[Incipit.]
11 février.
1h13, mettons : je suis chez moi, je dors. Dans un bar où ils parlent du couple, soudain, ma femme se tait, regarde l'homme, approche sa bouche... ils se sucent la langue.
1h50, mettons : je rêve. Je la vois nue, dans des draps gris, elle me tourne le dos.
2h17, mettons : clans un lit de l'hôtel machin, il éjacule dans mon temple. La ruine commence...
29 mars.
Aujourd'hui, après un anniversaire de désolation et six ou sept semaines d'effondrement sans répit, j'ai consenti à ne plus lutter contre son image. Je ne cherche plus à l'oublier, la dépasser. En de nouveaux assauts de larmes, j'ai senti, un moment, la grâce si peu commune de vivre une profondeur si intense. La grâce de pouvoir s'offrir à la perte la plus vive. «Étouffée par la peur de mon intensité», après m'avoir progressivement refusé jusqu'à me tromper et me quitter, elle ne donne plus signe, elle se protège. Elle ne peut, elle ne pouvait pas autrement. Elle n'est pas une femme de passion, de frisson, ce n'est pas l'heure, elle ne souffre pas assez de souffrir. C'est ainsi. Elle est ainsi, aujourd'hui. Mais je continue de m'offrir, seul, de plus en plus désarmé, le cœur ouvert à je ne sais quoi, et la saveur de je ne sais quoi vient doucement...
Que tu vives sans moi et ne me désires plus : ce fait-là, si commun, est l'effarante blessure. J'ai pu si peu la dire, mais j'ai vécu bord à bord avec elle - pour pleurer.
12 avril
Elle... je ne sais pas.
Je te tutoyais, et maintenant c'est "elle".