Le cœur de l’autre est un royaume impossible à gouverner.
Mathilde s'arrête sur cette expression "rattraper le temps perdu". C'est ce qu'on dit quand deux personnes ne se sont pas vues depuis longtemps. Mais là en l'occurrence, "le temps perdu" c'était elle.
Bien sûr elle voulait ne rien montrer de ce qu'elle éprouvait, mais cette mascarade générale la propulserait dans l'évidence que nous sommes, quoi qu'il arrive, irrémédiablement seuls.
Elle vivait sa vie amoureuse comme un touriste dans un musée prend en photo un tableau au lieu de le regarder vraiment.
Une erreur dans un océan de perfection, et c'est l'erreur seule que l'on regarde.
On peut mesurer le bonheur à la cadence de chacun dans la rue. C'est toujours bon signe d'être pressé ; on est forcément attendu quelque part.
Mathilde avait repensé à cette expression : nager dans le bonheur. Que se passe-t-il quand on atteint le rivage ?
Peut-on devenir méchant à l'épreuve de la souffrance ? Il fallait croire que oui. Si la vie me violente, alors je deviens violente, tel aurait pu être le nouveau leitmotiv de Mathilde.
Pouvait-on remplacer une vie amoureuse par une vie professionnelle ?
Comme si on pouvait changer ses idées comme on change l'eau d'un vase.