Pour parler de Heisenberg,
Jérôme Ferrari passe par « un jeune aspirant philosophe ». Ce narrateur parle d'Heisenberg, semble s'adresser à Heisenberg. Cela donne dès la 1ère phrase : « Vous aviez 23 ans et c'est là, sur cet ilôt désolé où ne pousse aucune fleur, qu'il vous fut donné pour la première fois de regarder pare-dessus l'épaule de Dieu ». Pour moi, ce début fut un peu laborieux, cela ne tient pas tant au style qu'au contenu, mais une fois lancée ça allait mieux.
Le livre se découpe en 4 parties : Position – Vitesse – Énergie – Temps.
Jérôme Ferrari nous raconte le parcours de ce physicien, nous parle de son principe d'incertitude (principe selon lequel on ne peut pas connaître en même temps la vitesse et la position d'une particule), du rôle qu'il a joué durant la seconde guerre mondiale dans le programme nucléaire allemand et de l'après. J'ai trouvé la 1ère partie difficile à lire dans l'ensemble, je dois l'avouer, mais le personnage m'intéressait et j'ai poursuivi. Une fois que je me suis familiarisée avec le style, avec ce narrateur et avec le rythme de son écriture, j'ai bien accroché. le narrateur est comme fasciné par Heisenberg et nous fait partager son intérêt.
Franchement c'était pas gagner, mais
Jérôme Ferrari nous donne un livre plein de poésie, et son écriture m'a bluffé. On finit aussi par comprendre qu'il applique
le principe d'Heisenberg dans son roman, puisqu'il admet une incapacité à tout saisir (« parce que les chose n'ont pas de fond » p 40) et cela peut être applicable au comportement humain.
Il y a une certaine distance qui est entretenu avec Heisenberg à cause du narrateur. En effet, il interpelle en quelque sorte Heisenberg, s'interroge sur ses choix tout en tenant compte de son histoire. C'est notamment le cas lorsqu'il décide de rester en Allemagne, alors que d'autres scientifiques ont fui. Loin de partager l'idéologie nazie, il reste pour « établir un îlot de stabilité », mais va finalement être mêlé au projet de réacteur nucléaire allemand.
Il est ainsi question d ‘éthique, question de l'ambiguité sur son rôle, mais pas que. Après la guerre il ne sera pas le seul scientifique à être arrêté et ces questions se posent à l'ensemble. Ont-ils freiner l'avancement des recherches, ont-ils collaboré? Savait-il ce qu'il se passait, les camps etc…? Tous ces scientifiques enfermés, à ruminer leurs pensées, leur échec ou leur rancoeur, à la p.119 on croirait être dans une maison de fou. J'ai bien aimé ce passage.
Un petit livre, mais ne le sous-estimez pas. Je souligne à nouveau le style que j'ai trouvé plus facile à appréhender au fil des pages, la poésie du texte. C'est un roman très (mais pas trop) documenté, où Ferrari met en application
le principe d'incertitude à la vie de son créateur et dans son roman de manière subtile. Une belle découverte.
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