« Sois raisonnable, fils, » dit le père de Caludo, le regard légèrement détourné, « tu n'es plus un enfant. Ta mère et moi nous sommes préoccupés, c'est bien normal. Un jour viendra, quand tu auras une famille à toi, où tu comprendras à quel point nous…»
— « Ne crois pas que nous sommes bornés ou sectaires, » interrompit sa mère d'une voix douce en se déplaçant un peu sur le divan et rajustant sa tunique d'argent de façon que les plis tombent avec grâce de l'épaule à la hanche, « Te rappelles-tu, quand ton cousin Tristram s'est mis à écrire des vers, comme ton pauvre oncle était bouleversé ? Nous avons été les premiers à dire qu'il s'en lasserait et qu'il finirait par se ranger comme tout le monde. »
— « Et c'est ce qui est arrivé, naturellement. Ce n'était qu'une passade, nous le savions bien. Oui, certes, Tristram a de l'étoffe… Mais pas plus que toi, Caludo, pas plus que toi. »
Mr. Smith regarda son fils en face pour la première fois et l'affection se lisait clairement sur son visage.
— « Non pas que nous tenions Tristram pour un modèle, » dit sa mère. « Si tu voulais, tu pourrais le surpasser sans peine. »
— « C'est justement là la question, » s'exclama avec vivacité Caludo. « Comme vous le dites, la poésie n'était qu'une passade pour lui. Il ne demande pas mieux que de faire ce qu'on estime acceptable, tandis que moi…»
— « Mon chéri, » dit sa mère, « pourquoi ne t'étends-tu pas confortablement au lieu de te percher sur cette horrible chaise au dossier raide ? »
— « Je préfère me tenir droit, » protesta Caludo sans espoir. « Je n'aime pas être couché, sauf quand je suis prêt à m'endormir. »
L'affection que reflétait le visage de Mr. Smith s'était changée en une impatience et un ennui bien connus de Caludo qui s'y était habitué petit à petit au cours des dernières années.
— « Nous y voilà ! Qu'importe ce que font les autres… Ne compte que ce que tu prétends aimer. Tu aimes t'asseoir droit. Tu aimes porter ce costume incongru. Tu aimes être coiffé…» Par réflexe, il secoua ses propres boucles qui lui venaient aux épaules, teintes en bleu pâle, assorties à la perruque de sa femme… « de cette façon enfantine. Tu aimes… »
— « Voyons, Bach ! » exhorta Mrs. Smith. « Ta tension…» Elle posa son visage avec délicatesse sur la douce peau de son bras, saupoudré de talc irradiant, de sorte que ses cils peints couleur argent effleuraient à peine la chair. « Ce ne sont que des symptômes qui n'ont pas grande importance en eux-mêmes, mais ajoutés les uns aux autres, ils montrent…»