout quand on survit à sa mère »
Voici la morale de ce premier roman fort et puissant.

J'ai été happée dès le premier chapitre qui donne de suite le ton, mêlant violence et poésie pour évoquer la naissance de la narratrice. Elle présente avec un recul glaçant toutes les tentatives maternelles pour se débarrasser avec « ingéniosité » de « cette excroissance malvenue ». Les mots sont durs, ils tranchent dans le vif. L'humour se fait ironie voire cynisme, « Maman m'aime tellement que pendant les mois où mon pronostic de vie est réservé elle ne mange pas un seul bonbon ».
Et en parallèle, on trouve de la douceur, de la lumière, de l'espoir. La narratrice fait montre d'une ténacité à toute épreuve et semble tenir sa force de toutes ses épreuves démesurées.

Ce mélange de tonalités et ce regard lucide de la narratrice parcourent l'oeuvre qui retrace les différentes strates de cette famille algérienne où règne une violence ancestrale. le livre rapporte sa vie, de l'histoire de sa naissance à son émancipation au moment de l'obtention de son Bac, en passant très largement par l'évocation de sa mère Vendredi. Une histoire de femmes donc, qui évolue au fil de l'Histoire. le livre est ainsi l'occasion de parler de l'Algérie, de la guerre d'Algérie, de religion, d'immigration.

Mais c'est surtout l'histoire d'une relation complexe entre une mère et sa fille. Les coups pleuvent de mère en fille, brimades physiques et psychologiques quotidiennes. Un harcèlement permanent. Haine et amour s'entremêlent.

Une histoire de liberté aussi, en particulier de la liberté que doivent gagner ces algériennes. Soumises aux carcans de leur condition. Des filles, épouses, mères, mais jamais femmes finalement. La narratrice gagnera sa liberté grâce aux mots, aux auteurs et poètes, à la culture.

Une lecture qui m'a soufflée.
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Un tout premier roman pour cette auteure. Une plume donc que nous découvrons à travers une histoire de lien mère fille. Une enfant raconte sa naissance, raconte sa mère Vendredi, Djemaa en arabe. Celle-ci est née au bord d'une petite ville Berbère, " L'Algérie, c'est l'Éden de ma mère. " En effet cette petite algérienne dévore les paysages de son enfance, " dévale la pente comme un ballot de tissus multicolores" voue un grand amour à son père, berger. Malheureusement celui ci va être tué par des tirailleurs dans d'ignobles conditions. "Ce jour-là on se bat en Algérie, des hommes blancs torturent des hommes bruns qui eux-mêmes en égorgent d'autres. Et blancs et bruns se plaisent à aimer ensemble le ciel, les raisins et la colère du ciel. " Orpheline de père, La violence de la mère va s'intensifier à l'égard de Vendredi, jusqu'au jour du grand départ pour la France, mariée à un cousin veuf.

"À la descente du bateau, Vendredi déteste Marseille. Elle déteste l'odeur des poissons grillés et la chambre étroite du beau-frère tatoué célibataire qui travaille sur le port. L'homme l'a dévorée des yeux. Elle a dû dormir dans une pièce unique, se tenir entre un placard et un canapé et manger des sardines non assaisonnées dans une gargote où les hommes l'ont jaugée en souriant." C'est une nouvelle vie, Vendredi est belle et avec son mari ils vont d'abord s'installer dans une petite maison à Ponteix, en Auvergne où elle mettra au monde trois enfants, trois petite frisottés. Puis, un nouveau départ pour un autre logement, dans les nouveaux logements neufs communautaires en pleine effervescence à cette époque.

C'est l'histoire de deux petites filles, l'une devenue mère de l'autre. Et l'autre se raconte, raconte son enfance, sa soeur chérie, son amour des livres, de l'instruction, de l'école et ce sera là un des chemin qu'elle va prendre pour échapper à cette mère qui l'aime tant mais ne sait pas le montrer comme son enfant le souhaiterait. Histoire de lien mère fille, histoire d'exil et de violence, histoire d'émancipation .. très touchant seulement les mots sous la plume de l'auteure, malgré leur poésie, s'enchainent rapidement, trop vite, une véritable course à la vie ! Un peu à regret pour moi. Nous n'avons pas le temps de savourer par exemple cette enfance algérienne, cette vie de famille en France, jamais il n'est question des frères, cette petite soeur, nous comprenons bien qu'elle est à un moment donné de la vie de la narratrice son sauveur, cependant on ne découvrira rien d'elle ...
J'ai tout de même l'impression d'avoir déjà vécu ce sentiment d'écriture "vive", rapide dans mes dernières lectures de nouveautés, serait-ce là un nouveau courant ? Cela change de ma lecture dernière d'Anjana Appachana, c'est peut être pour cela que je me fais cette remarque par ailleurs !
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Un très beau premier roman sur une relation mère fille aussi forte que dure.
Vendredi arrive en France avec un mari qu'elle n'a pas choisi. Elle arrive dans un pays et un mode de vie qu'elle n'a pas choisi non plus. Elle s'adapte tant bien que mal.
Son histoire est racontée par sa fille. Cette fille qu'elle a aimé quelquefois, qu'elle a battu souvent tout en voulant très fort qu' elle réussisse, tout en étant fière d'elle.

Cette fille que les livres ont sauvé et qui lui ont permis de partir de chez elle.
Un récit poignant où se mêlent la violence des actes sans apitoiements et une écriture pleine de poésie. Une plume singulière et une belle promesse pour les romans à venir.
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Ce roman se situe dans cet entre-deux sensible et pose cette question : chez l'humain, qui l'emporte sur l'autre, le naturel ou l'acquis ? En outre, d'autres thèmes se glissent dans la fiction pour compléter le thème central : l'exil, la terre natale, l'identité, le corps…

L'écriture est limpide, mêlant sensibilité et force. La narration est assurée à la fois par un narrateur omniscient et la fille de Vendredi. Ce procédé narratologique permet de créer des mystères dans la fiction et incite le lecteur à poser des questions.

La romancière a inséré discrètement des fragments autobiographiques : comme la fille de Vendredi, Dalie Farah est née en Auvergne (lieu de la fiction) en 1973 (date de naissance du personnage), de parents algériens (troisième élément autobiographique). Bien que le roman ne soit pas une autobiographie ou une autofiction, la romancière essaie de se retrouver à travers son personnage, ou du moins de retrouver une partie d'elle.

Enfin, Impasse Verlaine est un questionnement humain qui se situe entre l'inné et l'acquis, la nature sauvage et la civilisation. Simple et puissant, nourri d'humour et de réflexions, le roman est une belle robinsonnade féminine, un pont entre l'Algérie et la France, et un dialogue intergénérationnel qui se dit par les corps, non par les mots.

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D'abord, un titre qui sonne comme un oxymore : Impasse Verlaine, le piège et le champ des possibles, le mur et la liberté. Et la poésie, qui délivre de tout.
Ensuite, le déroulé des vies. Celle de la mère, celle de la fille, étroitement imbriquées, toutes deux soumises à l'impasse, toutes deux tendues vers la liberté.
Pour la mère, Vendredi, belle et farouche, l'impasse, c'est sa condition de femme. La voilà mariée, déplacée loin de ses montagnes berbères, enceinte sans l'avoir voulu et sans l'accepter. Son corps même devient une prison dont elle n'aura de cesse de vouloir s'échapper jusqu'à la libération suprême : l'hystérectomie qui l'arrache enfin à sa condition de femme, de mère, d'objet.
Pour la fille, la narratrice, l'impasse, c'est sa mère. Sa mère dont elle guette le moindre geste de tendresse, patiemment, douloureusement, indéfiniment. A chaque espoir, chaque petite envolée, la brutalité de sa mère la ramène à sa condition misérable. Très vite, elle perçoit que son salut viendra des mots, de la littérature et de la poésie. L'écriture la rend visible aux yeux de sa mère, lui donne une existence et la mène à la libération suprême : s'affranchir de l'impasse pour aller étudier et vivre enfin.
J'ai beaucoup aimé ce livre, cette intense histoire de filiation, d'attraction et de rejet, d'émancipation et de soumission. Certaines scènes sont d'une violence dévastatrice et leur répétition est éprouvante. Mais l'auteure parvient à recouvrir du voile de la poésie les lignes les plus douloureuses... Un beau premier roman, intense et percutant, sur un sujet universel : le lien de filiation, ou comment s'en affranchir sans se perdre tout à fait.
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Dès le premier chapitre, nous comprenons que le récit sera douloureux. Pourtant, la première phrase aurait pu nous tromper : « Ma mère adore les histoires drôles.» (p. 8) Puis, la narratrice enchaîne sur les stratagèmes que sa mère, alors âgée de dix-sept ans, a utilisés pour empêcher sa naissance. le bébé est né le 22 février 1973, après sept mois de grossesse. Prématuré, il a failli mourir. Vendredi, la maman, a pleuré sur ce petit être qui s'est attaché à la vie, mais quand elle revient sur les évènements, elle s'esclaffe. Alors que le ton semble léger et virevoltant, les mots sont empreints de douleurs et de souffrances sous-jacentes. La forme et le fond semblent composer un oxymore.

Dans la première partie, l'auteure déroule l'enfance et l'adolescence de Vendredi, en Algérie. Elle relate les traumatismes, qui ont façonné la personnalité maternelle. Comment être mère quand on n'a pas pu, soi-même, être fille ? Même si le corps de Vendredi était prêt à enfanter, son éducation ne lui a pas appris à être maman. Son mariage, avec un homme bien plus âgé, l'a menée en France. Son destin d'enfant émeut quand son attitude de mère révolte…

« On peut survivre à tout, quand on survit à sa mère. » (p. 9) La narratrice déroule ensuite son amour pour cette mère, qui exprime le sien par les coups. J'ai été bouleversée par les tourments de cette petite-fille qui quête les preuves d'affection, qui s'accroche aux miettes d'attention pour élaborer un portrait maternel aimant. Il est tellement difficile d'affronter la vérité du rejet qu'interpréter le moindre geste tendre est vital. J'ai été meurtrie par la violence qui émaille son quotidien et par le silence des voisins et des enseignants, qui détournent le regard. Pour se confier, elle recourt à un humour distancié et protecteur. Elle ne rêve que d'éveiller l'amour de sa mère et de crier le sien. Or, Vendredi oscille entre douceur et dureté et distribue espoirs et désillusions. C'est après un voyage, en Algérie, que l'héroïne devient réellement la fille de sa mère. Elle comprend qu'elle seule peut se sauver. « A mesure que je deviens la fille de ma mère, je commence à la quitter. Cela m'émeut, m'étreint, me terrifie. » (p. 220)

Pour des raisons différentes, j'ai été cette petite fille pour qui l'école et les livres étaient un refuge ; j'ai été très touchée par Impasse Verlaine.

Lien : https://valmyvoyoulit.com/20..
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Impasse Verlaine de Dalie Farah
Editions Mon poche
Prix Dubreuil du premier roman 2019 par la Société des Gens de Lettres.

Premières phrases : » Ma mère adore les histoires drôles. Il en est une qui me concerne, charmante et éclairante. Elle la raconte entre une gorgée de thé à la menthe et la dégustation d'un petit gâteau sablé saupoudré de sucre glace. »

L'impasse Verlaine à Clermont-Ferrand, c'est dans cette cité que nous partons à la rencontre d'un duo mère-fille au parfum de fleur d'oranger et de thé à la menthe. Vendredi la mère, est fille de l'Algérie, des montagnes, des grands espaces et du vent des Aurès.
A peine le pied posé sur le sol français que la voici enceinte à 16 ans, son mari de 20 ans plus âgé est un cousin éloigné, veuf bien trop tôt, qui cherchait au bled une fille à marier.
Vendredi est une mère parce que son corps est prévue pour, mais sa fille ne trouvera jamais de place dans ses bras, jamais un regard bienveillant et encourageant ne sera posé sur elle, jamais de paroles ne consoleront ou n'apaiseront les larmes. Vendredi ne sera jamais une maman.
Finalement comment pourrais t'elle offrir ce qu'elle n'a pas reçu ?
Vendredi frappe, tape, brutalise sa progéniture…elle cache ses faiblesses avec talent mais cogne sur ses enfants avec rage.
Mais sa fille, elle, grandit et même si les coups font mal et si elle cherche encore et toujours un peu de tendresse, c'est ici dans cette barre d'immeuble grise et triste qu'elle avance et que bon gré mal gré elle se construit, dévore des romans, passe son bac et peut-être un jour prendra son envol de cette impasse.
Un texte qui vous emporte loin et vous ramène dans le même temps…durement à la réalité

Emma aime :
-Un premier roman percutant
-Sentir le vent des Aurès
-Rebondir plus haut
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