Des voitures entassées sur un kilomètre de hauteur... J'y repense avec un nœud dans l'estomac. Quand la porte de l'ascenseur s'est ouverte, j'ai senti une vague de fumée m'envelopper. La chaleur des moteurs de milliers de voitures, sur des centaines d'étages, remontait par là, comme une colonne bleutée.
Il y a des phrases toutes simples qui changent des vies.
"Elle s'appelle Céleste. Vous pouvez l'accueillir."
J'avais compris "vous pouvez la cueillir", et je n'arrivais pas à comprendre comment le directeur avait pu prononcer une telle phrase.
Cette fois je ne mentais pas. Je n'ai jamais eu de mobile. Et si j'étais un chien, je ne voudrais pas de laisse.
Elle est apparue un matin dans l’ascenseur.
On a monté cent quinze étages en silence. Puis elle est entrée dans l’école, comme moi.
Pendant la récréation, elle est restée dans la classe. Moi, penché au parapet de la terrasse de verre, je me répétais « Ne tombe pas, ne tombe pas, ne tombe pas. » J’avais peur de tomber amoureux »
A l’heure du déjeuner elle est partie et n’a jamais remis les pieds au collège.
Il fallait que je la retrouve.
J'ai entendu l'hélicoptère blanc approcher. Il s'est posé.
On est montés en courant comme au cinéma, les cheveux ébouriffés par le vent. L'hélico a décollé en se couchant légèrement pour faire plus aventureux. (...) Le pilote paraissait sorti d'une publicité pour les montres.
(...)
L'hélicoptère s'est posé sur la terrasse.
- Tu nous emmènes, m'a crié le docteur.
- D'accord doc.
C'est lui qui m'avait demandé de l'appeler doc, comme à la télé.
" C'est grand chez moi. Trop grand. Je me perdais quand j'étais petit. [...]Il y avait sept chambres d'amis, et pas d'amis."
"Le syndrome du grille-pain. Je sentais mon coeur commencer à chauffer agréablement des côtés et puis il sautait en l'air, très haut, et atterrissait sur le carrelage."
"La première fois qu'elle m'a embrassé, nous étions suspendus par des câbles à cent vingt mètres du sol, avec quinze hommes armés à nos trousses. C'est peut être pour cela que, pendant longtemps, je n'ai pu l'approcher sans avoir le vertige."
Mais je ne me suis jamais ennuyé. Jamais. Quand j'y pense, maintenant, c'est le seul cadeau que m'a fait ma mère en me laissant m'élever moi-même : être incapable de m'ennuyer. (p.15)