Le 27 mai, nous avions établi notre camp, avec des provisions pour un mois, suffisamment pour un long siège. Les tentes étaient installées en deux rangées sur une surélévation rocheuse de la moraine, avec le camp des porteurs quelques dizaines de mètres plus loin, en contrebas. Notre matériel était stocké à l’abri de mur de pierre et recouvert de bâches. Cet endroit était désormais, arrangé de la sorte, un camp de base vers les explorations à venir sur le K2. Une série d’observations météos se déroulèrent sur place, identique à celles menées à Urdukas et dans les quatre stations cashmeres. Nos résultats donnèrent au camp une altitude de 5.027 mètres, et il devint une nouvelle station de référence pour les calculs de pression.
Le Duc décida de faire une tentative sur l’arête sud de la montagne. Elle était certainement plus raide et plus longue que la crête nord-ouest, qui descend du col au sommet du glacier que nous avions déjà exploré. Mais d’un autre côté, elle avait certains avantages. Déjà, il n’y avait pas cette ascension en glace pour arriver au col. Et surtout, la paroi était orienté plein sud, elle recevait les rayons du soleil dès la première heure du jour. C’est une considération importante pour les explorations au-dessus de 7.000 mètres tant le froid peut se révéler être, non seulement une difficulté mais surtout un grand danger.
L’itinéraire défini, il restait à établir un plan d’attaque. Presque sur toute l’arête, nous pouvions apercevoir à travers nos jumelles les reflets de la glace, dure et polie comme du cristal, qui ajoutait à la paroi une dernière difficulté. Nous espérions que quelques jours de soleil et de vent pourraient dégager les rochers et nous offrir de bonnes prises pour les mains et les chaussures cloutées. Environ 1.000 mètres au-dessus de nous, une barre rocheuse jaune rougeâtre se distinguait clairement. L’objectif était d’installer un camp d’altitude à cet endroit, avec nos tentes Whymper, nous permettant de patienter quelques jours si besoin. Les petites tentes Mummery ne protègent pas vraiment du mauvais temps, mais elles offrent un abri acceptable pour la nuit. De ce camp, le Duc espérait atteindre l’épaule de la montagne, à la faveur d’un autre camp léger. Le sommet lui-même, était invisible depuis là où nous nous tenions mais l’atteinte de l’épaule (7.700 mètres environ) était déjà une entreprise qui valait notre engagement.