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Le moins que l'on puisse dire est que l'on a affaire à un auteur sacrément rusé. Et culotté. Voire les deux.
Je m'explique. Philippe Forest réussit l'exploit de faire publier un écrit vide. La couleur est annoncée : le noeud de l'histoire est un oubli. L'oubli d'un mot. Lequel? Bien évidemment, on n'en sait rien et l'auteur non plus puisqu'il l'a oublié (l'histoire est connue : j'ai perdu mes clefs. Où? Je ne sais pas, sinon elles ne seraient pas perdues). Et autour de ce drame, quelques réflexions pseudo-psychanalytiques qui relèvent souvent de la brève de comptoir. Comme par exemple, cette phrase, en exergue entre deux paragraphes :

« La mer c'est bien ».

Voilà, voilà. Tout est dit. Autrement dit : on s'ennuie ferme.

Mais pire que ça, alors que pour m'occuper en tournant les pages, j'imaginais déjà ce que j' pourrais écrire dans cette chronique, je tombe sur un paragraphe qui correspond exactement à l'argumentaire que je prévoyais, dans une sorte de mise en abyme qui tient plutôt du chien qui poursuit sa queue :

« Sans aucun doute, c'était le cas de celui-là. le roman ne comptait pas d'autre personnage que l'homme qui y racontait son histoire et dont la parole remplissait toutes les pages. L'intrigue était inexistante, dotée de plus d'une vraisemblance fort douteuse. Passé le milieu du livre, elle se délitait complètement et tournait à une sorte de méditation passablement abstraite à laquelle l'auteur lui-même ne paraissait pas croire et dont il n'avait pas l'air de savoir où elle le mènerait. Surtout, le lecteur éprouvait la désagréable et exaspérante impression que l'écrivain ne lui disait jamais les choses qu'à demi, entretenant une sorte de suspense artificiel, se refusant à lui livrer le secret qui, seul, aurait peut-être donné un peu de prix à son récit. Il en manquait la moitié. 
Le héros du roman – mais nul ne l'aurait pris pour un héros et le livre ne se présentait pas comme un roman – racontait l'expérience singulière qui avait été la sienne. Un matin, il s'était réveillé, persuadé d'avoir égaré un mot dans son sommeil. Une idée délirante s'était emparée de lui. Il avait acquis la conviction que le langage, sous ses yeux, était en train de disparaître et qu'il ne pourrait arrêter l'hémorragie verbale dont l'univers était victime qu'à la condition de retrouver dans sa mémoire le mot qui d'abord lui avait fait défaut. Il se lançait alors dans une longue enquête incohérente parmi ses souvenirs afin de reprendre possession de celui qu'il avait égaré. Et lorsqu'il mettait enfin la main sur lui, au lieu de révéler au lecteur le mot de l'énigme, il annonçait sa décision de renoncer à lui, de l'abandonner à l'oubli qui seul, disait-il, saurait le conserver en vie.»


Voilà, je ne l'aurais pas mieux dit.
Ce qui me conforte aussi dans mon hypothèse que tout cela est volontaire et un peu pervers. Contre la page blanche, écrivons n'importe quoi, et avouons le à la fin.

Il me reste une chose à faire : oublier cette lecture. Ce ne sera pas le plus difficile.
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Comment le décès d'un être cher peut vous transformer, vous amener dans une autre dimension qui n est autre que la votre? Dans ce conte métaphorique sur le deuil, le personnage mène sa quête du mot perdu. Mais quel est le mot pour désigner un parent qui a perdu un enfant ? Troublant et émouvant, ce texte laisse libre cours à l imagination pour exprimer les sentiments et les pensées les plus profonds, avec leurs paradoxes. Dans un paysage marin, des rêves délirants ou plutôt des contes enfantins mêlant le fantastique, la mythologie et la nature, ce texte poétique à la prose remarquable vous transportera dans les profondeurs d'un univers où les spectres sont libres et doux, et où la conscience cohabite avec le rêve.
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Un histoire qui se veut poétique, celle d'un mot perdu qui doit être retrouvé.
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Comment à partir d'un mot oublié, le génie de l'auteur en fait-il un roman ! Splendides découvertes sur les mots, l'échange, la mémoire, le souvenir. J'aime cette apparente économie de moyens qui, malgré — ou grâce à — cela, soulève des questions fondamentales sur notre statut humain et social.
Lien : HTTP://direcestfaire.wordpre..
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Une nouvelle fois, dans un roman, Philippe Forest change d'approche (d'aucuns utilisent à peu près toujours les mêmes ficelles ou racontent finalement toujours la même histoire ; lui, non). Il y a eu les romans directement liés à la mort de sa fille, le roman sur la vie de son père, son nouvel amour, le Chat de Shrödinger, sa fiction Crue et voici "L'Oubli"... A chaque fois, une nouvelle façon de dire les choses, même si la plume devient assez vite identifiable et si la présence de l'enfant disparue reste toujours aussi prégnante, quoique de plus en plus subtile.
Ici, il ne se passe pas grand chose, et encore moins que dans "Crue" : un homme passe plusieurs semaines sur une île de l'Atlantique dans une chambre louée. Au mur un tableau à dominante de blanc. Par la fenêtre, l'océan et le ciel. Deux cadres. L'un reflétant l'autre...
Une vie vécue, une vie imaginée et toujours, chez Forest, ces mots qui reviennent sans cesse : le vide, le rien, le néant. Souvent aussi, après une affirmation, l'expression d'un doute ou après la formulation d'une proposition, celle de son contraire... D'un tableau qui ne dit a priori précisément "rien", on peut partir et imaginer. D'un mot oublié, on peut se lancer dans une quête quasi obsessionnelle. de ses rêves (et de l'oubli ?) peut naître le bonheur. Quoique...
Si vous n'avez pas le temps de lire le début du roman, lisez au moins ceci : « quelqu'un que j'avais aimé puis perdu. Un de ces fantômes que le temps efface forcément, différent pour chacun, mais qui semblablement creuse pour tous dans le tissu des apparences l'un de ces trous donnant sur le vide qui avale tout. » N'est-ce pas là, sans la nommer, la délicate évocation de son enfant "à jamais" ?
La trouvaille du mot oublié est exploitée tout au long de ce roman philosophique ; beaucoup d'entre nous se retrouveront dans la recherche de ce mot, dans les commentaires sur les mots et les dictionnaires. Tous, je l'espère, apprécieront les allusions métaphoriques (que l'on pourrait aussi considérer comme des élucubrations nées du seul plaisir d'écrire) et passeront un bon moment à suivre la quête de ce grand chercheur es lettres.
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Avoir aimé n'a jamais de fin. Il y a toujours une suite.
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D'abord j'ai abandonné la lecture de ce livre au bout de quelques pages. Je me suis très vite ennuyé, je trouvais que l'auteur écrivait sur du vide et ne voyais pas où il voulait en venir. Je n'arrivais pas à imaginer qu'il puisse se passer quelque chose d'intéressant dans toutes ces pages.
Quelques années après je l'ai recommencé, et mon regard a changé. L'auteur nous peint de magnifiques tableaux marins, décrit les choses parfois sans les nommer. Sa façon de raconter les évènements un peu en surface, entrecoupés par de longues réflexions, nous plonge dans la tête du narrateur, duquel pourtant on ne sait presque rien. Ecrire sur l'oubli était selon moi une démarche risquée : comment illustrer un manque, une carence, un blanc, un vide, par une abondance de mots ? L'auteur a réussi le pari par la puissance et la justesse des siens. A mon sens, il a fait un coup de génie.
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Ce livre est une grâce.
Je vous la souhaite.
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Dans les romans de Philippe Forest,), tout change mais demeure. Cette fois, un homme se réveille convaincu d'avoir égaré un mot dans son sommeil, incapable de se le rappeler. Son langage se défait, sa vie se vide à mesure que les souvenirs se détachent de lui. L'histoire se dédouble tandis que les mots et la mémoire s'abîment dans un même précipice.
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