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Citations sur Le Scandale Modigliani (69)

— Il habitait impasse Falguière. Dans une de ces dèches… j’vous dis pas. L’avait toujours l’air exténué. Je m’rappelle, le jour où il a visité le département d’égyptologie du Louvre. Au retour, l’arrêtait pas de dire que c’était la seule section qui valait le déplacement !
Le vieillard laissa échapper un rire heureux, puis 26reprit sur un ton moins exalté :
— Pourtant, l’était du genre mélancolique, Dedo. L’avait toujours sur lui Les Chants de Maldoror. Il pouvait réciter par cœur des tonnes de poésies en français. Il était déjà sur la fin d’sa vie quand le cubisme est apparu. Cette forme, c’était pas son truc. Mais alors, pas du tout. C’est peut-être ça qui l’a tué.
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— Les peintres, dans le temps, ils prenaient beaucoup de haschisch ?
— Oh oui ! Je m’suis fait un petit pactole grâce à eux. Y en avait qui dépensaient jusqu’à leur dernier sou pour s’en procurer.
Il porta les yeux sur un croquis accroché au mur, un crayon exécuté à main levée représentant une tête de femme, un visage ovale au long nez étroit.
— Dedo. C’était le pire d’eux tous… reprit-il avec un sourire lointain.
— Modigliani ? demanda Dee qui venait de déchiffrer la signature au bas du dessin.
— Oui.
À présent, les yeux du vieillard ne voyaient plus que le passé. Son discours s’adressait avant tout à lui-même.
— Je l’revois dans sa veste en velours côtelé marron, avec son grand chapeau en feutre. Il répétait que l’art devait produire sur les gens le même effet qu’le haschisch : leur montrer la beauté des choses, cette beauté qu’ils étaient pas capables de voir d’habitude. Il buvait, aussi. Pour voir la laideur des choses. Mais le haschisch, c’était ça qu’il aimait.
« Dommage qu’il se soit senti tellement coupable après. Je crois qu’il avait été élevé dans des règles très strictes. Et puis, côté santé, l’était pas très gaillard. Ça l’angoissait, sa dépendance à la drogue, ouais, ça l’angoissait. Mais pas au point d’y r’noncer.
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— Vous n’en avez pas assez de tous ces gens qui veulent vous acheter vos tableaux ? demanda Dee.
— Plus maintenant. J’suis toujours d’accord pour les prêter. Contre un p’tit défraiement, s’entend. Ça m’paye mon tabac, ajouta-t-il avec un éclat dans la prunelle, et il leva sa pipe en un geste qui avait tout d’un toast.
Dee comprit alors ce qui entrait encore dans l’odeur générale du lieu. Du cannabis ! Le vieux en mélangeait au tabac de sa pipe ! Elle hocha la tête avec un sourire de connivence.
— Z’en voulez ? proposa-t-il. J’ai du papier.
— Merci.
Il lui passa un pot à tabac, plusieurs feuilles de papier à cigarettes et un petit bloc de résine. Elle entreprit de se rouler un joint.
— Jeunes filles, jeunes filles ! soupira le vieux. Les drogues, c’est pas bon pour vous, vraiment. Et moi, j’devrais pas corrompre la jeunesse. En ce qui m’concerne, j’en ai pris toute ma vie. J’suis trop vieux pour changer.
— Ça vous fait déjà une vie plutôt longue.
— C’est vrai, c’est vrai. J’aurai quatre-vingt-neuf ans c’te année, je pense. Soixante-dix ans que j’fume mon tabac à moi. Tous les jours que Dieu fait. Sauf en taule, naturellement.
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Une fortune en tableaux postimpressionnistes s’étalait sur les murs.
— Tous offerts par çui qui les a barbouillés, expliqua le vieil homme sur un ton désinvolte, et Dee dut se concentrer pour le comprendre à cause de son accent parigot. Z’avaient jamais d’quoi payer leurs dettes. Alors, j’prenais leurs croûtes, parce que j’savais qu’y z’auraient jamais l’fric. À l’époque, j’les aimais pas du tout, ces toiles. Maintenant, je vois pourquoi ils peignaient comme ça, et ça m’plaît. Et puis, ça me rappelle le bon temps.
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— Un vieux type que je connais. Il faudrait que tu le rencontres. Il m’a vachement aidé plusieurs fois quand j’étais à la recherche de certains tableaux. Il était pote avec une bonne demi-douzaine des peintres qui vivaient ici avant la Première Guerre mondiale.
« C’était une sorte de malfrat, à l’époque. Il engageait volontiers des prostituées comme modèles. Et pour d’autres activités aussi, destinées aux jeunes peintres. 23Il doit aller sur ses quatre-vingt-dix ans aujourd’hui, mais il a bonne mémoire.
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— Je vais faire ma thèse. Si elle est publiée, ça pourrait me rapporter un peu de fric.
— C’est quoi, le sujet ?
— Eh bien, j’hésite encore. Le plus payant, ce serait les rapports entre l’art et la drogue.
— Tout à fait dans l’air du temps.
— Mais original aussi, quand même. Démontrer que la drogue, c’est bon pour l’art et mauvais pour l’artiste. Je devrais y arriver.
— Joli paradoxe. Et où comptes-tu commencer tes recherches ?
— Ici même, à Paris. Les artistes fumaient déjà de l’herbe au tournant du siècle, et ils ont continué jusque dans les années 1920. Sauf qu’ils appelaient ça du haschisch.
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— Que je vais devoir m’inscrire en doctorat.
— Quoi ? Encore des diplômes ? Tu as déjà une licence en histoire de l’art et un autre machin en arts appliqués. Tu as décidé d’être étudiante jusqu’à la fin de tes jours, d’en faire ton métier ?
— Et pourquoi pas, si j’adore ça ? S’il y a des gens prêts à me payer pour que je fasse des études toute ma vie, pourquoi je me priverais de ce bonheur ?
— Ils ne te paieront pas des masses.
— C’est vrai, reconnut Dee d’un air pensif. En fait, je ne serais pas contre l’idée de faire fortune d’une manière ou d’une autre. Enfin, à vingt-cinq ans, j’ai encore le temps de voir venir.
Mike étendit le bras à travers la table et saisit sa main.
— Et si tu travaillais avec moi ? Je te payerai des mille et des cents, tu vaux bien ça !
Elle secoua la tête.
— Je veux y arriver toute seule. Je ne veux pas profiter de toi dans ton dos.
— Alors que, par-devant, ça ne te dérange pas du tout ! rétorqua-t-il en riant.
Elle lui coula un regard volontairement libidineux et répliqua, imitant son accent :
— Pas le moins du monde !
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— Le télégramme est arrivé aujourd’hui, répondit-elle. Je ne l’ai pas encore ouvert.
— Quoi ?! Mais je tiens à savoir comment tu t’en es sortie.
— D’accord.
Elle alla récupérer l’enveloppe et prit encore le temps de s’asseoir avant de la décacheter à l’aide de son pouce. Une unique feuille de papier, qu’elle déplia. Elle y jeta un coup d’œil et releva la tête avec un large sourire.
— Mention Très Bien !
Il bondit sur ses pieds, ravi.
— Yippee ! hurla-t-il. J’en étais sûr. Tu es géniale !
À grand renfort de « Yee-hah » braillés à tue-tête et de sons évoquant les guitares à cordes d’acier, il se lança dans un quadrille endiablé mélangeant western et 21country, qui s’acheva sur un tour de la cuisine à cloche-pied au bras d’une cavalière imaginaire.
— Tu es le plus immature de tous les types de trente-neuf ans que je connais ! s’exclama Dee entre deux hoquets de rire.
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Cela faisait maintenant une année qu’ils étaient ensemble et elle commençait à s’habituer. Elle aimait le cynisme de Mike, son sens de l’humour et son style boucanier. Ils avaient l’un et l’autre une passion pour l’art qui frisait l’obsession, quand bien même l’intérêt du jeune homme se concentrait davantage sur l’argent qu’on pouvait gagner dans le milieu de l’art, et celui de la jeune fille sur le processus créateur en soi, sur le pourquoi et le comment de la naissance des œuvres. Ils se stimulaient l’un l’autre, au lit comme dans la vie. Bref, ils formaient un bon couple.
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Elle déposa une enveloppe sur le rebord de la fenêtre et se retira dans la pénombre de sa loge parfumée au pipi de chat. Probablement pour ne rien avoir à faire avec les jeunes filles de moralité douteuse qui recevaient des télégrammes.
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