Incongrûment, à la lecture de "Sillages", une idée ne me quitte pas.
Il me paraît impossible que Claude Farrère n'ait pas écrit ce livre pour moi, rien que pour moi ... et peut-être un peu pour vous, peut-être ?
Une fois de plus, Claude Farrère y brouille les pistes.
Le titre promet de la littérature maritime, de celle que Farrère affectionne, pleine de bateaux gris et de destinations exotiques.
Et l'ouvrage s'ouvre comme un livre de souvenirs.
Après le rendez-vous littéraire un peu manqué de "La porte dérobée", voilà que Farrère se prend d'attirer son lecteur dans les "Sillages" de sa jeune carrière d'officier de marine et de ses débuts d'écrivains.
Mais sa plume a retrouvé ici dans son style toute la force et l'élégance qui font son caractère.
Ce livre est tout cela.
Mais c'est, aussi et surtout, un passionnant voyage au pays de la littérature, une formidable leçon d'écriture et d'inattendues suggestions de lecture.
Comment et pourquoi devient-on marin ?
Pourquoi un jour franchit-on la porte cochère de l'Ecole Navale ?
Quelle idée saugrenue pousse la main vers la plume pour que le marin se fasse écrivain ?
Claude Farrère, entremêlant souvenirs et démonstrations de littérature, analyse son rapport à la mer et à l'écriture.
La leçon est précieuse et magistrale.
Elle définit par l'illustration le conte, la nouvelle et le roman.
Elle replace à sa juste mesure la collaboration supposée entre Corneille et Molière.
Elle donne une kyrielle d'idées de lectures.
Elle encourage et prévient.
Elle va parfois à l'encontre des idées reçues.
L'art de l'écriture, s'il peut se travailler, ne s'apprend guère.
Il est un don.
Voilà qui va faire grincer des dents les techniciens de la Lettre !
Voilà qui me fait marquer un point supplémentaire dans le débat qui m'oppose depuis toujours avec un jeune homme dont j'ai la chance d'être le père.
Ce livre comporte aussi deux magnifiques portraits, ceux de Pierre Louys et de Pierre Loti.
Claude Farrère, qui reçut par TSF à bord d'un croiseur, la nouvelle de son prix Goncourt, alors que ce dernier n'existait que depuis deux ans, fait la démonstration avec ce livre, qu'un marin puisse aussi être un véritable écrivain.
Ce qu'il paraissait mettre en doute au début de son ouvrage ...
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Sans doute a-t-on déjà visité tous les bateaux imaginables, et connu la mer, et même la mer par gros temps ... mais on n'a pas encore découvert la vraie mer des vrais marins, celle qui bât la farouche côte bretonne.
On ignore la Bretagne elle-même, cette étrave de brutal granit que l'Europe pousse en plein flanc de l'océan ...
Parce que, croyez-m'en, si belle que soit la réalité, elle n'atteint jamais la splendeur de notre rêve ...
Et vous apercevrez l'essentiel de la théorie de Pierre Louys, et la grande probabilité qu'elle fût fondée.
Des moliéristes impénitents protestèrent.
Et quelques-uns entreprirent de laver leur dieu d'une accusation de plagiat que Pierre Louys n'avait jamais formulée.
Autre chose est un vol littéraire, autre chose la collaboration affectueuse de deux hommes dont un seul signe le travail commun, pour des raisons utiles à l'un et à l'autre ...
De la vie et de la vie. Voilà un roman ! ...
Claude Farrère :
La maison des hommes vivantsOlivier BARROT, installé dans une chambre, présente une réédition de "
La maison des hommes vivants" en poche Librio ; une histoire
fantastique écrite par
Claude FARRERE, auteur populaire, élu à l'Académie française.