L'homme heureux est celui qui aime ce qu'il a
Depuis la naissance de sa seconde fille, elle ne couchait que rarement avec son mari. Et quand ils faisaient l'amour ce n'était plus si agréable que cela. Il s'agissait surtout de pouvoir se dire qu'ils avaient encore une vie érotique.
Page 64
P. 84 :
Elle était toujours tenaillée par l’envie de lui dire qu’elle comprenait, qu’on pouvait tous craquer à un moment où à un autre, que c’était parfaitement humain au vu de la pression subie ; on avait tous eu le désir, comme ça, subitement, de tout foutre en l’air ; le fantasme de dire un jour : je m’en vais.
Ce n'est pas rien d'aider les autres.
p193
"L'homme heureux est celui qui aime ce qu'il a."
Sénèque
Page 123
Dans l'ensemble, il avait été assez peu confronté à l'agressivité ou à la rivalité. Mais vient un temps où il est difficile de trouver une motivation à poursuivre ce qui existe dans notre vie. Il avait quarante ans ; il était encore jeune pour être vieux mais l'avenir lui paraissait sans surprise.
Page 20
En roulant vers Paris, Éric se laissa aussi happer par toutes sortes d'idées. Il voyait le genou de Magali. Ce genou auquel il devait son bonheur présent. Il se remémora sa torsion de la cheville qui avait causé la mort de son père: cette fois-ci, la poussière du destin basculait en sa faveur. Sans sa chute, Magali n'aurait jamais pu éprouver de sentiments pour Thibault. Il y avait aussi cette femme dans le train qui avait fait bifurquer l'histoire du mari de Magali. Cette inconnue était un rouage décisif du hasard. Voilà ce qui occupait l'esprit d'Éric tandis qu'il roulait. Sans le genou, il n'y aurait pas eu de groupe Facebook des Anciens de Chateaubriand, et il ne serait jamais parti à Séoul, non, sans le genou écorché d'une lycéenne, rien de tout ce qui s'était passé ne se serait produit, pas plus que ce qu'il allait vivre maintenant avec Amélie.
S'allonger dans un cercueil pouvait ainsi modifier une trajectoire humaine. Si ces cérémonies coréennes rencontraient un tel succès, c'était bien qu'elles étaient bénéfiques. Il y a une nette différence entre le fait d'avoir conscience de la mort et le fait de (presque) la vivre. Ceux qui ont frôlé la mort connaissent souvent ce sentiment. Ils reviennent à la vie transfigurés. Rescapés de cette proximité avec le définitif, ils deviennent bien plus forts d'avoir été ainsi fragiles. La plupart du temps, ils réapparaissent avec une sensibilité plus grande. De nombreux artistes sont ainsi des survivants. Éric ressentirait cela. Non seulement il aurait envie de vivre, enfin, mais il aurait dorénavant besoin d'aller vers la beauté.
Il arrive qu’on se quitte tout comme on meurt paisiblement en plein sommeil.
Éric avait été marqué par la phrase inaugurale de La Mort à Venise : « Celui qui contemple la beauté est déjà prédestiné à la mort. » Le héros, face à un jeune homme qu’il trouve sublime et divin, est comme condamné par sa fascination. Après une telle extase, plus rien ne peut exister. La mort et la beauté ne cessent de se répondre. Le slogan de Lycoris aurait pu être l’exact opposé : « Celui qui contemple la mort est déjà prédestiné à la beauté. »