Balle perdue

«Balle perdue » est tiré d'un fait divers tristement banal comme il en existe aux États-Unis.
Sous la plume fine et poétique de Nane Beauregard, nous constatons la banalité de la violence et l'absurdité du monde à travers des personnages qui flottent comme des anges ou des fantômes à côté de leur vie .
Pris dans un réel impossible, une petite fille meurt d'une balle perdue. Son pseudo assassin, jeune gars des gangs, évolue au fil de ses longues années de jugements , il erre péniblement .
Jamais l'auteur ne le juge, mais l'observe avec attention, détails, pour déceler chez lui son humanité.
Nous sommes-nous pas tous un peu cette balle perdue?

Balle perdue fait parti de ces livres qui vous travaillent, qui vous transforment en profondeur. Sitôt refermé, j'ai eu envie de le relire, pour tenter de capturer un peu de la beauté extraordinaire de son écriture, de ces personnages ordinaires qui sous la plume hypersensible de l'auteur prennent la dimension de héros mythologiques. On ne décroche pas de cette histoire tragique dont l'auteur creuse toutes les dimensions, sensibles, sociétales, philosophiques, poétiques et change définitivement notre regard sur ce qu'on pourrait appeler "un simple fait divers".

Bravo pour cette en-quête si particulière à l'écriture pleine de poésie . Il y a beaucoup de générosité et d'amour pour l'humain dans Balle perdue. Il y a aussi ce qui est incontournable et les illusions perdues sur la façon dont les humains endossent l'habit institutionnel.
Le style acéré de Nane Beauregard respire, laisse place aux personnages de ce procès en leur accordant pour presque tous l'ambivalence qui nous permet d'être en alerte jusqu'au bout et d'aller ailleurs au fil de la singularité d'une écriture non complaisante. Quel plaisir de s'y confronter pour requestionner la vie et nos incertitudes !
Genesis/Las Meninas de Velasquez
C'est à ce tableau que j'ai pensé en refermant ce livre. La petite au Centre , les personnages, les regards et la mise en abîme sans fin des reflets en perspective.

Balle perdue est un texte magnifique, aussi bien par son propos que par l'écriture de Nane Beauregard. Un jeune homme est accusé d'avoir tué une petite fille, d'une balle perdue. La narratrice assiste au procès et au fur et à mesure que celui-ci se déroule, sa compréhension du prévenu est modifiée et elle dresse de lui un portrait empli d'humanité. J'aime beaucoup la façon dont Nane Beauregard écrit : le fait qu'elle creuse, précise et re-précise sa vision, sa pensée, c'est vraiment intéressant, ça permet de se rapprocher de plus en plus, de cerner petit à petit quelque chose qu'on ne perçoit pas forcément d'emblée, même si on en a l'intuition. C'est un texte très humain qui va à l'essentiel.

Balle perdue est un livre haletant et bouleversant à la fois. Sur les enfants perdus, les enfants sauvés de la violence, l'innocence et la justice. C'est avant tout une écriture qui plonge dans l'intimité d'un supposé coupable avec l'empathie exceptionnelle de son écrivain. Comment par l'écriture, arriver à faire sentir à ce point la grâce de l'autre, la nécéssité de toujours regarder l'irregardable par deux fois. Ce jeune homme qui aurait tué une enfant ne serait il pas l'enfant tué par erreur par une société qui l'aurait pris au piège d'une violence inéluctable? Et cette balle perdue ne serait-elle pas le destin qui frappe l'innocence où qu'elle soit?
L'écriture est magistrale et d'une sensualité inédite... arriver à tout ressentir, les couleurs et les parfums, jusqu'aux sons les plus infimes.

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