Ce court roman est la narration à la première personne (par les deux protagonistes) d'un fait divers qui n'a du faire que quelques entrefilets dans la presse, mais qui, si l'on en croit l'auteur, a bouleversé la vie des deux intéressés. L'un morne fonctionnaire célibataire que les psychiatres rangeraient peut être volontiers dans une de leurs catégories, a une vie réglée à la
Kant,une joie de vivre toute janséniste...., pas de relations sociales, un travail qui l'ennuie. Bref s'il n'avait pas ces symptômes de troubles obsessionnels compulsifs, il serait très ennuyeux. Il habite un petit pavillon et il découvre qu'il lui manque des choses dans son réfrigérateur.... Evidemment point de départ idéal pour une victime de TOC qui après moult spéculations et suspicions, finit par installer un espion électronique chez lui, ce qui lui permettra de découvrir qu'une femme quinquagénaire comme lui, a pris ses habitudes dans sa maison. Plainte, tribunal, et la fin de l'histoire racontée également à la première personne par cette femme.
L'intrigue est mince, d'aucun y trouveront une critique de plus de notre société ou age, solitude, chômage forment un coquetèle délétère. Manifestement
Eric Faye, a eu peu d'information sur cette affaire assez extraordinaire, et tout son talent réside justement à dire ce qu'aucun journaliste ne s'est probablement aventuré à rechercher : la personnalité des personnes, leur histoire, leur cheminement, la construction de leurs rapports, comment au final tout cela a été rendu possible. J'ai été subjugué par le style de l'auteur,d'une finesse et d'une subtilité presque asiatique fort à propos dans cet opus. Il n'y a pas de sentimentalisme, pas un mot de trop, et pour le lecteur,outre l'évocation du Japon d'aujourd'hui, donc de notre société mondialisée, de belles interrogations sur le sens de ce que nous sommes et nous faisons.
Enfin il faut dire que ce roman donne un sens à la locution "être habité" par quelque chose ou par quelqu'un.
Le héros devient "habité" par cette intruse qui vit chez lui, et elle même avoue avoir été "habitée" par cette maison pour une raison que la fin du livre dévoile. Bref un bel exercice de style.
Les plus : un exercice de style parfaitement réussit sur un fait divers (voir également "
L'obéissance" de
François Sureau dans le même genre), une écriture habile, subtile, délicieuse ; l'élégance de ne pas s'être laissé aller à une "happy end"comme dans "
Belange" de
Patrick Cauvin (un autre exemple d'intrusion d'une inconnue dans la vie d'un homme)
Les moins : parfois le côté un peu caricatural de la description névrotique du personnage masculin. le roman un peu court.. on prend gout à votre belle écriture Monsieur Faye!