Voilà un livre qui me laisse franchement mitigée. Mitigée sur les intentions de l'auteur et son écriture. Attention cette critique est un total spoiler passé le premier paragraphe.
Faulkner a une patte bien à lui, on ne peut le nier. Rarement j'ai été aussi perdue en lisant un récit. On croit suivre ; les phrases, séparément, ont bien un sens, mais quand on les met bout à bout on ne comprend plus rien ! de qui parle t-il ? Y a un nouveau personnage ? Non, il parle du même depuis tout à l'heure... ou bien c'est l'autre ? Et cette manie de l'ellipse. On coupe, on coupe, alors accrochez vous.
Sur le fond, on plonge dans les bas-fonds c'est le cas de le dire. Avec des personnages au choix détestables, paumés, pauvres, au bout du rouleau, calculateurs... Bref, que du beau monde.
Les 100 premières pages ont été particulièrement atroces de mon point de vue. On suit le trajet de deux jeunes amants du milieu bourgeois. La fille fait le mur avec son copain. le type a bu et ils ont un accident. Ils sont proche d'une baraque où il font escale. Là, Gowan continue à se biturer avec les 3 autres types au lieu d'essayer de trouver une autre voiture pour ramener Temple dans son école.
Faulkner prolonge encore et encore cette étape, avec une angoisse croissante la nuit venant : Temple n'est pas en sécurité avec ces hommes brutaux. La seule autre femme présente lui fait comprendre (sait-elle ce qu'est un "vrai homme" ?).
Bon, franchement au début j'étais agacée, tout de suite pourquoi ces pauvres péquenauds voudraient la violer et puis merci la définition du vrai homme, très flatteur. Pauvre = connard ? Mais, bon, la décision de l'auteur est ainsi, oui, Temple y passera et sera enlevée par son agresseur qui plus est. Et un homme sera tué, le seul de son côté cette nuit-là. Et son amant au lieu de la sortir de là s'en va lâchement. Donc Gowan est le premier connard dans tout ça et bizarrement sera jamais évoqué par la suite.
Après avoir passé plus de 100 pages sur le "cas" de Temple, on se concentre sur Goodwin, présent cette nuit là, et accusé à tort d'avoir tué son collègue. Comme si c'était le sujet principal. Je veux dire, c'est complètement retord comme procédé. Comme si quelque part, Temple une fois violée, ne servait plus, n'était qu'un procédé scénaristique pour mettre de la tension dans le récit. L'honneur est perdu à jamais, il n'y a plus que la vie de cet homme à sauver. On comprend même par la suite que son père l'a à peine cherchée et a fait semblant de la retrouver ! Et l'avocat de Goodwin la retrouve mais n'essaye pas de l'aider. Tout ça n'a pas de sens !
Bref, par l'acte de deux hommes, Gowan, et Popeye (nom très ironique au passage puisqu'il s'agit d'un gringalet malformé), le vrai coupable, le malheur se répand. L'accusé, Goodwin, sera jugé coupable à cause de Temple qui affirme qu'il est le coupable (mais pourquoi agit-elle ainsi ? des informations ont pu m'échapper...) du meurtre et visiblement de son viol. La justice rend justice à côté de la plaque. Popeye, quant à lui, sera jugé pour un crime qu'il n'a pas non plus commis.
C'est un tableau de la misère humaine, tant pécuniaire que sentimentale que nous fait
Faulkner à travers une galerie de personnages terribles. L'avocat voudrait quitter sa femme, ne sait plus quoi faire de sa vie. Popeye le violeur est en fait impuissant et regarde Temple coucher avec un autre homme. Sa logeuse est complètement alcoolique (et couchait avec son père?), tout comme le devient Temple pour surmonter sa situation de femme captive. La femme de Goodwin a une vie de misère bercée par la prostitution et un mari violent... Qui quant à lui finit immolé par des citoyens fous furieux.
En définitive peut-on dire que c'est une fresque de l'immoralité, du désarroi et du malheur ? Oui, assez. A ne pas lire en cas de dépression.